Lutte contre l'érosion en agriculture

 

Les moyens d’action de l’agriculteur

Contrairement à une idée reçue, les pratiques agricoles influencent relativement peu la quantité d'eau de ruissellement lors d'événements pluvieux intenses, de l'ordre de quelques pourcents. Par contre, elles sont déterminantes sur l'érosion, c'est à dire la quantité de terre qui est entrainée par l'écoulement en surface. En matière d’érosion, voici les pratiques agricoles qui offrent de bonnes garanties pour diminuer le risque d’apparition d’une coulée de boue :

  1. Limiter la longueur dans le sens de la pente sur même champ à maximum 150 mètres : plus le ruissellement peut accélérer sans rencontrer une autre culture ou un obstacle, plus il est en mesure d’arracher du sol et de provoquer une coulée de boue.
  2. Pratiquer un assolement varié : sur un même versant, l’idéal est d’avoir une mosaïque de champs alternant cultures d’hiver vs cultures de printemps et de prairies différenciés, obligeant le ruissellement à trouver différents chemins à la surface du sol, favorisant ainsi l’infiltration et diminuant l’apparition de ravines où l'érosion est encore plus intense. 
  3. Couvrir le sol : la présence d’une plante ou de résidus de culture (pailles, cultures intercalaires, mulch) limite la destruction des mottes de terre par les gouttes lors d’un orage. Ainsi, les parcelles en pente ou en fond de vallée devraient idéalement être réservées à la prairie et ne jamais être mises en culture.
  4. Travailler le sol de manière à créer un état de surface favorable à l’infiltration, éviter l’émiettement et travailler en bonnes conditions d’humidité : cela empêche le tassement, préserve la structure du sol, et favorise l’infiltration en profondeur.
  5. Maintenir le taux d’humus au-dessus de 3 % : une terre bien pourvue en matière organique (M.O.) stable offre jusqu’à 20 % de résistance à l’érosion en plus qu’une terre pauvre en M.O. La clé pour cela est une gestion raisonnée de la fertilisation organique (fumier, compost, …), du travail du sol et des rotations (y compris les résidus de culture). 
  6. Installer des éléments de protection : de préférence naturels et permanents (comme des bandes enherbées, des haies), ou artificiels et temporaires (fascines, ballots ancrés dans le sol), ces éléments localisés peuvent offrir un ultime barrage, une ultime protection et faire la différence à l’aval entre un dommage tolérable et une petite catastrophe.
  7. Travailler le sol perpendiculairement à la pente n’est pas la solution miracle : le sens des sillons de labour ou la levée des buttes perpendiculaires à la direction de l’écoulement n’a pas un effet déterminant contre l’apparition des coulées de boue en cas d’orage violent ; toutefois, cette pratique peut être un « plus » dans certains cas particuliers (pente inférieure à 3 %, relief très uniforme, parcelle à accès aisé et sens de travail compatible avec la forme de la parcelle).

Obligation ou bonne volonté ?

Pour l'agriculteur, la législation devient peu à peu plus contraignante en termes d’obligations qui participent à la lutte contre l’érosion et les inondations, comme le montre la conditionnalité renforcée des aides agricoles de la Politique Agricole Commune. A l’intérieur de ces limites, l’agriculteur est en principe libre de cultiver ce qu’il souhaite, de la manière qu’il souhaite et sur l’étendue qu’il souhaite. Il est écrit "en principe" car d’autres législations existent qui contiennent des obligations directes (comme le Programme de Gestion Durable de l’Azote sur la couverture du sol en interculture, Code de l'Eau), ou indirectes (comme par exemple le Code Civil pour la notion de responsabilité et de trouble de voisinage, ou encore le Code rural pour d'autres aspects). Rappelons aussi que, en application du Code du Développement territorial, des éléments du paysage comme les haies ne peuvent être détruits que sur base d'un permis d'urbanisme.

Cette approche reste toutefois relativement ouverte pour laisser l’agriculteur opérer ses choix culturaux et ses pratiques agricoles de la manière la plus créative possible, pour s'adapter aux impératifs agronomiques, au contexte économique et aux aléas de la météo.

Rappelons aussi que la Wallonie a prévu de pouvoir légiférer sur la lutte contre les coulées de boues dans le Code wallon de l'Agriculture, article D.263. Enfin, insistons sur le fait que d'autres champs législatifs encadrent la problématique de l'écoulement naturel de l'eau, dont le principal est le Code Civil, Livre 3, Chapitre 3, Les biens, Section 1re.- Eaux, qui stipule :

Art. 3.129. Ecoulement d'eaux entre fonds voisins
Sans préjudice de l'article 3.131, les fonds inférieurs doivent recevoir les eaux naturelles, et autres matières charriées par celles-ci, en provenance des fonds supérieurs.
Le titulaire d'un fonds inférieur ne peut réaliser aucun ouvrage qui entrave cet écoulement. Le titulaire d'un fonds supérieur ne peut aggraver cet écoulement en quantité ou en qualité; cette obligation ne l'empêche pas d'utiliser normalement son fonds d'après sa destination, si l'ampleur de l'aggravation est raisonnable. L'entretien de la servitude d'écoulement est aux frais du titulaire du fonds dominant.
Les droits et obligations ci-dessus ne s'appliquent pas aux situations résultant de la force majeure.

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