AgrP1a : Dépenses en engrais achetés en Belgique

Description du phénomène

L’utilisation accrue d’intrants en agriculture a permis d’augmenter les rendements et de limiter les risques de pertes des récoltes.

Les éléments fertilisants proviennent des engrais minéraux (commerciaux), des effluents d’élevage et éventuellement des matières résiduaires recyclées telles que les boues de stations d’épuration (séchées puis épandues). Ils comprennent en particulier les éléments azote, phosphore et potassium.

Les cultures n’utilisent qu’une partie de la quantité d’azote appliquée comme engrais. La majorité de l’azote qui n’est pas utilisé directement est stockée dans le sol et deviendra, au cours d’un processus long, disponible pour les cultures suivantes. Cependant, les substances nutritives, en particulier les nitrates très solubles, peuvent également ruisseler vers les eaux de surface ou les eaux souterraines. Une partie de l’azote peut aussi se disséminer dans l’atmosphère sous forme d’ammoniac et d’oxyde nitreux.

Une teneur excessive du sol en éléments fertilisants (apports dépassant les besoins des cultures) contribue à terme, souvent mais pas toujours, aux problèmes de pollution des nappes et des eaux superficielles, d’eutrophisation des cours d’eau, d’acidification du sol et d’émissions de gaz à effet de serre.

Bien qu’il n’y ait pas de relation linéaire simple entre les quantités d’engrais azotés appliqués et les pertes, l’enrichissement des eaux souterraines en azote a accompagné l’augmentation de l’utilisation des engrais en Europe. Cette hausse est également liée à l’augmentation de la surface de certaines cultures, comme le maïs et le colza (voir AgrE2). Ces cultures, en raison de leur développement et de leur récolte tardifs, empêchent l’implantation de cultures intermédiaires (piège à nitrates). Elles laissent le sol nu sur une grande partie de l’année, ce qui favorise le lessivage des éléments nutritifs.

Les changements modestes intervenant actuellement dans les pratiques agricoles peuvent cependant mener à une réduction de la pollution principalement à cause d’une meilleure synchronisation de l’application des engrais avec les besoins des cultures, à l’augmentation des rendements (augmentant l’absorption de l’azote) et l’introduction de nouvelles variétés.

Signification

Cet indicateur a pour objectif de donner une indication sur les quantités d’engrais minéraux qui sont utilisées par les exploitations agricoles en Belgique. Il permet d’évaluer les tendances pour les pressions exercées par l’agriculture, au niveau de la pollution par l’azote.

Situation en Belgique

La part des dépenses en engrais et amendements dans la consommation intermédiaire des agriculteurs a tendance à décroître depuis 1980 (voir Figure 4-5). A cette époque, l’achat d’engrais et d’amendements représentait 8,8 % des dépenses des agriculteurs consacrées aux consommations intermédiaires. En 1997, cette part est ramenée à 5,7 %, ce niveau étant stable depuis quelques années. En moyenne en Belgique, les agriculteurs dépensent 6.400 BEF par hectare de culture pour l’achat d’engrais et d’amendements.

Figure 4-5 : Evolution de la part consacrée aux engrais et aux amendements dans les consommations intermédiaires des agriculteurs en Belgique, 1980-1997.
Source : CSWAAA (1999) et EEW (1995).

Il faut cependant mettre en parallèle les modifications intervenues dans la répartition des consommations intermédiaires avec l’évolution des prix considérés. Dans le cas présent, le prix des engrais ayant diminué, la diminution de la part des dépenses en engrais et amendements dans la consommation intermédiaire n’est pas forcément liée à une diminution des quantités utilisées.

Situation belge dans le contexte européen

En Europe, l’utilisation d’engrais azotés a connu une augmentation importante dans les années 70 jusqu’au début des années 80. Cette évolution est à replacer dans le contexte de l’essor de la production agricole en Europe durant cette période (augmentation de la production céréalière, accroissement des cultures oléagineuses, intensification des cultures fourragères). Le taux d’application des engrais azotés a commencé à diminuer au début des années 90. Récemment cependant, cette tendance s’est légèrement renversée, sans pour cela que l’utilisation des engrais azotés atteigne son niveau antérieur.

Ces différents phénomènes sont difficilement interprétables de manière précise suite à la multiplication des facteurs qui influencent l’utilisation des engrais azotés : évolution des emblavements, prix des engrais, prix des céréales sur le marché mondial, …

La Figure 4-6 montre l’évolution des consommations d’engrais azotés dans l’UE entre 1980 et 1995, comparée à l’évolution observée en Belgique et au Luxembourg sur la même période. On remarque que les consommations d’engrais azotés dans notre pays sont largement supérieures aux moyennes européennes depuis 1980, l’écart diminuant cependant légèrement les 2 dernières années. En 1995, la Belgique et le Luxembourg consomment environ 1,3 fois plus d’engrais que la moyenne des pays européens, se plaçant ainsi en 2e position des plus gros utilisateurs d’engrais azotés en Europe, derrière les Pays-Bas.

Figure 4-6 : Evolution de la consommation d’engrais azotés minéraux en Europe (EU15) et en Belgique et au Luxembourg, 1980-1995.
Source : AEE (1999).

Conclusion

Si les données disponibles ne permettent pas d’estimer avec précision la quantité d’engrais minéraux consommés en Région wallonne, l’analyse des niveaux de consommation au niveau européen permet de situer la Belgique comme un pays où l’agriculture utilise une grande quantité d’engrais azotés, ce qui souligne son caractère intensif.

 

Lien direct avec d’autres indicateurs

EauE1 : Concentration de nitrates dans les eaux souterraines

Caractérisation des données

Les chiffres disponibles portent sur l’ensemble de la Belgique et n’indiquent pas les quantités d’engrais qui ont été achetées mais les dépenses qui y sont consacrées par les agriculteurs dans les consommations intermédiaires (c’est-à-dire dans l’ensemble des produits qui disparaissent ou sont transformés durant le processus de production).

Par conséquent, les données présentées ci-après, qui sont agrégées à l’échelle de la Belgique, ne sont pas forcément représentatives des quantités d’engrais minéraux utilisés en Région wallonne. Notons par ailleurs que les agriculteurs épandent également des effluents d’élevage qui peuvent être une autre source de pollution par les nitrates (voir fiches AgrP2 et AgrR3).

On se référera utilement aux indicateurs sur la qualité des eaux (voir EauE1) qui fournissent des indications sur l’impact de l’utilisation de ces produits (pertes, mauvaise utilisation).

Aspects réglementaires

Niveau européen

Un certain nombre de mesures sont mises en place pour limiter les pertes de nutriment de l’agriculture vers les eaux souterraines et de surface.

Les zones vulnérables (Directive nitrates 91/676/EEC) ont pour objectif de préserver la potabilité des eaux souterraines en modifiant les pratiques agricoles afin de mieux faire correspondre les applications d’engrais avec les besoins des cultures.

L’extensification de l’agriculture, supportée par les mesures agri-environnementales (Règlement (CE) no 1257/1999), a pour objectif notamment de réduire les quantités d’engrais utilisées.

Pour mémoire, citons également la stratégie OSPAR pour combattre l’eutrophisation (décision 98/249/CE du Conseil, du 7 octobre 1997, relative à la conclusion de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est).

Niveau wallon

Transposition de la Directive nitrate :

Arrêté du Gouvernement wallon relatif à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (M.B. du 28.06.1994), qui institue les zones vulnérables en Région wallonne.

Arrêté ministériel désignant la nappe des sables bruxelliens en zone vulnérable (M.B. 31.12.1994)

Arrêté ministériel désignant la nappe du Crétacé de Hesbaye en zone vulnérable (M.B. 04.01.1995)

Arrêté du Gouvernement wallon relatif au programme d’actions 1998-1999 de la Région wallonne pour la protection des eaux potabilisables (M.B. 09.10.1998)

Mesures agri-environnementales :

Arrêté du Gouvernement wallon du 11 mars 1999 relatif à l’octroi de subventions agri-environnementales (M.B. 31.03.1999)

Rédacteur(s)

DEFRISE Dominique