Description du phénomène

La composition de la forêt wallonne se détermine à deux niveaux complémentaires : l’origine des peuplements et leur composition botanique. Le premier niveau comprend l’origine proprement dite des peuplements en combinaison avec le régime de gestion qui leur est (ou leur a été) appliqué. C’est ainsi que sur cette base, on distingue d’une part les forêts semi-naturelles (les forêts naturelles n’existent plus chez nous) qui sont d’anciennes futaies feuillues, des futaies indigènes issues de conversion ou plantation ou encore des forêts secondaires (taillis sous futaie, taillis) et d’autre part les forêts artificielles essentiellement résineuses bien que certains feuillus non-indigènes aient été introduits (chêne rouge, châtaignier,…). Quant au second niveau, il s’exprime par la diversité des essences composant la forêt wallonne. Il faut souligner qu’autrefois, la flore de nos forêts était nettement plus variée (appauvrissement suite aux fluctuations climatiques du Quaternaire) et a été ensuite modifiée voire enrichie par les pratiques agro-sylvo-pastorales (pression de la population).

Signification

Quel que soit le niveau envisagé, ces indicateurs ont pour fonction d’illustrer la diversité biologique au sein de la forêt wallonne, en termes d’origine des peuplements ou de diversité de sa composition (mélange d’essences). Dans un cas comme dans l’autre, l’influence anthropique est considérable et la gestion actuelle s’applique notamment à diminuer l’étendue des forêts artificielles (en s’appuyant sur la régénération naturelle), à tendre vers un mélange plus grand des essences (régression des monocultures), à prendre en compte l’adaptation de l’espèce à la station. Dans le contexte du développement durable, cet indicateur revêt une importance considérable pour le critère 4 (biodiversité en milieu forestier).

Situation en Région wallonne

Si au cours du XXe siècle la surface couverte par les forêts productives s’est accrue de pratiquement 100.000 ha, les évolutions des différentes composantes sont variées et même opposées pour certaines d’entre elles (Figure 3-14). On estime que l’étendue des anciennes futaies feuillues s’élève à 41.000 ha et n’a pas évolué durant ce siècle. Par contre, les étendues couvertes par les futaies constituées d’espèces indigènes et issues de conversion ou plantation, nulles en 1895, atteignent 107.000 ha en 1999, la progression étant particulièrement forte sur les quinze dernières années. A l’inverse, la régression des forêts secondaires (taillis et taillis sous futaie très répandus au début du siècle pour des raisons économiques) est constante depuis 1895 et s’est même accentuée de 1984 à 1999, de sorte que les surfaces occupées sont passées de 294.000 ha à 92.000 ha de nos jours. Les forêts artificielles, après une période de très forte extension de 1895 à 1984, voient leur surface stabilisée et seraient même en léger recul.

Figure 3-14 : Evolution au cours du XXe siècle des forêts selon leur origine (surfaces exprimées en ha.)
Source : IFW, 1999.

La forêt wallonne est, dit-on, caractérisée par son morcellement et son hétérogénéité. La diversité, marquée au niveau des habitats (peuplements, zones non-productives) s’accroît encore par le nombre d’espèces ligneuses indigènes ou introduites. Dans l’étage de végétation supérieur à 10 m, 54 espèces différentes ont été jusqu’à présent identifiées par l’inventaire ; entre 3 et 10 m, ce sont 74 espèces qui ont été déterminées tandis que dans l’étage de moins de 3 m, 90 espèces différentes ont été observées à ce jour.

Afin de pouvoir quantifier cet état, seules les espèces ligneuses ayant atteint le seuil de mesure de 20 cm de circonférence à 1 m 50 ont été prises en compte. Leur importance est calculée au prorata de leur surface terrière respective, considérant que la forêt wallonne ne constitue qu’un seul peuplement mélangé.

Prenant en compte uniquement les futaies et réserves des taillis sous futaie mesurés, il ressort que l’épicéa est de loin la première essence de la forêt wallonne avec près de 47 % de la surface terrière totale des essences ; suivent les chênes indigènes (20 %) et le hêtre (11 %). Ces trois essences principales, cumulées, représentent donc 78 % de la forêt ; elles sont suivies de loin par un groupe de sept essences (dont la représentation varie de 3,3 à 1,3 %) qui sont le pin sylvestre, les bouleaux, le frêne, le douglas, les mélèzes et les peupliers. Les autres essences se situent sous le seuil du pour cent.

Comparativement à 1984, la composition de la forêt a peu varié ; on note toutefois un recul des trois essences principales (-5 points à elles trois), tandis que plus loin dans le classement, certaines essences gagnent quelque peu en importance (bouleaux, peupliers, douglas, érable sycomore…).

Une seconde approche prenant en considération tous les peuplements, mesurés ou non, futaies et taillis confondus, donne un visage de la composition de la forêt wallonne plus diversifié (Figure 3-15). La part de l’épicéa chute à 31 %, celle du chêne augmente légèrement, le hêtre se maintient. Apparaissent ensuite plusieurs essences de taillis : charme, bouleau et dans une moindre mesure, coudrier. Certaines espèces de futaie ne se retrouvent plus parmi les quinze premières essences : pin de Corse, pin noir d’Autriche, chêne rouge d’Amérique, … Toutefois, le visage forestier est très différent d’une région naturelle à l’autre (Figure 3-16). En Ardenne, les peuplements monospécifiques constituent presque 65 % des forêts, alors que dans d’autres régions, telles la Région limoneuse ou le Condroz, les peuplements constitués de trois et quatre essences voire davantage représentent 50 % des étendues forestières.

Figure 3-15 : Importance des espèces ligneuses sur base de leur surface terrière
Source IFW, 1999

Figure 3-16 : Répartition des peuplements forestiers selon le nombre d’espèces et les régions naturelles.
Source : IFW, 1999.

Au niveau des peuplements, la composition de la forêt wallonne a évolué entre 1984 et 1999 vers un recul des peuplements monospécifiques et des peuplements résineux compensé par une nette extension des peuplements constitués de plusieurs essences en mélange, qu’elles soient résineuses ou feuillues.

Situation wallonne dans le contexte européen

La forêt wallonne est connue pour son morcellement et sa disparité en termes de peuplements et d’essences les composant. Au niveau européen, cette diversité est très variable selon les régions en fonction de nombreux critères tels que l’altitude, la richesse des sols, la latitude, l’historique ou l’importance accordée à la fonction de production par les gestionnaires. Bien que la tendance générale soit d’aller vers une plus grande diversité, il reste de vastes massifs monospécifiques ou peu diversifiés comme le massif landais (France) ou encore les forêts résineuses ou les boulaies du Nord de l’Europe. A l’opposé, certaines forêts, comme les futaies à étages multiples occupant des sols fertiles ou les formations alluviales sont plus riches en espèces.

Conclusion

La diversité en forêt wallonne est favorisée par le morcellement des parcelles et par la variabilité des conditions stationnelles. L’évolution de la forêt dans les dernières décennies montre la prédominance croissante des futaies avec corrélativement une régression des taillis sous futaie et des taillis. Bien que de nombreuses espèces ligneuses soient présentes dans tous les étages de végétation, trois espèces (épicéa, chêne et hêtre) constituent à elles seules 65 % de la forêt wallonne et les peuplements à une ou deux essences déterminent encore le paysage de certaines régions naturelles. L’évolution en cours se traduit par un recul sensible des peuplements purs ou presque purs (à une ou deux essences) en faveur des peuplements mélangés, aussi bien en feuillus qu’en résineux chez lesquels le recul de la pessière est significatif. D’autre part, l’accroissement des étendues non-plantées (anciennes mises à blanc, incultes) est un facteur important de diversification au niveau des zones forestières.

 

Lien direct avec d’autres indicateurs

NatForE5 : Etat de la flore et de la faune en région wallonne
NatForI2 : Santé des forêts wallonnes
NatForI3 : Impact des dégâts de gibier sur la forêt wallonne
NatForR2 : Subventions aux propriétaires forestiers privés

Caractérisation des données

Les données sont collectées par l’inventaire permanent des ressources forestières de Région wallonne dans le périmètre des unités d’échantillonnage installées tous les 50 ha en zones forestières. Une typologie des peuplements est effectuée en fonction de leur origine et de leur structure. Les résultats en termes de surfaces occupées par les peuplements sont exprimés en ha et l’estimation est obtenue par comptage de points (erreur d’échantillonnage calculée). Les données en termes de composition des peuplements sont exprimées en proportion de surfaces terrières des essences au sein des peuplements. Ces proportions induisent la répartition des peuplements en grands types (hêtraies, chênaies,…) ou permettent leur ventilation sur base du nombre d’essences qu’ils comportent.

Aspects réglementaires

Au niveau wallon, le décret du Gouvernement wallon du 16 février 1995 (Moniteur belge du 7 avril 1995) instaure l’inventaire permanent des ressources ligneuses de Région wallonne. L’arrêté d’application de ce décret date du 20 novembre 1997 (Moniteur belge du 20 janvier 1998). Il fixe les conditions de réalisation de l’inventaire en tant qu’outil d’observation et de contrôle et les résultats qui en sont attendus. Pour les forêts soumises au régime forestier, la Division de la Nature et des Forêts détermine dans sa circulaire no 2619 du 22/9/97 relative aux aménagements dans les bois soumis au régime forestier un ensemble de mesures destinées à améliorer la diversité au niveau des milieux et des espèces ligneuses et végétales en général.

Au niveau international, dans le contexte de la gestion durable, ces indicateurs concernent le critère 1 (conservation et amélioration appropriée des ressources forestières et leur contribution aux cycles mondiaux du carbone, domaines de concept aménagement du territoire) et le critère 4 (maintien, conservation et amélioration appropriée de la diversité biologique dans les écosystèmes forestiers, domaines de concept écosystèmes forestiers représentatifs rares et vulnérables et diversité biologique dans les forêts de production). Pour rappel, les pays européens, dont la Belgique, signataires des résolutions d’Helsinki sur la protection des forêts en Europe se sont engagés à appliquer à leurs forêts les principes de la gestion durable définis dans ces critères.

Les objectifs poursuivis sont de maintenir et conserver certains faciès de peuplements caractéristiques mais également de développer la diversité des milieux, des peuplements et des espèces végétales dans l’écosystème forestier.

Relation avec le PEDD

Action 38 : Promouvoir la recherche sur la biodiversité
Action 95 : Améliorer le choix des essences
Action 96 : Améliorer la génétique forestière
Action 98 : Améliorer la connaissance du patrimoine forestier
Action 104 : Promouvoir le bois indigène et sa transformation

Gestionnaire(s) des données

LECOMTE Hugues

Rédacteur(s)

LECOMTE Hugues