| DIRECTION DE LA NATURE - table des matières |

 

Pourquoi sauvegarder la nature ?

 

Combien d’espèces animales et végétales peuplent notre terre ? Nul ne le sait précisément. Entre 10 et 30 millions estiment les spécialistes, dont à peine 1,4 millions d’espèces seraient connues. Pire, près du tiers des espèces actuellement vivantes pourrait disparaître d’ici à l’an 2050 ! Le constat est là : partout, la nature se réduit comme une peau de chagrin...

Mais pourquoi donc préserver la nature et sa biodiversité ? En quoi la disparition d’espèces changerait-elle le cours de notre existence ?

 

On ne sait jamais !

On invoque souvent des raisons "utilitaires" à la protection de la nature : l’intérêt connu, supposé ou potentiel qu’il y a à conserver pour l’homme les plantes et les animaux. On ne sait jamais qu’un jour, ils puissent servir de ressources alimentaires, médicales ou industrielles.

Exemple bien connu : celui de la pervenche de Madagascar dont des alcaloïdes sont utilisés dans la chimiothérapie du cancer. Chez nous, également, la digitale, la colchique, la reine-des-prés et d’autres contiennent des substances actives utilisées dans notre pharmacopée. Mais qui peut dire aujourd’hui ce dont pourront nous faire bénéficier les millions d’espèces de plantes et d’animaux non encore découvertes ?

Au-delà de l’utilitarisme

La seule approche " utilitaire" de la nature pour l’homme est dangereuse, car à la limite, en privilégiant une espèce par rapport à une autre, elle pourrait permettre, en toute bonne conscience, l’élimination d’espèces jugées de moindre intérêt. N’est-ce pas nier alors leur droit à la vie et oublier les interdépendances étroites qu’il y a entre les organismes ? La conservation de la nature trouve également sa légitimité d’un point de vue moral, l’homme assurant une responsabilité par rapport aux espèces actuellement existantes, et par rapport aux générations futures. " Ce ne sont pas nos parents qui nous ont légué le monde, ce sont nos enfants qui nous l’ont prêté ", dit un proverbe africain.

Aux sources de la nature

Mais conserver la nature se justifie tout autant pour des raisons d’ordre esthétique ou sentimental : le plaisir de l’enfant qui, au bord d’une mare, observe l’émergence d’une libellule, l’émotion que l’on peut éprouver en observant un cerf dans le paysage embrumé du plateau des Hautes-Fagnes, ou à se promener dans les forêts ardennaises recouvertes d’une épaisse couche de neige...

 

Comment sauvegarder la nature ?

1. Les lois

La conservation de la nature passe souvent par un préalable : la prise de mesures légales de protection des espèces, des milieux et de l’environnement en général. Dans un contexte communal, régional, national, européen ou international, la Région wallonne a adopté une série de lois, décrets, arrêtés, directives ou conventions qui ne cessent de s’étoffer.

En 1970 était lancée par le Conseil de l’Europe [serveur http://www.coe.int] une opération d’envergure : l’année européenne de la conservation de la nature. Une année entière permit de prendre conscience que l’érosion du patrimoine naturel était une réalité. Mais une autre réalité se fit également jour : dans notre pays, ce patrimoine pouvait disparaître en toute légalité... puisqu’aucune loi ne le protégeait spécifiquement !

Il fallu encore attendre trois ans avant que la première base légale de la conservation de la nature soit enfin promulguée : le 12 juillet 1973, le Parlement belge adopta la loi-cadre sur la conservation de la nature destinée à couvrir tous les problèmes d’environnement de l’espace non bâti. Une loi qui a notamment cloisonné l’espace, en créant des zones privilégiées, " réservées à la nature " : les réserves naturelles composées d’habitats hébergeant des espèces animales ou végétales, rares ou spectaculaires.

De l’Etat belge à la Région wallonne

Depuis 1980, suite à la régionalisation, la conservation de la nature a été confiée aux Régions. C’est ainsi que la Région wallonne a pris une série d’arrêtés d’exécution de la loi de 73 : préservation des espèces menacées, interdiction d’utiliser des herbicides sur certains biens publics...

Des décrets sont également venus s’ajouter à la loi de 1973 : parcs naturels, octroi aux communes du droit d’édicter des mesures complémentaires en matière de conservation de la nature...

En moins de 25 ans, plusieurs dizaines d’arrêtés et de décrets relatifs à la conservation de la nature ont ainsi été pris en Région wallonne [législation].

Région wallonne, petite soeur de l’Europe

La Région wallonne est aussi responsable de l’application sur son territoire de plusieurs règlements pris en " haut-lieu " : au niveau européen (directives) ou international (conventions).

Encore faut-il que les Etats (Régions) membres transposent les directives et conventions dans leur droit national (régional) : en adoptant des textes exécutoires qui les rendent opposables à des tiers.

Les conventions internationales portent souvent le nom des villes prestigieuses où elles ont été adoptées (Ramsar, Washington, Berne…). Quant aux directives européennes, elles affichent des noms de code qui n’ont rien à envier à ceux des colorants alimentaires (directive oiseaux 79/409/CEE, directive Habitats 92/43/CEE…)

 

Limite des lois

Les législations de conservation de la nature initiées en 1970 par l’Année européenne de la nature du Conseil de l’Europe ont un quart de siècle et le déclin de la biodiversité au cours de ces années a montré la nécessité de ne pas limiter les efforts aux seules mesures de protection territoriale et de protection légale des espèces. C’est le grand message de la deuxième Année européenne de la conservation de la nature (organisée en 1995 par le Conseil de l’Europe). Désormais, la conservation de la nature est l’affaire de tous, partout.

 

2. Conservation et gestion de la nature

Pendant longtemps, on a cru qu’en créant des réserves naturelles on pouvait sauvegarder les milieux, les plantes et les animaux dont on observait la disparition. On les mettait "sous cloche", hors d’atteinte des perturbations extérieures. Il suffisait de protéger les terrains et de laisser faire la nature. Solution simple. En apparence. En fait, à ce stade, on n’a atteint qu’une partie des objectifs.

Forêt, le retour

Laissés à eux-mêmes, la plupart des sites qui bénéficient du statut de réserve naturelle se transforment. Ainsi, par exemple, une prairie fleurie qui n'est plus pâturée est très vite envahie par des herbes et des arbustes qui étouffent les plantes à fleurs caractéristiques du milieu que l’on voulait préserver. De même, un marais ou une roselière, en l’absence de fauchage, est recouvert après quelques années d’arbres, comme les saules, qui initient le retour de la forêt.

De la protection à la gestion

Laisser faire la nature serait pourtant l’idéal... dans le meilleur des mondes. Mais les milieux naturels sont devenus à ce point petits, fragmentés, simplifiés, immobilisés et rajeunis [causes de dégradation] que la dynamique naturelle n’est pas suffisante pour compenser la disparition des milieux et des espèces. Ainsi, la pelouse sèche à orchidées qui se reboise disparaît irrémédiablement car aucune autre ne voit le jour dans son voisinage. Adieu, les orchidées qui y poussaient...

C’est pourquoi, il faut agir. On est ainsi passé progressivement d'une simple protection de sites à l'application de mesures de gestion grâce auxquelles l'homme perpétue les effets des pratiques agro-pastorales anciennes qui ont façonné le milieu et la diversité naturelle qui lui est liée. Les roselières, prairies humides et pelouses sèches sont d’abord déboisées, débroussaillées puis fauchées régulièrement. Des mares sont approfondies…

Mais les réserves naturelles sont de plus en plus nombreuses et des surfaces de plus en plus importantes doivent être gérées avec des moyens humains et financiers limités, surtout dans le secteur associatif. Les motofaucheuses, les débroussailleuses ou les tronçonneuses ont beau venir à la rescousse des gestionnaires, la tâche est immense et on peut craindre d’être dépassé par son ampleur.

Aussi, les gestionnaires de réserves publiques ou privées diversifient les modes de gestion. Du bétail aux caractéristiques rustiques (animaux résistants qui supportent de rester l’hiver dehors et qui nécessitent peu d’entretien) est introduit dans les réserves naturelles. On fait progressivement appel au savoir-faire et à l’équipement des agriculteurs. Des écoles, centres culturels ou mouvements de jeunes sont intéressés à la gestion de réserves naturelles. Au-delà de la nécessité d’assurer la gestion, ces démarches ont un gros avantage. En s’ouvrant au monde du tourisme, au secteur agricole, à la population locale, les réserves naturelles sortent de l’isolement pour s’ancrer dans la vie économique et sociale de tous les jours. Ces passerelles sont peut-être les meilleures garantes de l’avenir.

Vers une gestion globale

La protection des habitats et des espèces est une base, mais elle ne suffit certainement pas. Il convient en réalité de prendre en compte l’ensemble du territoire et d’intégrer la protection du patrimoine naturel au sein de toutes les activités humaines. Partout, et au quotidien. "Sortir de ses réserves", tel a été le leitmotiv de l’Année européenne de la conservation de la nature initiée en 1995 par le Conseil de l’Europe [serveur http://www.coe.int] et coordonnée en Wallonie par le Service Conservation de la nature ".

... et patrimoniale

La prise en compte de la protection de la nature, en dehors des réserves, nécessite l’adhésion et la coopération de tous les acteurs concernés par l’espace wallon. Qu’il s’agisse de surfaces cultivées, de forêts, de zones industrielles, urbaines ou de loisirs, de voies de communication. Que l’on soit agriculteur, forestier, pêcheur, chasseur, naturaliste, enseignant, animateur, magistrat... ou simple citoyen. Réunir autour de la table tous ces acteurs et trouver un consensus acceptable pour tous doit être un nouvel objectif. Et ce décloisonnement des compétences porte déjà ses fruits !

Ainsi, dans les "Plans communaux de développement de la nature", la collaboration d’autres administrations comme celle des Services techniques provinciaux a permis, par exemple, que la protection des chauves-souris et de la chouette effraie soit intégrée dans le cahier des charges portant sur la réparation des combles et des clochers (Opération " combles et clochers "). De même, le partenariat avec les communes, pour un entretien plus écologique des bords de routes communales (Opération " bords de routes ").

Des synergies similaires sont également développées entre l’administration et des naturalistes et pourraient être élargies à d’autres acteurs des espaces naturels.

 

Nature ou environnement ?

Une distinction fondamentale doit être faite entre " protection de l’environnement " et " conservation de la nature ".

L’environnement, c’est " ce qui nous environne " sur terre, c’est-à-dire les éléments qui la constituent (air, eau, sol...) et au sein de laquelle s’échangent énergie et matière. Que l’on perturbe ces éléments et nos besoins élémentaires tels que respirer (pollution de l’air), boire (pollution des nappes phréatiques), se nourrir (pollution des sols)... s’en trouvent contrariés. La politique de la " protection de l’environnement " vise donc le maintien du bon fonctionnement des processus physico-chimiques sur terre rendant la vie -notre vie- possible. Elle se traduit essentiellement par une politique de gestion des déchets et de lutte contre les pollutions. Pour un " environnement de qualité ".

Ce que la politique de la " conservation de la nature et de la biodiversité " veut préserver, c’est le résultat de l’évolution biologique qui a engendré les millions d’espèces qui nous côtoient et les conditions qui ont rendu possible cette évolution. Cela se traduit essentiellement par une politique de préservation des espaces naturels ou semi-naturels.

Si la protection de l’environnement (environnement de qualité, fonctionnel, non pollué...) est éminemment nécessaire au développement de la biodiversité, elle n’est pas suffisante et peut même entrer en conflit avec les objectifs d’une politique de conservation de la nature.

Pour exemple : le cas des sites calaminaires wallons du bassin de la Vesdre, fortement pollués en zinc et autres métaux lourds. Il y pousse cependant une série de plantes rares dont la violette calaminaire, exclusivement adaptée à ces conditions; de sorte qu’une politique de la conservation de la nature devrait assurer la protection de ces sites.

 

Suivi de la biodiversité en Wallonie

La connaissance de la biodiversité en Région wallonne peut être considérée comme relativement satisfaisante. C’est en tout cas ce qui ressort de " l’Etat de l’environnement wallon ", publié par la Direction générale des Ressources naturelles et de l’Environnement du ministère de la Région wallonne.

Les sites naturels de haut intérêt biologique ont été pour la plupart répertoriés et des inventaires de la faune et de la flore y ont souvent été partiellement réalisés.

La conservation du patrimoine naturel passe en effet par ce préalable : il faut l’inventorier et évaluer les chances qu’il a de se maintenir à long terme en surveillant son évolution.

Côté faune et flore, en réalité, seule la répartition et le statut des espèces de vertébrés, de quelques groupes d’insectes et des plantes supérieures est bien connue. Finalement, cela représente très peu de choses...

Programme biodiversité

C’est pourquoi la Région wallonne finance actuellement un programme intitulé "inventaire et surveillance de la biodiversité " (programme I.S.B.) qui fait suite au programme de " surveillance de l’état de l’environnement wallon par bioindicateurs " (programme SURWAL) initié en 1989. Un programme global qui permet à la fois de mieux connaître le statut de toute une série d’organismes et, ce faisant, de suivre l’évolution de l’état de l’environnement en Wallonie. Ce programme est réalisé en collaboration avec les associations de naturalistes. Les groupes suivis régulièrement sont actuellement : les oiseaux, les chauves-souris, les batraciens et reptiles, les libellules, les papillons et les orchidées.

Espèces dans le rouge

Les différents groupes de travail sont chargés d’évaluer le statut actuel des espèces et d’identifier celles qui méritent une attention particulière : soit parce qu’elles sont rares ou protégées, soit qu’elles sont menacées à l’échelle européenne et doivent de ce fait bénéficier de mesures de protection, ou encore qu’elles présentent un grand intérêt biogéographique. Concrètement, les collaborateurs transmettent leurs observations de terrain : des bases de données sont ainsi constituées, permettant, après exploitation, de réaliser des " listes rouges " d’espèces prioritaires à protéger et de suivre l’évolution de leurs populations.

Sites majeurs

Autres objectifs des groupes de travail : identifier les sites qui abritent encore des populations d’espèces prioritaires et ceux dont le potentiel d’accueil est très important. Pour chaque site ainsi identifié, il est défini une stratégie de protection et des priorités de mesures de gestion.

Cette base de données croisées " espèces x sites " est particulièrement intéressante. Elle permet d’intervenir rapidement sur les sites et de prendre des mesures de conservation sur des bases objectives. Elle intéresse également au plus haut point les Administrations régionales ou locales. Et en particulier la direction de la Conservation de la nature et des Espaces verts de la Région wallonne qui est souvent amenée à délivrer des avis ou à prendre des décisions. Par exemple, dans le cas d’aménagements de sites qui peuvent parfois héberger des populations d’espèces rares ou très menacées.