Description du phénomène

Les populations animales et végétales ont de tout temps fluctué en fonction des conditions du milieu. Au cours du XXe siècle cependant, les pressions directes (tir, prélèvements) et surtout indirectes (modifications profondes dans les modes d’occupation et d’exploitation du territoire) ont été telles qu’elles ont entraîné des bouleversements allant jusqu’à la réduction drastique et la disparition d’espèces. En outre, les changements climatiques attendus pour les décennies à venir pourraient avoir des conséquences difficilement prévisibles.

L’enjeu actuel est d’enrayer le processus de dégradation et d’essayer de recréer des conditions plus favorables à la vie sauvage sur l’ensemble du territoire.

Signification

L’évolution du statut des espèces (stabilité, régression, augmentation) donne une indication des changements qui s’opèrent et permet d’évaluer si le déclin de la biodiversité est enrayé. L’interprétation de ces changements à la lumière des exigences écologiques des espèces concernées permet de déterminer les causes majeures de perturbations et de proposer des mesures de conservation et de restauration.

Situation en Région wallonne

Le diagnostic établi sur 1661 espèces témoigne d’une érosion importante de la biodiversité puisque 1/3 des espèces sont soit éteintes (6,3 %), en danger (9,6 %) ou vulnérables (17,0 %).

Les causes majeures de régression sont :

1. les modifications spectaculaires des milieux (voir encart 1). Les espèces qui ont le plus régressé sont celles qui sont liées aux milieux générés par les pratiques agropastorales (landes, pelouses calcaires, prés humides, prés de fauche maigres,…). Vu le contexte économique, ces milieux ont, eux-mêmes, fortement régressé ou ont vu leur potentiel biologique se détériorer faute d’entretien (voir encart 2).

Encart 1: Modification spectaculaire des milieux

Forêts

Augmentation de la superficie : + 171.000 ha entre 1866 et 1983
Diminution des taillis : – 70.000 ha entre 1929 et 1999
Augmentation des résineux : + 172.000 ha entre 1895 et 1999

Landes et prairies extensives

Réduction drastique (150.000 ha ?) au cours du siècle dernier

Urbanisation

progression actuelle : 16 km2/an
+ forte diffusion dans l’espace

Réseau routier belge

+ 1220 km d’autoroutes entre 1970 et 1990
+ 2587km de routes régionales entre 1970 et 1990

 

Tableau 3-5 : Statut des espèces pour différents taxons floristiques et faunistiques en Région wallonne.
Source : DUFRENE M. éd. (1997) CRNFB.

Encart 2: Evolution récente des milieux favorables aux espèces prioritaires de papillons de jour

Le suivi de 21 espèces de papillons de jour jugées prioritaires en termes de conservation de la nature a permis de cerner l’évolution récente (1990-1999) d’une série de sites particulièrement intéressants non seulement pour ces papillons mais aussi pour toutes les espèces liées à ces milieux. Les observations, résumées dans le Tableau 3-6, montrent clairement que pour conserver ce patrimoine biologique, il est nécessaire de gérer les sites de façon très extensive et donc, souvent, de les mettre en réserves naturelles ou de sensibiliser les propriétaires à une gestion appropriée.

Tableau 3-6 : Evolution récente des milieux favorables aux espèces prioritaires de papillons de jour
Source : Ph. GOFFART (2000) : Rapport final de la convention d’étude 1999 pour le suivi de l’état de l’environnement par les bioindicateurs et l’inventaire et le suivi de la biodiversité. UCL.

 

2. la diminution de la diversité des milieux est liée :

  • à la mise en valeur agricole, sylvicole ou urbanistique d’un maximum de parcelles,
  • à la rationalisation des parcelles exploitées qui a entraîné la suppression des milieux intercalaires généralement favorables à la vie sauvage,
  • aux pratiques culturales agricoles et sylvicoles moins diversifiées qu’auparavant,
  • à la diminution du nombre d’exploitants agricoles,
  • localement, à l’exploitation des carrières et à l’urbanisation.

3. la pression touristique sur des milieux naturels rares mais de grand intérêt biologique (rochers, grottes, cours d’eau,…),

4. les pollutions chimiques ponctuelles et diffuses qui introduisent dans l’environnement des substances qui modifient la qualité physico-chimique des milieux (eutrophisation – enrichissement en matières nutritives, azote et phosphate –, toxicité, réchauffement climatique,…).

A ce constat très négatif et alarmant, il faut opposer le dynamisme de la vie sauvage. En effet, on constate que lorsqu’un potentiel existe encore, de nouveaux milieux sont très vites (re)colonisés. Ainsi, les espèces liées aux résineux se sont rapidement installées dans les plantations de résineux. De même, les milieux où l’exploitation intensive s’arrête (p. ex. : les friches industrielles, terrils, jardins «sauvages», les coupes à blanc de plantations de résineux) sont vite occupés par certaines espèces sauvages.

Dans le cas de perturbations directes, si l’on identifie correctement les causes de déclin d’une espèce et que l’on prend les mesures adéquates pour supprimer ces causes, l’espèce peut assez rapidement récupérer pour autant toutefois qu’elle n’ait pas atteint un seuil critique. Le rétablissement des populations de blaireaux, des oiseaux piscivores, la récupération rapide de l’intérêt biologique des réserves naturelles gérées en témoignent.

Dans le cas de perturbations indirectes, le maintien et le développement de la biodiversité nécessitent une approche régionale de la gestion des paysages et des activités d’exploitation.

Il est donc possible de régénérer «spontanément» une partie de la biodiversité perdue à conditions :

  • de préserver les sites de grand intérêt biologique car ils constituent les réservoirs d’espèces à partir desquels le redéploiement pourra se faire (NatForR1a),
  • de mettre en œuvre des modes d’exploitation qui garantissent une restauration possible et rapide des conditions écologiques favorables (NatForR1b),

Cela implique une connaissance approfondie de l’écologie des espèces (recherche scientifique) et un changement culturel. Il faut en effet développer une approche plurifonctionnelle dans l’aménagement du territoire et avoir assez d’imagination et de créativité pour inclure dans les activités humaines, les éléments qui seront favorables à la vie sauvage.

Conclusion

L’état de la biodiversité est alarmant puisqu’un tiers des espèces se trouve dans une situation critique. La tendance peut toutefois être inversée à condition que des mesures énergiques de conservation des sites de grand intérêt biologique soient prises et que les projets d’aménagement du territoire et les pratiques agricoles, sylvicoles et horticoles intègrent systématiquement la nécessité de développer la capacité d’accueil de la vie sauvage.

 

Lien direct avec d’autres indicateurs

AgrP1 : Utilisation d’intrants dans les exploitations agricoles
AgrE1 : Evolution de la surface agricole utilisée
AgrE2 : Evolution de la couverture des sols agricoles
DivP1 : Pressions des agglomérations urbaines
DivP2 : Nombre de demandes de permis de bâtir et de lotir traités par la Région wallonne
EauE10 : Qualité physico-chimique des eaux de surface
EauE11 : Qualité biologique des cours d’eau
NatForP4 : Pression exercée par la chasse
NatForP5 : Pression exercée par la pêche
NatForE1 : Taux de boisement
NatForE3 : Composition de la forêt wallonne

Caractérisation des données

Les programmes d’inventaire et de suivi de la biodiversité sont structurés selon trois niveaux d’observation complémentaires :

  • la qualité biologique des habitats,
  • les sites de grand intérêt biologique,
  • les espèces.

Au niveau des espèces, un suivi permanent est assuré pour sept groupes biologiques : chauves-souris, oiseaux, reptiles, batraciens, papillons de jour, libellules et orchidées.

Des états des lieux plus épisodiques ont été réalisés pour d’autres groupes taxonomiques, notamment : champignons, mousses, hépatiques, plantes supérieures, carabes, mammifères, coccinelles.

Vu la difficulté de récolter des données quantitatives (nombre d’individus), le statut des espèces est, dans la plupart des cas, déterminé sur base de relevés de type «présence/absence» dans des mailles géographiques de plusieurs kilomètres carrés (espèces répandues) ou par un comptage des populations existantes (espèces rares). Cela permet de suivre l’évolution de l’aire de répartition, c’est-à-dire de l’espace occupé par l’espèce. Avant que ne se marque une régression dans l’aire de répartition, il y a généralement une diminution importante des effectifs de l’espèce.

Aspects réglementaires

Niveau international

1950 : Convention de Paris sur la protection des oiseaux
1971 : Convention Ramsar sur la protection des zones humides d’importance internationale
1973 : Convention de Washington sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)
1979 : Convention de Bonn relative à la conservation des espèces migratrices
1982 : Convention Benelux en matière de conservation de la nature et de protection des paysages
1992 : Rio – Directive sur la diversité biologique

Niveau européen

Directive 79/409/CEE concernant la conservation des oiseaux sauvages

Directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage

Ces directives impliquent la mise en place d’un réseau de sites protégés (NATURA 2000) visant à conserver à l’échelle européenne, les habitats et les espèces sensibles.

Niveau wallon

Législation de base :

Loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature (M.B. 11.09.1973) ; elle prévoit :

  • la protection des espèces végétales et animales,
  • la protection des milieux (réserves naturelles, réserves forestières, parcs naturels),
  • la mise en place d’un Conseil supérieur de la Conservation de la nature,
  • la protection des forêts et de l’espace rural par l’adoption de mesures favorables à la conservation des espèces, éventuellement assorties de subventions.

Décrets du 11 avril 1984 (M.B. 17/04/1985) et du 16 juillet 1985 (M.B. 12/12/1985) relatifs aux parcs naturels

Décret du 21 avril 1994 complétant la loi par des dispositions particulières à la Région wallonne en ce qui concerne la circulation sur et dans les cours d’eau (M.B. 28.05.1994)

Décret du 6 avril 1995 octroyant aux autorités communales le droit d’édicter des mesures complémentaires en matière de conservation de la nature (M.B. 10.06.1995)

Décret du 22 janvier 1998 instaurant un régime d’indemnisation pour les dommages causés par certaines espèces protégées (M.B. 26.02.1998)

Relation avec le PEDD

Action 33 : Tirer parti des potentialités d’accueil de la vie sauvage sur l’ensemble de l’espace
Action 35 : Assurer la mise en place du réseau écologique
Action 37 : Limiter l’utilisation des engrais et pesticides en milieu naturel
Action 36 : Restaurer, gérer, aménager les paysages en intégrant les éléments du cadre naturel
Action 38 : Promouvoir la recherche sur la biodiversité

Gestionnaire(s) des données

DUFRÊNE Marc

Rédacteur(s)

HALLET Catherine