Mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau

 

Masses d'eau souterraine

Carte : Masses d'eau souterraine

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Définitions de la Directive cadre sur l'Eau

Comme pour les eaux de surface, la Directive cadre sur l'Eau (Directive 2000/60/CE) introduit le concept de masse d’eau souterraine, unité élémentaire du milieu aquatique, mieux adaptée à la gestion des eaux à l'intérieur des bassins hydrographiques à large échelle (districts hydrographiques).

La Directive cadre propose en outre les définitions suivantes:

Aquifère : une ou plusieurs couches souterraines de roche ou d'autres couches géologiques d'une porosité et perméabilité suffisantes pour permettre, soit un courant significatif d'eau souterraine, soit le captage de quantités importantes d'eau souterraine.

Masse d'eau souterraine : un volume distinct d'eau souterraine à l'intérieur d'un ou de plusieurs aquifères.
L'article 5 de la Directive précise que les États membres effectuent une caractérisation initiale de toutes les masses d'eau souterraine pour évaluer leurs utilisations et la mesure dans laquelle elles risquent de ne pas répondre aux objectifs de qualité de chaque masse d'eau souterraine prévus à l'article 4.

Critères de délimitation adoptés en Wallonie

L' analyse doit définir en premier lieu l'emplacement et les limites de la masse ou des masses d'eau souterraine.
Contrairement au cas des eaux de surface, la Directive et les documents-guides qui en dérivent ne proposent pas de méthodologie précise pour délimiter les masses d'eau souterraine.

En Wallonie, les travaux indispensables à cette fin ont débuté en 2001 et ont été menés par un comité d’experts réunissant les services universitaires spécialisés en hydrogéologie et la Direction des Eaux souterraines. Une étape importante du processus a consisté à déterminer les aquifères transfrontaliers lors de réunions de travail internationales dont les résultats ont été actés par la Conférence ministérielle de Liège du 30 novembre 2001. La mise en œuvre des critères de délimitation définis par le Comité d’experts s’est poursuivie pendant l’année 2002 pour aboutir à une première délimitation. Les approches parfois différentes utilisées par les partenaires des districts de la Meuse et de l’Escaut ont enfin nécessité une concertation qui s’est déroulée au second trimestre 2003 au sein des deux commissions internationales (Escaut et Meuse) pour harmoniser les masses d’eau souterraine au niveau des districts.

Les aquifères sont délimités suivant des critères purement hydrogéologiques, tandis que les masses d'eau souterraine, telles que définies dans la Directive, peuvent être délimitées tant suivant des critères hydrogéologiques que suivant des critères non hydrogéologiques. Les limites des masses d'eau souterraine peuvent également tenir compte d'impératifs liés à la gestion même de la masse d'eau.
Les critères retenus sont:

Critères hydrogéologiques :

  • étendue et caractéristiques des couches géologiques ;
  • zone d'alimentation ;
  • ligne de partage des écoulements souterrains ;
  • liaison hydraulique entre les couches géologiques ;
  • interaction avec les eaux de surface et les écosystèmes terrestres associés ;
  • propriétés hydrochimiques, distinction entre les nappes libres et les nappes captives.

Critères non hydrogéologiques :

  • captage ou possibilité de captage ;
  • impact des pressions, tant le captage que la pollution, sur les masses d'eau, les écosystèmes terrestres et les dégâts aux couches ou aux biens non meubles à la surface de la terre (comme les affaissements) ;
  • ligne de partage des eaux de surface ;
  • limites administratives.

Application en Wallonie

De tous les critères figurant ci-dessus, seul le dernier n’a pas dû être appliqué en Région wallonne. La désignation et la première caractérisation des masses d'eau souterraine résultant de la mise en application de la Directive cadre ont nécessité l'adoption préalable d'une méthodologie. Celle-ci a été établie par l'Administration (SPW ARNE), au départ des informations générales reprises dans la Directive cadre et d’indications contenues dans une série de documents guides rédigés par des experts européens.

Cette méthodologie a été élaborée en concertation entre les Services concernés du SPW ARNE et du SPW MI. Elle a par ailleurs été approuvée par la Plate-forme Permanente pour la Gestion Intégrée de l'Eau (PPGIE), en séance du 10 décembre 2003. Enfin, une coordination pour les masses d'eau frontalières a été assurée avec les administrations flamande, française, allemande et néerlandaise, dans le cadre des Commissions internationales pour la Meuse, l'Escaut et le Rhin.

Révision des masses d’eau souterraines en 2017

Suite à l’analyse des pressions et au vu des résultats de la surveillance qualitative, la masse d’eau souterraine des sables de la vallée de la Haine RWE031, qui comprenait deux parties distinctes, a été scindée en deux nouvelles masses d’eau : à l’est, la masse d’eau RWE033, qui présente une pression urbaine et industrielle forte et dont les principaux paramètres déclassants sont les macropolluants ; à l’ouest, la masse d’eau RWE034, de pression industrielle faible, mais dont l’impact de l’agriculture est plus important ; ce sont les nitrates et les pesticides qui sont déclassants.

Le tableau 14 reprend la liste des masses d'eau souterraine définies ainsi que quelques-unes de leurs caractéristiques. Elles sont représentées à la carte 15.

Tableau 14 : Liste des masses d’eau souterraine, surface et typologie simplifiée

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En résumé

  • La mise en application de l'article 5 de la Directive cadre sur l'Eau a abouti dans le cas de la Wallonie à un découpage en 33 masses d'eau souterraine, approuvées par la PPGIE et par le Gouvernement wallon.
  • En 2017, une masse d’eau du district de l’Escaut a été scindée en 2 en raison de la différence de pression et de l’impact sur l’état qualitatif de 2 parties distinctes, augmentant le nombre de masses d’eau wallonnes à 34, dont 11 sont attribuées au district de l'Escaut, 21 à celui de la Meuse et 2 à celui du Rhin.
  • Parmi ces masses d’eau souterraine, 24 sont à aquifères transfrontaliers et nécessiteront une gestion commune avec les régions ou états membres voisins.
  • La délimitation précise des masses d’eau souterraine est toujours susceptible d’évoluer en fonction de l’amélioration de la connaissance de certains aquifères insuffisamment caractérisés jusqu'à présent.

Réseau de surveillance de l'état des masses d'eau souterraine

Carte : Réseau de surveillance de l'état des masses d'eau souterraine

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Une étape importante de la mise en œuvre de la Directive cadre sur l’eau (DCE) en Wallonie était l’établissement, au 22 décembre 2006, d’un programme de surveillance des masses d’eau souterraine définies en Wallonie. D’où la nécessité d’un nouveau réseau de surveillance aussi représentatif que possible, permettant une évaluation cohérente et complète de l’état du patrimoine et des ressources hydriques.

La mise en place de ce réseau a nécessité deux années de travail pour l’Observatoire des Eaux Souterraines en étroite collaboration avec les universités (projets Scaldit pour l’Escaut et Synclin’Eau pour la Meuse).

Pour bien comprendre

Site de contrôle :

endroit où il est possible de procéder à des observations pertinentes concernant l’état quantitatif ou chimique de l’eau souterraine (il pourra s’agir de points de mesure sur des puits, piézomètres, sources, etc.). Le vocable "station de mesure", trop restrictif, est désormais abandonné.

Réseau de surveillance :

ensemble organisé et permanent de sites de contrôle plus ou moins espacés et répartis sur le territoire. Les termes "patrimonial" et "producteur" seront utilisés fréquemment pour distinguer le fournisseur de la donnée, respectivement l’Administration – Direction des eaux souterraines du SPW Environnement – ou le producteur d’eau.

La contribution des producteurs d’eau porte sur toute prise d’eau souterraine potabilisable en activité et dont le volume produit dépasse le seuil de 100 m3 en moyenne journalière, et toute prise d’eau souterraine non potabilisable en activité, dont le volume produit dépasse le seuil de 1000 m3 en moyenne journalière.

La part patrimoniale réunit des sites de contrôle où sont implantés des piézomètres, des sources ou d’autres catégories de prises d’eau que celles visées au paragraphe précédent.

Le programme de surveillance :

En application de l’article 8 de la DCE, le programme de surveillance de l’état des eaux souterraines, mené sur une sélection représentative des sites de contrôle, appelé réseau de surveillance DCE, inclu :

  • un programme de contrôle du niveau des nappes (ou du débit de certaines sources) destiné à établir l’état quantitatif des masses d’eau et son évolution ;
  • un programme de contrôle de surveillance portant sur tous les polluants ou paramètres pertinents présents dans les eaux souterraines, destiné à établir régulièrement l’état chimique des masses d’eau ainsi que son évolution, et détecter l’apparition de nouveaux polluants ;
  • un programme de contrôles opérationnels portant sur les masses d’eau souterraines qui risquent de ne pas atteindre le bon état et visant à suivre, chaque année, les altérations constatées et en particulier à établir les tendances évolutives des concentrations en polluants observés.

Les contrôles non repris dans ces programmes sont qualifiés de contrôles additionnels (zones vulnérables, zones de captage d’eau, …) ou de contrôles d’enquête (Police des Etablissements classés, sites contaminés, …).

En particulier, les sites protégés destinés au captage d’eau souterraine destinée à la consommation humaine (soit les captages d’eau potabilisable) qui ne sont pas repris dans le réseau de surveillance DCE, parce que redondants ou insuffisamment représentatifs des pressions anthropiques, font partie du réseau de surveillance additionnel du SPW Environnement (en conformité avec l’article 7 de la DCE).

Documents à consulter :

Description du réseau DCE

L’application de la directive cadre a nécessité une restructuration et un redéploiement du réseau de surveillance existant de manière à appréhender les masses d’eau mal connues. En outre, son exigence de représentativité a abouti à la nécessité de rééquilibrer le réseau principal entre les ressources exploitées et non exploitées.

Le réseau de surveillance DCE totalise, en 2022, 546 sites de contrôle, dont la répartition est présentée au tableau 15, dans les districts hydrographiques internationaux subdivisant la Région. Pour rappel, les eaux souterraines du bassin de la Seine sont, par similitude géologique, rattachées au District de la Meuse.

Tableau 15 : Répartition des sites de contrôle DCE entre les différents districts hydrographiques internationaux subdivisant la Région wallonne

Nombre de sites de contrôle Symbole
sur la carte
District
Escaut
District
Meuse
District
Rhin
Total
Wallonie
Réseau quantitatif 4_4_1.gif 66 104 3 173*
Réseau chimique à gestion patrimoniale 4_4_2.gif 76 127 8 211*
Réseau chimique à gestion producteur 4_4_3.gif 69 111 5 185

*Plus d'une vingtaine de points sont communs aux réseaux quantitatif et chimique patrimonial.

La carte 16 reprend les sites du réseau de surveillance (réseau DCE et réseau additionnel SPW Environnement).

Pour les besoins propres au SPW Environnement et l’étude de problématiques particulières, un réservoir de sites de contrôle plus étendu est bien entendu maintenu opérationnel.

On peut constater que la densité des sites de contrôle est plus importante dans le bassin de l’Escaut que dans l’espace Rhin-Meuse; cela est dû d’une part à l’existence plus fréquente de masses d’eau superposées (zones hachurées) mais résulte aussi de l’importance des pressions exercées par l’activité humaine. En cas de pressions diversifiées, cette densité dont la base est de 1 site par 100 km2 peut atteindre 1 site par 25 km2.

La masse d’eau souterraine RWM100 « Grès et schistes du massif ardennais : Lesse, Ourthe, Amblève et Vesdre » ne comporte aucun point de mesure de surveillance chimique DCE officiel. En effet, l’annexe V point 2.4.2 de la directive spécifie pour la surveillance de l’état chimique, que « des sites de contrôle doivent être choisis en nombre suffisant pour les masses d’eau recensées comme courant un risque suite à l’exercice de caractérisation entrepris conformément à l’annexe II et pour les masses d’eau qui traversent la frontière d’un état membre ». Or, lors de sa caractérisation, la masse d’eau RWM100 a été évaluée en bon état. De plus, les aquifères de cette masse d’eau souterraine ne sont pas transfrontaliers. Aucun réseau de surveillance chimique DCE n’a dès lors été défini au droit de cette masse d’eau. Cependant, la qualité de la masse d’eau est suivie à l’aide de réseaux additionnels (réseau d’impact des producteurs, survey nitrate,…).

En résumé

  • Le réseau de surveillance de l’état quantitatif et qualitatif des masses d’eau souterraine totalise, en 2022, 546 sites de contrôle représentatifs, répartis sur l’ensemble de la Wallonie.
  • Le programme des analyses et des relevés effectués sur le réseau de surveillance a été réalisé sur la période 2009-2013 pour les 1ers Plans de Gestion des Districts Hydrographiques (PGDH), sur la période 2014-2019 pour les 2es PGDH et est en cours de traitement sur la période 2020-2025 pour les 3es PGDH.
  • Ce programme fait comme par le passé appel à la contribution essentielle des producteurs d’eau mais la complète par une source d’information dite patrimoniale tout aussi importante.

Réseau de surveillance des émergences

Carte : Réseau de surveillance in-situ des émergences

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Dans les milieux karstiques, les écoulements de l’eau souterraine sont très hétérogènes. Un réseau de surveillance classique, tel que décrit dans les chapitres précédents, peut perdre totalement sa représentativité pour l'évaluation de l'état de la masse d'eau. Le réseau peut dans ce cas, tant pour l'aspect qualitatif que pour l'aspect quantitatif, être avantageusement complété des deux manières suivantes :

  • D'une part en focalisant la surveillance en des points intégrant mieux les flux d'eau tels que les sources (émergences). L'écoulement souterrain spécifique y atteint couramment plusieurs dizaines de litres par seconde et par km² ;
  • D'autre part en augmentant, pour quelques paramètres "clés", les fréquences d'échantillonnage. En pratique, vu la grande variabilité des sources, cet objectif ne peut être atteint qu'en mesurant automatiquement et en continu avec une instrumentation in-situ. En règle générale, dans le karst, l'échelle de la crue (quelques heures à quelques jours) doit être considérée.

Le réseau dit "des émergences" du SPW ARNE-DESo est constitué de stations automatiques mises en place sur trois masses d'eau souterraine (BERWM021-Calcaires et grès du Condroz, BERWM023-Calcaires et grès de la Calestienne et de la Famenne, et BERWM142- Calcaires et grès du bassin de la Vesdre) (Carte17). Il a été initié en 2006 et comporte actuellement dix stations (Tableau 16) implantées sur des sources karstiques importantes non captées. Les stations sont suivies essentiellement par l'ISSeP et le SPW ARNE-DESo.

Tableau 16 : Aperçu des paramètres mesurés sur les stations automatiques du réseau de surveillance des émergences

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La plupart des émergences font l'objet des mêmes analyses régulières que celles pratiquées sur les autres points du réseau de surveillance (réseau patrimonial et réseau des producteurs). Elles ont également fait l'objet d'une campagne d'analyses (FATE EU GW) de polluants émergents organisée par le JRC (le Centre commun de Recherches de la Commission européenne) en automne 2008.

Les figures 16 à 19 présentent les variations de la conductivité et de la température au cours de l’année 2015 à Chanxhe, dans la masse d’eau BERWM021 (calcaires et grès du Condroz), et à la Grotte du Chalet, dans la masse d’eau BERWM023 (calcaires et grès de la Calestienne et de la Famenne).

Figure 17 : Observations à Chanxhe (données brutes), venues d'eau

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Figure 18 : Conductivité mesurée en 2015 à Chanxhe (données brutes)

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Figure 19 : Températures mesurées en 2015 à Chanxhe (données brutes)

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La conductivité électrique mesure la capacité de l’eau à transmettre un courant électrique. Elle reflète la quantité d’ions présents dans l’eau.

A Chanxhe, la courbe brute de la conductivité (Figure 18) présente une croissance régulière de janvier (~ 600 µS/cm) à novembre (~ 800 µS/cm), marquée par des chutes brutales, ponctuelles, et de faible ampleur (~ 50 à 75 µS/cm) jusqu’en juillet. A partir de cette date, les chutes sont plus fréquentes et plus amples jusqu’en novembre. A la fin de l’année – de novembre 2015 à janvier 2016 -, la conductivité redescend à la valeur observée (~ 600 µS/m) au début de l’année 2015.

Ces variations de la conductivité électrique traduisent une modification de la composition des eaux souterraines. L’augmentation régulière suivant un cycle saisonnier est liée à la contribution variable d’un réservoir mobilisant une eau dont le temps de séjour est plus long. Par contre, les brusques diminutions de la conductivité électrique sont provoquées par un apport d’eau moins minéralisée. Il s’agit en l’occurrence des infiltrations directes des précipitations par les conduits karstiques plus transmissifs.

A la résurgence de la Grotte du Chalet (Figure 16), la courbe brute de la conductivité semble évoluer entre deux paliers, le premier autour de 375 à 400 µS/cm et le second à 450 µS/cm. La courbe se situe dans le premier palier de janvier à mai, puis elle monte vers le second palier pendant les deux mois suivants pour s’y maintenir jusqu’en septembre. Ce mois-là, elle redescend brusquement pour remonter rapidement, début octobre, au second palier qui était son niveau précédent. Fin novembre, la courbe redescend brusquement au premier palier. Pendant toute l’année, la courbe est marquée par des chutes brutales, ponctuelles, et de faible ampleur (~ 50 à 75 µS/cm).

Cette évolution pourrait traduire une plus grande sensibilité du système aux précipitations. Il serait intéressant de quantifier les choses pour étayer cette hypothèse. En période de basses eaux, le système relâche de l’eau ancienne, fortement minéralisée. Une fois les hautes eaux revenues, la dilution des eaux anciennes avec l’eau moins minéralisée des précipitations fait baisser la conductivité.

La température de l’eau est un traceur naturel plus complexe à étudier qu’il n’y paraît car le transfert de chaleur au sein d’un aquifère est soumis à deux grands processus : la conduction ou diffusion et l’advection.

La diffusion est un transfert de chaleur au sein d’un milieu, sans déplacement de matière, sous l’influence d’une différence de température. La densité de flux est proportionnelle au gradient de température et à la conductivité thermique de la roche. Ce mécanisme à lui seul ne permet pas d’expliquer le réchauffement graduel des eaux souterraines jusqu’en septembre suivi d’un lent refroidissement jusqu’à la fin de l’hiver que l’on peut observer à la grotte du Chalet (Figure 16) et à Chanxhe (Figure 19).

L’advection est mise en jeu lorsque le flux de chaleur est transporté par un fluide en déplacement. L’examen d’un épisode de précipitation montre l’influence d’une venue d’eau sur la température (Figure 16).


Bibliographie

  • Dörfliger N. et alii, (2010), Guide méthodologique. Les outils de l’hydrogéologie karstique. BRGM RP-58237-FR.
  • European Commission, 2009: Guidance document N°19. Guidance on surface water chemical monitoring under the water framework directive. Common Implementation Strategy for the Water Framework Directive. Technical Report - 2009 - 025.


En résumé

  • Un réseau de surveillance in-situ et en continu de dix émergences karstiques est opérationnel depuis 2006 dans trois masses d'eau calcaires (BERWM021, BERWM023 et BERWM142).
  • Ce réseau est destiné à:
    • Replacer les variations chimiques et quantitatives très rapides de ce type d'aquifère dans un contexte mieux documenté ;
    • Apporter un meilleur éclairage sur le devenir des pollutions, qu'elles soient accidentelles, chroniques, ou à long terme ;
    • Mettre au point des méthodes de mesure complémentaires favorisant des évaluations environnementales plus représentatives et à moindre coût.

Système d'évaluation de la qualité des eaux souterraines, SEQESO

Carte : Indice de qualité pour les pesticides sur le réseau DCE

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Cet outil, autorisant un diagnostic rapide et synthétique de l’état chimique de l’eau souterraine, a été approuvé par le Gouvernement wallon en 2003 et développé par le SPW Environnement.

Le SEQESO est, comme le SEQEAU français dont il s’inspire, une grille de lecture et d’interprétation d’un protocole d’analyse complet relatif à un point d’eau, reposant sur :

  • l’examen parallèle des différents usages et fonctionnalités de l’eau souterraine ;
  • la définition de seuils de qualité croissante pour chaque paramètre chimique envisagé ;
  • le regroupement des paramètres par familles appelées altérations.

La qualité d’une eau brute souterraine est examinée par rapport à trois fonctions essentielles :

  1. les usages de l'eau et principalement l’aptitude de l’eau à la distribution publique d’eau potable, s’agissant de l’usage le plus strict et d’intérêt majeur en Wallonie ;
  2. l'état patrimonial qui exprime le degré de dégradation d'une eau par rapport à un état quasi naturel ou au fond géochimique existant (métaux), du fait de la pression exercée par les activités socio-économiques sur les nappes, mais sans référence à un usage quelconque ;
  3. l'aptitude chimique des eaux souterraines à maintenir la diversité biologique des cours d'eau.

Pour chaque paramètre physico-chimique, différents seuils de qualité sont fixés, correspondant soit à des normes ou des valeurs guides existant dans la législation wallonne ou certains codes étrangers, soit à des jugements d’experts reposant sur l’état des techniques, la littérature ou la dispersion statistique des données disponibles. Ces seuils définissent des classes de qualité. Le système SEQESO permet de distinguer jusqu’à 5 classes de qualité (chacune matérialisée par une couleur, Tableau 17), qui ont une définition précise pour chaque fonction.

Le système SEQESO s’appuie sur la notion d'altération. Les altérations sont des groupes de paramètres chimiques de même nature ou de même effet permettant de décrire les types de dégradation de la qualité de l’eau. En Wallonie, les paramètres sont regroupés en 6 altérations principales sur lesquelles une appréciation globale peut donc être portée (Figure 20).

Figure 20 : Classe de qualité pour les pesticides (cas du diuron)

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En résumé, le point d’eau décrit à la figure 20 est de mauvaise qualité. La pression est agricole et caractéristique d’une source de pollution ponctuelle. L’eau subit une importante altération au niveau des pesticides et des nitrates. La bentazone est le paramètre déclassant (devant le chlortoluron) et y atteint une concentration largement supérieure à la norme de potabilité, tandis que la valeur moyenne de concentration en nitrates dépasse légèrement la norme pour l’eau potable, ce qui donne un indice général de la qualité de l’eau médiocre pour cette altération. L’altération « minéralisation en salinité » présente un indice moyen du fait que la valeur moyenne de la concentration en chlorures dépasse le seuil de 60mg/l, ce qui montre une dégradation par rapport à l’état naturel. En outre, un fond de cuivre est détecté, mais ayant une concentration en dessous de 15 µg/l (ce qui implique un risque d’effets chroniques uniquement pour des espèces plus sensibles des cours d’eau).

Un des intérêts majeurs du SEQESO consiste à construire une échelle de qualité générale de l’eau pour chaque paramètre mesuré ; un indice continu est ainsi calculé par interpolation entre les seuils supérieurs relatifs à la production d’eau potable et les seuils inférieurs relatifs à l’état patrimonial (avec correctif éventuel pour les écosystèmes aquatiques). Dans le cas des pesticides, l’échelle générale peut se présenter comme au tableau 17.

Tableau 17 : Système d’évaluation de la qualité des eaux souterraines (SEQ-ESO), appliqué à « EUGIES MITOYENNE 65M »
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Ensuite on calcule très facilement l’indice global relatif à une altération, équivalant à l’indice minimal des paramètres qui la composent.

La carte 18 donne ainsi une vue d’ensemble établie sur le réseau représentatif de surveillance. Depuis 2019, l’indice SEQESO « pesticides » est basé sur les 21 substances actives ou métabolites de pesticides dont le suivi est jugé le plus pertinent en RW (plus les pesticides totaux). Parmi ces substances, l’étiquette indique le pesticide le plus déclassant.

Afin de répondre aux exigences de la Directive cadre, des développements supplémentaires ont été apportés au SEQESO ; ils permettent de porter un jugement d’ensemble sur l’état chimique d’une masse d’eau souterraine (la future norme étant placée à I=40%) selon le résumé logique représenté par la figure 21.

Figure 21 : Logigramme permettant d’appréhender l’état chimique d’une MESo.

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Pour en savoir plus sur le système SEQESO, consulter ce document.

Pressions industrielle et historique sur les masses d’eau souterraine

Carte 19 : Pression historique effective sur les différentes masses d’eau (DPNE par 100 km²)

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Description quantitative des pressions locales

En l’absence d’étude permettant d’objectiver l’existence d’une pollution de l’eau souterraine par les usines polluantes, les sites d’élimination de déchets ou les friches industrielles, le recensement de ces sites n’évalue que des pressions locales potentielles sur les masses d’eau souterraine (MESo). Leur présence au-dessus d’une MESo ne constitue pas une preuve qu’un flux ponctuel de polluants est effectivement émis vers les eaux souterraines. Or, d’après le guide WFDCIS- GD17 (2007) qui clarifie, pour les MESo, les notions de pressions et d’impacts utilisées dans le guide WFD-CISGD3 (2002), ce sont bien ces flux (« direct and indirect inputs of pollutants ») qui constituent la pression effective.

A l’occasion des deux premiers plans de gestion, faute de disposer de données suffisamment consolidées sur les pollutions réelles et leur répartition spatiale, seuls des indicateurs de pression potentielle ont été utilisés, à savoir les nombres et densités spatiales d’activités polluantes et de sites potentiellement pollués (SPP).

Aujourd’hui, le calcul d’indicateurs de pression effective devient possible grâce à la multiplication des données disponibles sur les pollutions réelles suite à la mise en application du Décret du 1er mars 2018 relatif à la gestion et à l’assainissement des sols. Ces nouveaux indicateurs sont cependant encore à affiner dans le futur car ils sont calculés à partir d’une base de données incomplète.
Pour le troisième plan de gestion, il a dès lors été décidé :

  • de conserver « pour mémoire », les indicateurs de pression locale potentielle ;
  • d’évaluer la pression locale ponctuelle effective au moyen de plusieurs nouveaux indicateurs (Tableau 18) :
    • nombre (Nb) et densité spatiale (D) de pollutions de l’eau souterraine (PESo) en distinguant les cas où :
      • ces pollutions concernent la nappe aquifère exploitée (PNE), donc la réserve de la masse d’eau et ce y compris si cette réserve est contenue dans une couche d’alluvions assez épaisse et perméable pour cela ; leur densité spatiale (DPNE) est alors indicative de la pression effective sur la masse d’eau ;
      • ces pollutions concernent une nappe perchée dans des couches superficielles non exploitées : leur densité spatiale n’est alors qu’un nouvel indicateur de pression potentielle sur la MESo.
    • nombre et densité de pollutions de la nappe jugées « à risque local de dispersion » (PRLD) en distinguant les cas où ces risques ne sont pas encore maitrisés (Nb. Effectif) de ceux où ils ont été éliminés par des travaux (Nb. Eliminé), gérés par confinement (Nb. Géré) ou contrôlés par monitoring (Nb. Surveillé) ;
    • deux indices (A et B) permettant de différencier et de classer les masses d’eau souterraines. Ces indices caractérisent les causes (A) et conséquences (B) du niveau de la pression effective :
      • A=nb de pollutions de nappe exploitée/ nb de sites potentiellement pollués. Cet indice indique la probabilité qu’une pollution par un SPP atteigne effectivement la nappe exploitée ;
      • B=nb de pollutions à risque local de dispersion/nb de pollutions de la nappe (exploitée ou non). Cet indice quantifie la probabilité qu’une fois dans l’eau, la pollution se disperse vers une cible locale (source, puits, terrain voisin) ou dégrade significativement un grand volume d’eau potabilisable.
  • d’envisager l’existence éventuelle de pressions industrielles plus « diffuses », liées à la concentration d’un grand nombre de pollutions ponctuelles, non identifiées individuellement sur certaines masses d’eau.

Le tableau 18 présente les indicateurs de pression locale, calculés globalement pour la Wallonie ainsi que pour chacun des trois districts hydrographiques. Les deux dernières colonnes reprennent les rapports entre les nombres d’assainissements et de monitorings et les nombres de pollutions à risque.

Tableau 18 : Nombres (Nb) et densités spaciale (D) des pollutions des eaux souterraines pour la région Wallonne (D = densité spatiale (Nb/100 km²), source : BD DixSous de mai-19)

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Il n’est pas étonnant de constater que la plupart des indicateurs prennent des valeurs supérieures dans le district de l’Escaut comparativement à celles du district de la Meuse présentant une plus grande proportion de territoire rural. L’indice A fait cependant exception puisqu’il est plus grand dans le district de la Meuse en raison des trois masses d’eau contenues dans les alluvions de la Meuse (RWM071, 072 et 073). La nappe exploitée étant proche de la surface, la probabilité qu’une pollution atteigne cette dernière y est plus élevée que partout ailleurs (DPNE, Tableau 19). L’indice A étant indépendant de la surface totale du district, sa valeur n’est pas contrebalancée par la faible densité de pollutions dans les zones rurales.

Tableau 19 : Evaluation des pressions exercées par les sites pollués sur les différentes masses d’eau

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La carte 19 localise les masses d’eau avec une pression historique non négligeable (DPNE par 100 km²>2,5). Il s’agit des craies de la Haine (RWE030) et du Geer (RWM040), des sables bruxelliens du Brabant (RWE051) et de Haine et Sambre (RWM052), des alluvions et sables de la Haine (RWE033) et des alluvions de la Meuse (RWM071, 072 et 073).

Ces pressions plus importantes s’expliquent soit parce que les nappes exploitées sont peu profondes et/ou parce que la densité de sites pollués est très forte (RWM071, RWM072, RWM073, RWE033), soit parce que ces sites pollués sont plus fréquemment situés à des endroits où les nappes exploitées, bien que plus profondes, ne sont pas protégées par une nappe alluviale non exploitable (RWM052, RWE051, RWM040, RWE030).

On distingue mieux ces différents cas de figure en examinant les classements des masses d’eau, par ordre décroissant des indicateurs présentés au tableau 19. Alors que les masses d’eau superficielles sont en haut de classement pour les densités de SPP et de pollutions effectives, elles descendent nettement dans ce classement lorsqu’on s’intéresse à l’indice B. Ce dernier exprimant la probabilité qu’une pollution, une fois dans la nappe, se disperse suffisamment pour générer un risque local est bien plus élevé pour des masses d’eau à moindre potentiel d’atténuation naturelle et à plus fort gradient hydrogéologique comme les sables bruxelliens (RWE051), et avec en plus les dispersions accélérées par la double porosité des craies (RWM040, RWE030).

Pour la RWE033, très dense en SPP et aussi très peu profonde, on s’attend à une DPNE très haute. Cependant, les alluvions de la Haine au sens strict sont des sédiments très peu perméables et tourbeux, non exploitables et non exploités par des captages dignes de ce nom. Lorsque l’étude d’un terrain pollué a pu démontrer que la pollution avait impacté exclusivement ce niveau superficiel sans toucher les sables plus perméables sous-jacents, on n’a pas encodé la pollution comme « PNE ». Cela a ramené l’indicateur de pression effective de cette masse d’eau à une valeur plus modérée qui cadre mieux avec le niveau réel du risque. Cela a aussi positionné la RWE33 en bas du classement pour l’indice A car la probabilité qu’une pollution atteigne les sables protégés par une couche superficielle aussi riche en matière organique que les alluvions marécageuses de la Haine est très amoindrie : la couche tourbeuse peu perméable agit comme un filtre, sa base argileuse comme une barrière physique, et son carbone biodisponible en fait un vrai bioréacteur naturel qui dégrade les pollutions organiques.

Pour conclure, si des pressions industrielles et historiques locales sont, pour certaines MESo, effectives et non négligeables, elles ne sont nulle part significatives au sens de la DCE : ces pressions locales ne sont, ni individuellement ni par additivité, responsables d’une dégradation ou d’un risque éminent de dégradation de l’état global d’une de ces masses d’eau et ce, même pour celles soumises aux plus fortes pressions.

Même à plus petite échelle, si une pollution se disperse suffisamment pour générer un risque local, les actions menées dans le cadre du décret sols ramènent toujours ce risque à un niveau acceptable. Ce décret impose d’ailleurs des travaux sur des sites pour d’autres raisons que la protection des nappes. Les dernières colonnes du tableau 18 montrent qu’après ces travaux, aucun site ne subsiste avec un risque actuel effectif et que les assainissements et les monitorings sont réalisés en nombres très supérieurs aux nombres de sites « à risque local ».

Description quantitative des pressions diffuses

Deux régions englobant trois masses d’eau sont soumises à une pression plus diffuse dont l’origine est attribuable, au moins partiellement, à d’anciennes activités industrielles. Il s’agit des bassins miniers de Liège et du Borinage qui, encore aujourd’hui, affectent la qualité de la RWM073, de la RWE030 et de la RWE033. Le lessivage souterrain des mines sur les flancs de la vallée de la Meuse ramène des eaux chargées en fer, manganèse, ammonium, arsenic et sulfates dans les alluvions, par écoulement naturel le long des versants et par d’anciennes galeries drainantes (arènes). Dans le bassin de Mons, c’est le lessivage plus direct des terrils de schistes miniers disposés directement au-dessus des couches aquifères qui provoque une pression similaire. L’accumulation de ces terrils, leur ré-exploitation partielle qui en a disséminé les matières sous forme de remblais moins ponctuels, et le caractère presque continu du drainage des mines à Liège donnent à ces pressions un caractère diffus, voir quasiment généralisé à des portions non négligeables de la surface des trois masses d’eau.

Par ailleurs, le caractère alluvial des masses d’eau RWE033 et RWM073 et leur localisation en zone marécageuse (RWE033) et anciennement marécageuse (RWM073) leur confèrent une autre particularité commune : elles sont toutes deux plus riches que les autres masses d’eau en matière organique biodégradable (carbone, azote, phosphore). Cela rend le milieu aqueux, dans la couche exploitée, plus réducteur et déplace les équilibres physicochimiques naturels : l’azote qui se trouve préférentiellement sous sa forme réduite (NH4), les sulfates sont partiellement consommés et la réduction du fer et du manganèse met en solution leurs ions réduits plus solubles, en entrainant des éléments accompagnant souvent le fer dans les roches : l’arsenic et le nickel.

Enfin, la RWM040 et la RWE033 sont aussi très urbanisées, Liège et Mons comptent parmi les plus vieilles cités d’Europe. Elles sont le berceau d’activités industrielles très anciennes mais sont aussi, depuis des siècles, affectées d’une densité de population très importante. Elles sont munies d’égouttages localement très vétustes et d’étanchéité imparfaite qui pourraient, eux aussi, contribuer à un apport souterrain relativement diffus en polluants typiques des effluents urbains (azote, carbone, phosphore).

Il faut donc bien comprendre que les pressions diffuses exercées sur les trois masses d’eau citées plus haut n’est que partiellement industrielle et partiellement historique. Des contributions non négligeables, en proportions indéterminées, sont certainement attribuables à des phénomènes naturels géogènes et à l’urbanisation des deux bassins. Par contre, contrairement aux pollutions historiques ponctuelles, ces pressions diffuses provoquent une dégradation de l’état des masses d’eau RWE033 et RWM073 et un risque de dégradation de celui de la RWE030.

Etat des lieux en 2019 des masses d'eau souterraine

Carte : Etat des lieux des masses d'eau souterraine

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La directive 2006/118/CE relative à la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration a été transposée aux articles R.43ter du Code de l’eau. Ce texte précise les objectifs environnementaux énoncés pour les eaux souterraines par la Directive cadre sur l’eau (DCE).

En ce qui concerne le bon état chimique, la composition de l’eau souterraine mesurée aux différents points du réseau principal de surveillance, doit être telle que les concentrations de polluants respectent les normes de qualité (Tableau 20) et les valeurs seuils suivantes inscrites à l’annexe XIV du Code de l’eau (Tableau 21).

Tableau 20 : Norme de qualité inscrites à l’annexe XIV du Code de l’eau pour les nitrates et les pesticides

Polluant Norme de qualité
Nitrates 50 mg/l
Substances actives des pesticides, ainsi que les métabolites et produits de dégradation et de réaction pertinents 0,1 μg/l
0,5 μg/l (total)


Tableau 21 : Valeurs seuils inscrites à l’annexe XIV du Code de l’eau pour les polluants d’origine naturelle ou anthropique et pour les substances artificielles confirmées comme polluants    

Polluants d'origine naturelle ou anthropique Critère prépondérant Valeur
Arsenic Santé humaine (eau potable) 10 µg/l
Cadmium Protection des écosystèmes 3 µg/l
Chrome VI (hexavalent) Santé humaine (eau potable) 9 µg/l
Cuivre Protection des écosystèmes 100 µg/l
Mercure Santé humaine (eau potable) 1 µg/l
Nickel Santé humaine (eau potable) 20 µg/l
Plomb Santé humaine (eau potable) 10 µg/l
Zinc Protection des écosystèmes 200 µg/l
Ammonium (expression NH4) Santé humaine (eau potable) 0,5 mg/l
Chlorures Principe de précaution 150 mg/l
Cyanures (totaux) Santé humaine (eau potable) 50 µg/l
Nitrates (RWM100, RWR101, RWM102 et RWM103) Protection des écosystèmes 25 mg/l
Nitrites (expression NO2) Santé humaine (eau potable) 0,1 mg/l
Phosphore total (expression P2O5) Protection des écosystèmes 1,15 mg/l
Phosphore total (RWM100, RWR101, RWM102 et RWM103) Protection des écosystèmes 0,46 mg/l
Sulfates Santé humaine (eau potable) 250 mg/l
Substances artificielles confirmées comme polluants
2,6-dichlorobenzamide (métabolite BAM) Principe de précaution 0,5 µg/l
Chloridazon desphenyl (métabolite B) Principe de précaution 4,5 µg/l
Chlorothalonil ESA (métabolite VIS-01) Principe de précaution 1 µg/l
Métazachlore ESA (métabolite BH479-8) Principe de précaution 0,5 µg/l
Métolachlore ESA (métabolite CGA 354743) Principe de précaution 1 µg/l
Méthyl-terbuthylether (MTBE) Principe de précaution 30 µg/l
Tétrachloréthylène Santé humaine (eau potable) 4 µg/l
Trichloréthylène Santé humaine (eau potable) 7 µg/l
1,2-Dichloréthylène Principe de précaution 5 µg/l
Chlorure de vinyle Protection des écosystèmes 0,25 µg/l

 

Les valeurs seuils pour chaque masse d'eau sont établies à partir des valeurs des critères retenus pour l'évaluation de la qualité des eaux souterraines indiquées dans le tableau 21.

Etat global des masses d’eau

L’état global des masses d’eau souterraine de la Wallonie a été évalué deux fois à l’aide des résultats accumulés entre 2005 et 2008, et entre 2009 et 2013 sur le réseau de surveillance DCE. Une troisième évaluation a été réalisée en 2019 sur base des données recueillies entre 2014 et 2019. En matière de nitrates, les résultats du survey nitrate (près de 840 sites) permettent de conforter le diagnostic.

Une particularité des eaux souterraines tient à ce que l’état global résulte d’un long processus d’évaluation et d’interprétation conforme à la directive 2006/118/CE et, pour simplifier, qu’une masse d’eau souterraine est en mauvais état pour un paramètre si une partie significative (20%) de cette masse d’eau présente un dépassement de la norme de qualité ou de la valeur seuil fixée pour ce paramètre.

En 2019, une seule masse d'eau souterraine a été évaluée en mauvais état quantitatif. Par contre, 14 d’entre-elles sont classées en mauvais état chimique.

Les masses d’eau classées en mauvais état chimique l’ont été pour cause de nitrates (5), de pesticides (1), d’une combinaison pesticides et nitrates (6) ou d’autres polluants (2).

Risques de détérioration

L’analyse de risque pour les masses d’eau souterraine n’est pas simple : (1) lorsque le polluant a atteint la nappe et que l’on dispose de suffisamment d’observations en un point, une analyse de tendance peut être menée pour autant que les phénomènes accumulateurs ou atténuateurs liés au battement de la nappe soient isolés ; (2) lorsque le polluant n’a pas atteint la nappe, il faut en plus évaluer le degré d’émission de la source (potentielle) de pollution, l’accumulation et donc le temps de transit dans le sous-sol non saturé ; ce temps de « réponse » peut varier considérablement d’un cas à l’autre (en pratique de moins d’un an à plusieurs dizaines d’années selon les natures du polluant et du sous-sol).

Les résultats disponibles des analyses de tendance ont permis de mesurer ou non une tendance à la détérioration. Cette évaluation est reprise pour les paramètres déclassants ou à risque mais a pu être effectuée sur toutes les masses d’eau souterraines pour les nitrates et les pesticides, de manière à détecter, pour ces paramètres, toutes les détériorations, y compris non conséquentes, des masses d’eau en bon état.

L’évaluation de l’état global des 34 masses d’eau souterraine ainsi que l’analyse de tendance a abouti à leur classement en 5 catégories (Figure 22).

Figure 22 : Etat global 2019 et tendance à la déterioration des MESO de Wallonie

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Forces motrices

Les forces motrices responsables de la dégradation des eaux souterraines ont été regroupées comme suit :

  • L'agriculture, dont les pressions peuvent être diffuses ou ponctuelles, et qui provoquent des altérations en nitrates principalement, en pesticides secondairement.
  • L'industrie (toutes catégories d’entreprises), dont les pressions sont considérées comme ponctuelles, et qui provoquent des altérations en macro-polluants, des risques d’introduction de micro-polluants (métaux, composés organiques) et des risques quantitatifs (industrie extractive).
  • La force motrice dite collective réunit les ménages et les services liés à la population au sens large (approvisionnement en eau, assainissement, transports, urbanisation, espaces verts…) ; l’approvisionnement en eau peut provoquer des risques quantitatifs ; les autres secteurs cités peuvent émettre des macro-polluants et des pesticides de manière considérée comme diffuse.
  • Enfin, les sites contaminés, anciennes décharges et autres sites à réhabiliter sont réunis dans la force motrice dite historique ; il s’agit de sources de micropolluants vers les eaux souterraines, dont la propagation éventuelle est à contrôler.

Le tableau 22 indique le nombre de masses d’eau souterraine pour lesquelles chacune des 4 forces motrices définies ci-dessus est impliquée soit dans le mauvais état 2019, soit, quel que soit l’état 2019, dans certains risques additionnels localisés sur la masse d’eau ; lorsque plusieurs forces motrices sont impliquées pour une masse d’eau, leur influence n’est pas arbitrée et chacune est entièrement comptée (Carte 20).

Tableau 22 : Répartition des MESO entre les différents états et forces motrices responsables de la dégradation

  Agriculture Industrie Collective Historique
Mauvais état quantitatif 0 0 1 -
Autres risques quantitatifs  0 3 2 -
Mauvais état chimique 12 1 4 2
Autres risques chimiques 14 2 2 2

 

L’impact chimique de l’agriculture demeure clairement la grande problématique pour les eaux souterraines en Wallonie ; toutefois aucune force motrice n’est à négliger.

En résumé

  • 47% des masses d’eau souterraine de Wallonie sont, en 2019, jugées en bon état et sans risque de détérioration. Les 3es plans de gestion de la directive cadre eau visent à amener cette proportion à 60 % d’ici 2027.

Travaux de coordination transfrontalière

Carte : Districts hydrographiques internationaux

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Districts hydrographiques de l’Escaut et de la Meuse

Afin de répondre aux objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE), les états membres ont l’obligation de se coordonner. Cette coordination interfrontalière est effectivement nécessaire pour une matière telle que l’eau souterraine qui s’affranchit des limites administratives. Les mesures de chacun contribuent donc au succès de tous.

Cette coordination est indispensable sans pour autant être facile à mettre en oeuvre car pour les différentes Autorités Compétentes attachées à un district hydrographique international (DHI), les définitions hydrogéologiques, les démarches de caractérisation, les moyens utilisés, les priorités peuvent varier plus ou moins fortement, sans parler du caractère géographique d’une donnée (variation des attributs, des systèmes de coordonnées, de l’homogénéité, etc.)

Le « bon » état était l’objectif fixé par la DCE à atteindre pour les milieux aquatiques en 2015. Pour les eaux souterraines, ce bon état correspond à un bon état chimique et quantitatif.
Ce sont les plans de gestion des districts hydrographiques, élaborés par les états membres, qui constituent l’instrument devant permettre d’atteindre le bon état.

La Commission Internationale de la Meuse (CIM) et la Commission Internationale de l’Escaut (CIE) ont été créées pour la protection des bassins hydrographiques de la Meuse et de l’Escaut. Elles constituent, surtout à présent, les plates-formes pour la coordination transfrontalière et la mise en oeuvre de la Directive Cadre sur l’Eau.

Tableau 23 : Qui sont les autorités compétentes ?
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La première phase de coordination a porté sur un état des lieux des DHI et notamment sur la caractérisation des eaux souterraines.

La deuxième phase a porté sur la coordination des réseaux de contrôle de surveillance des eaux souterraines.

La troisième phase, visant à la coordination des programmes de mesures et à l’élaboration de la partie faîtière du plan de gestion des DHI, a porté principalement sur l’évaluation des risques de non atteinte du bon état des masses d’eau souterraine appartenant aux aquifères transfrontaliers. Dans le cadre du 3ème cycle de la DCE (2022-2027), les plans faîtiers ont été actualisés avec la collaboration de toutes les parties de la CIM et de la CIE.

Dans le but d’améliorer et de faciliter encore la coordination transfrontalière, des conventions d’échanges ou de mises à disposition de données ont été signées entre les partenaires des projets :

  • Convention d’échange des données et prévisions des crues et des étiages au sein du DHI Escaut (14/12/2017) et du DHI Meuse (19/07/2017) ;
  • Convention de mise à disposition et d’échange de données relatives à la gestion des eaux souterraines des calcaires du Carbonifère (14/12/2017).

Le Service public de Wallonie joue un rôle actif dans les Commissions Internationales en pilotant les groupes de travail SIG-cartographie et Eaux souterraines pour l’Escaut et les groupes de travail SIG-cartographie et Monitoring pour la Meuse. Elle contribue également en tant qu’observateur aux travaux des Commissions Internationales du Rhin (CIPR) et de la Moselle-Sarre (CIPMS).

La coordination internationale au sein des DHI Escaut et Meuse

Carte : Coordination internationale au sein des DHI Escaut et Meuse

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Que ressort-il de la coordination transfrontalière pour le DHI Escaut ?

La coordination internationale a porté principalement sur :

  • les identifications et les délimitations des masses d’eau souterraine (69 masses d’eau souterraine ont été définies au total par les 6 Etats/Régions du DHI Escaut) ;
  • l’identification des aquifères transfrontaliers (22 aquifères transfrontaliers ont été identifiés) ;
  • l’identification des correspondances de part et d’autre des frontières (43 masses d’eau souterraine concernent des aquifères transfrontaliers).

La coordination internationale a accordé une attention particulière aux 3 aquifères transfrontaliers pour lesquels des problématiques bien ciblées avaient été identifiées en terme de relations transfrontalières :

  • l'aquifère des calcaires carbonifères, partagé entre la France, la Flandre et la Wallonie, présente essentiellement des problèmes de caractère quantitatif, avec des incidences négatives potentielles sur la qualité (impacts sur les sulfates et le fluor éventuellement dus à une remontée de la nappe);
  • l'aquifère des sables bruxelliens, partagé entre la Région de Bruxelles Capitale, la Flandre et la Wallonie, atteint des teneurs en nitrates et en pesticides élevées ou en augmentation constante;
  • l'aquifère des sables oligocènes, partagé entre les Pays-Bas et la Flandre, présente essentiellement des problèmes de caractère quantitatif en Flandre.

La coordination internationale a élaboré également des grilles et des fiches de coordination bi- ou trilatérales, par aquifère transfrontalier, afin d’améliorer la cohérence des programmes de mesures pour les masses d’eau frontalières souterraine ou de surface, ou afin de renforcer la coordination dans le cadre de la Directive européenne sur l'eau.

Plusieurs groupes de travail spécifiques ont été créés au sein de la CIE (Commission Internationale de l’Escaut) pour approfondir les connaissances de certains aquifères transfrontaliers (Sables du Bruxellien, Calcaires carbonifères, ...).

Constatation au niveau du DHI :

  • La vulnérabilité à la pollution des masses d’eau souterraine diffère selon la profondeur à laquelle l'aquifère concerné se trouve ainsi que selon le taux de renouvellement de l'eau des nappes.
  • Les aquifères les plus superficiels sont les plus vulnérables aux pollutions et par conséquent ceux sur lesquels les moyens d’action doivent être privilégiés afin de garantir l’atteinte des objectifs environnementaux (protéger les nappes les plus superficielles est également une garantie pour les nappes plus profondes) ; la plupart des nappes superficielles, du fait qu’il s’agisse de terrains meubles à granulométrie fine, présentent une inertie à la pollution qui ne permet pas de garantir une efficacité à très court terme des actions entreprises : il faut donc s’attendre, pour certaines des masses d’eau souterraine, à ce que les objectifs environnementaux ne puissent être atteints qu’avec un délai de plusieurs années, donc éventuellement au-delà de 2015 ;
  • Les masses d'eau les plus profondes posent en général moins de problèmes du point de vue des polluants ; par contre elles présentent de plus grandes incertitudes quant à leur disponibilité quantitative à long terme en fonction de sollicitations prolongées.
  • L’existence de lithologies fortement contrastées, ainsi que de méthodes de délimitation basées sur des critères différents (délimitations horizontales aussi bien que verticales), a constitué des difficultés pour la coordination internationale.
  • Plus de 80% des masses d'eau souterraine liées à des aquifères transfrontaliers ont été jugées à risque (principalement risque relatif à la qualité chimique).
  • Les principales ressources en eau souterraine du district sont localisées dans les aquifères crayeux, surtout répandus en France sous forme d’aquifères libres, ainsi que, en second lieu, dans la nappe des calcaires carbonifères partagée entre la France, la Région flamande et la Région wallonne;
  • Les aquifères à porosité d’interstices sont surtout représentés aux Pays-Bas et en Région flamande où, lorsqu’ils affleurent, ils jouent un rôle important en tant qu'interface entre les eaux souterraines et les eaux de surface.

Que ressort-il de la coordination transfrontalière dans le DHI Meuse ?

La coordination internationale a porté principalement sur :

  • les identifications et les délimitations des masses d’eau souterraine (76 masses d’eau souterraines ont été définies au total par les 6 Etats/Régions du DHI Meuse) ;
  • l’identification des aquifères transfrontaliers ;
  • l’identification des correspondances de part et d’autre des frontières (63.5% de la surface totale des masses d’eau souterraine sont des aquifères transfrontaliers).

Constatation au niveau du DHI :

  • Les méthodes utilisées par les États et Régions sont spécifiques sur plusieurs aspects. Les possibilités d’harmonisation sont donc limitées et les résultats ne sont pas directement comparables.
  • L'évaluation récente montre que moins de la moitié des masses d'eau souterraine sont en bon état tant pour ce qui concerne la quantité que la qualité. Une cause de non-atteinte du bon état est dans la plupart des cas la mauvaise qualité chimique.
  • On constate que pratiquement dans l'ensemble du bassin hydrologique de la Meuse se posent des problèmes de contamination des eaux souterraines par des nitrates et pesticides, provenant en partie de surfaces urbaines, mais en grande partie de sources agricoles. Des prolongations de délais sont très généralement prévues au-delà de 2015 pour atteindre le bon état.
  • Pour les masses d'eau souterraines appartenant à des aquifères transfrontaliers, des coordinations bi- et trilatérales ont eu lieu. Cette concertation a permis de vérifier que les différences dans les normes de qualité ou les valeurs seuils n'ont pas d'incidence sur l'évaluation de l'état des masses d'eau contiguës.
  • La gestion durable des eaux souterraines exige des mesures requérant une coordination qui assurent et/ou rétablissent à long terme la qualité (restrictions d’épandage d’engrais, conseils à l'agriculteur) et la quantité (mesures de protection, de substitution et de compensation).

En résumé

  • La coordination internationale dans le DHI Escaut a permis des échanges d’information sur les méthodes utilisées et sur les résultats obtenus. (Projet Scaldit)
  • Une coordination substantielle a pu être mise en place pour l'aquifère transfrontalier des calcaires carbonifères (aquifère à risque quantitatif du fait de sa surexploitation). (Projet Scaldwin)
  • La coordination internationale dans le DHI Meuse s’appuie avant tout sur des coordinations bi- et tri-latérales pour les aquifères transfrontaliers. Par ailleurs, il ressort des contacts entre les Etats et Régions que les mesures relatives aux eaux souterraines ne nécessitent pas de coordination multilatérale. L’amélioration de l’état qualitatif et quantitatif est l’objectif poursuivi par chaque Etat ou Région.