Gestion forestière
La prévention
Le typographe est un insecte largement répandu à l’échelle européenne. Il est illusoire de vouloir l’éradiquer. Il est également impossible d’empêcher totalement une pullulation. Il existe toutefois une série de mesures permettant de réduire l’impact de ces pullulations sur nos peuplements d’épicéas.
L'évacuation rapide des arbres
Le typographe est particulièrement sensible aux conditions climatiques et nettement favorisé par la présence de chablis. Les gestionnaires ne peuvent malheureusement pas agir sur le premier facteur. Il est par contre tout à fait possible d’agir sur le second et de réduire la disponibilité des sites propices à sa reproduction. À titre préventif, il est important de nettoyer les zones de chablis après un épisode de tempête. Les arbres doivent être évacués de la forêt afin de ne plus représenter un réservoir futur d’insectes.
Les arbres sains fraichement abattus dans le cadre d’une exploitation forestière (passage normal en coupe) peuvent être colonisés s’ils sont laissés en forêt. Il est donc important de les évacuer de la forêt le plus rapidement possible. Suivant le type d’exploitation, différents délais d’évacuation des bois sains peuvent être envisagés :
- Les bois des exploitations hivernales (octobre à mars) devront être évacuées avant la fin mars.
- Les bois des exploitations estivales (avril à septembre) devront être évacuées dans les six semaines.
Cette mesure rend le développement d’une génération complète d’insectes en forêt impossible. Les bois exploités mécaniquement durant cette période ne représentent plus un risque majeur. En effet, les outils utilisés (rouleaux de la tête d’abattage) compriment l’écorce et en peuvent même en arracher une fraction voire la totalité.
L’apparition de sciures et de trous d’entrée sur les grumes saines stockées dans les parcs d’approvisionnement et non écorcées sont les symptômes d’une attaque de typographes. Il convient soit d’écorcer rapidement les grumes, soit de les transformer dans les trois semaines suivant le constat de l’attaque.
La gestion des bois abattus et rémanents
Le stockage des arbres sains se fera idéalement à une distance supérieure à 5 km des peuplements sensibles. La transformation rapide des bois devra être effectuée si cette distance minimum ne peut être respectée. En dernier recours, des mesures pourront être prises afin de neutraliser le potentiel d’accueil pour les scolytes des arbres abattus auxquels les mesures décrites ci-dessus ne peuvent être appliquées. L’écorçage ou le stockage sous aspersion des grumes représentent les méthodes les plus efficaces.
La gestion des rémanents est également importante. Le typographe peut coloniser la surbille et les purges, et le chalcographe1 peut coloniser les branches de plus petites dimensions. Le passage des engins d’exploitation sur les rémanents, l’ébranchage mécanique, le broyage, l’incinération… réduiront la capacité d’accueil des rémanents.
1 Le chalcographe (Pityogenes chalcographus) est un scolytidés s’attaquant aux branches de plus petit diamètre que le typographe. Il agit souvent de concert avec ce dernier accélérant la mort des arbres touchés.
Mesures en cas d'attaque
La gestion courante
Malgré toutes les précautions préventives prises par les gestionnaires, des attaques de typographes se produiront durant la bonne saison. Lorsque les niveaux de population restent à un niveau endémique, une action rapide en deux temps permet d’éviter une extension des foyers et une augmentation des populations et des dégâts.
Phase de repérage / martelage
C'est l’action la plus urgente à mener. Des passages à intervalle régulier dans les peuplements sont nécessaires pour identifier et marteler les arbres touchés. Il est important de ne pas se limiter aux arbres présentant un désséchement du houppier ou des décollements d’écorce. Il faut également sélectionner les arbres présentant des trous de pénétration ou de la sciure rousse sur leur écorce ou à leur pied. Par contre, des écoulements de résine ne sont pas forcément un indice de réussite de l’attaque. L’arbre a pu réagir et empêcher l’entrée des insectes.
Un arbre ayant perdu son écorce ne contient généralement plus de scolytes ou les scolytes sont sur le point d‘essaimer. Le rougissement du houppier se produit généralement après le départ des insectes. Ces situations ne sont plus prioritaires dans le cadre de la lutte contre les scolytes. Une vérification de la présence des insectes en soulevant l’écorce peut toutefois être effectuée pour s’en assurer.
Abattage des arbres scolytés
Il est impératif et légalement obligatoire d’abattre ces arbres et de les évacuer de la forêt dans les délais les plus courts toujours à une distance minimale de 5km des sites sensibles. Les arbres devront être débardés avec leur écorce. Les larves sont ainsi emportées avec les arbres. L’élimination du couvain permet de réduire le nombre d’insectes lors de la génération suivante.
L’écorçage est un moyen de lutte efficace. Il peut être pratiqué dans tous les cas.
Si la détection a lieu entre :
- Les mois d’avril et de septembre : les opérations doivent être menées dans les 2 semaines. Il est important que l’action ait lieu avant la fin du cycle de développement de l’insecte.
- Les mois d’octobre à mars : les opérations doivent être menées le plus rapidement possible mais surtout avant les conditions favorables pour le premier essaimage. La date limite est fixée au 31 mars.
Si les arbres sont exploités mécaniquement, les insectes présents sous l’écorce seront partiellement broyés par les rouleaux de la tête d’abattage. Dans certains cas, l’écorce sera d’ailleurs éliminée par cette opération. Si l’écorce adhère encore fortement sur les arbres, l’abattage mécanique ne réduit pas efficacement les populations d’insectes. L’évacuation a une distance suffisante ou l’écorçage sont préconisés dans ces cas.
Il est important d’effectuer plusieurs passages dans les peuplements pour bien identifier l’ensemble des arbres attaqués. Cette opération est primordiale pour réduire au maximum la densité d’insectes et donc l’impact des générations successives. Il est nécessaire de mener les opérations jusqu’au bout. L’abattage seul ne suffit pas. Les actions doivent également être menées sur l’ensemble du territoire pour être efficaces.
En cas d'épidémie
La gestion du typographe en période épidémique ne diffère pas de la gestion courante. Les moyens logistiques nécessaires au traitement des arbres pourraient être insuffisants face au volume d’arbres concerné. La population d’insectes sera bien plus élevée. Certaines actions spécifiques peuvent améliorer l’efficacité de la gestion.
Les arbres sains fraichement abattus représentent un réservoir potentiel important. La suspension des ventes et le report de l’exploitation des bois sains doivent être envisagés. Ces actions permettent de réduire la quantité d’habitat colonisable par le typographe dans son environnement et dans les parcs d’approvisionnement des entreprises liées au secteur du bois. Pour les arbres fraichement abattus, une attention particulière doit être portée à leur surveillance afin de réagir lors de leur colonisation (voir partie prévention).
La mise en place de parcs à grumes hors forêt (> 5 km) facilitera la gestion des bois attaqués. Ces aires serviront de tampons en attendant l’absorption du volume par les scieries. Ces parcs pourront faciliter l’écorçage complet des arbres n’ayant pas été écorcés directement après l’abattage. L’utilisation d’une machine dédiée à l’écorçage travaillant en continu sur le site augmentera l’efficacité technique et économique de l’opération.
Les modes de stockage
Plusieurs modes de stockage peuvent être envisagés :
- Le stockage sec pourra être envisagé si la mise en production des grumes se fait avant l’hiver. La dépréciation du bois stocké dans ces conditions sera limitée.
- Le stockage sous aspersion de qualité devra être envisagé pour les durées plus longues. L’aspersion contribuera à diminuer la survie des insectes. Elle restera néanmoins nettement moins efficace que l’écorcement. Cette technique devrait permettre un stockage du bois sur une période de deux ans.
Les écorces pourront être détruites par séchage ou incinération. Le séchage sera efficace sur les premiers stades de l’insecte (couleur blanche). Dans les autres cas, l’incinération sera préconisée.
L'évacuation des arbres
Si une priorité d’évacuation ou de sélection des arbres doit être établie, les arbres représentant un risque doivent être choisis prioritairement. Il s’agit des arbres possédant encore des larves ou des insectes sous écorce. Les arbres morts, sans écorces et ne comportant plus d’insectes ne représentent plus de risques. L’absence d’insecte doit toutefois être vérifiée avant de prendre la décision.
La gestion des rémanents
Bien que la priorité soit bien évidemment le repérage et l’évacuation des arbres scolytés, la gestion des rémanents doit faire l’objet d’une attention particulière. Le broyage et l’incinération des rémanents et des écorces seront préconisés afin de réduire les risques de colonisation par le typographe et le chalcographe. L’utilisation du feu est autorisée pour détruire les rémanents en cas de forte pullulation (AGW 27/05/2009, art 24). Il est important de se renseigner auprès du Département de la Nature et des Forêts ainsi qu’auprès des pouvoirs locaux afin de prendre connaissance des règles en vigueurs avant d’entreprendre ces opérations.
L'utilisation de produits phytosanitaires
L’utilisation de produits phytosanitaires de type pyréthrinoïde, pour traiter les arbres abattus qui ne pourraient pas être écorcés ou retirés de la forêt, est fortement réglementée. Le code forestier interdit tout usage de pesticide en forêt (décret du 15/07/2008 article 42). Il existe quelques exceptions à cet article dont les scolytes font partie (AGW 27/05/2009, art 23). L’application de produits doit en tous les cas être locale (sur l’arbre abattu). Elle ne peut pas s’appliquer au traitement de tas de grumes abattues et débardées sur les quais et bords de route et de chemins. Le traitement des rémanents ou des écorces en forêt ne peut pas être considérée comme une application locale. Les essais antérieurs ont démontré que seule une faible surface des grumes ainsi pulvérisées était atteinte par les insecticides, diminuant ainsi l’efficacité de la pulvérisation. Les insecticides n’ont quasi pas d’effet dans le cas du traitement des rémanents.
L’application doit se faire dans le respect des législations en vigueur. Il est recommandé de se renseigner sur les produits homologués et leurs conditions d’application sur le site du ministère de la santé - PHYTOWEB.
Le piégeage phéromonal
La réduction des populations par piégeage phéromonal a été testée pendant de nombreuses années. Ces techniques demandent un effort important pour déployer et entretenir un réseau de pièges conséquent. La capture ne serait que partielle (10 000 insectes par piège alors que 1 m³ de bois en produit plus de 30 000 insectes). Une proportion de 3 à 4 pièges par arbre scolyté pourrait permettre l’absorption d’une émergence. Cette solution semble techniquement peu réaliste. Les moyens humains investis dans cette opération seront bien mieux employés dans les actions classiques. Le piégeage est surtout envisageable pour la recherche scientifique et le monitoring des populations.
© Quentin Leroy (OWSF)
© Quentin Leroy (OWSF)
Parmi les derniers symptômes, les trous de sortie (photo de gauche) et les décollements d’écorces (photo de droite) sont caractéristiques de la fin de la colonisation de l'arbre et d'un envol déjà effectué ou imminent des insectes.