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Dès le XVIe siècle, le problème de la surexploitation de la forêt liée aux droits d’usage et aux coupes de bois pour l’industrie a inquiété. En 1617, l’ordonnance forestière des archiducs Albert et Isabelle est publiée. L’objectif de cette ordonnance – qui compte 125 articles – est de faire en sorte que l’exploitation de la forêt tienne compte de sa reconstitution. Etant donné le temps de croissance des arbres, les forestiers ont donc dû, bien avant la plupart des autres professions, développer une vision à long terme.

Avec 544.800 ha, les zones boisées occupent 32 % du territoire de la Région wallonne. Jusqu’à récemment, la production de bois a été la préoccupation dominante. C’est ainsi que les grands reboisements du XXe siècle (+ 100.000 ha) et les replantations forestières se sont traduits par un enrésinement massif (228.000 ha) (Figure 22).

Figure 22 Evolution des surfaces boisées productives (hors incultes) en Région wallonne au cours du XXème siècle.
Source – Inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie, 1999.

Les principes de gestion durable qui découlent des conventions sur la biodiversité et sur les changements climatiques, signées en suivi de la Conférence de Rio (1992), ont été précisés lors de la Conférence d’Helsinki (1993) : « Gestion et utilisation des forêts d’une manière et à une intensité telles qu’elles maintiennent leur diversité biologique, leur productivité, leur capacité de régénération, leur vitalité et leur capacité à satisfaire, actuellement et pour le futur, les fonctions écologiques, économiques et sociales pertinentes, aux niveaux local, national et mondial, et qu’elles ne causent pas de préjudices à d’autres écosystèmes ».

Cette évolution des concepts a influencé la politique forestière wallonne. La circulaire no 2619 relative aux aménagements dans les bois soumis au régime forestier (1997) consacre les principes de la Conférence d’Helsinki et reconnaît expressément la multifonctionnalité de la forêt : les différentes fonctions doivent co-exister et les aménagements forestiers (plans de gestion des forêts soumises) doivent être revus dans cette perspective.

La fonction économique de la forêt

Pour plusieurs raisons, la fonction économique de la forêt reste une priorité. Dans le contexte actuel, il est généralement admis que l’avenir de la forêt est d’autant plus assuré qu’elle est source de revenus pour ses propriétaires. D’autre part, la Belgique présente un déficit en bois par rapport à sa consommation intérieure. A l’exception des panneaux, la quantité de bois produite est inférieure à la quantité de bois consommé (Figure 23).

Figure 23 – Production et consommation de bois dans l’Union Economique Belgo-Luxembourgeoise :
moyennes annuelles pour la période 1993-1995.
Source – CEE-ONU.

Compte tenu du taux de transformation (m3 d’arbres nécessaires à la production d’un m3 de produit fini), le taux d’auto-approvisionnement de l’Union Economique Belgo-Luxembourgeoise est estimé à moins de 30 %.

L’emploi dans la filière bois en Région wallonne est estimé à plus de 16.300 unités. Ce chiffre pourrait augmenter si le secteur de la seconde transformation était développé.

Figure 24 Répartition des emplois par secteurs d’activités liés à la forêt et au bois en Région wallonne.
Source – Fédération professionnelle.

La forêt wallonne possède quelques atouts économiques. Sa productivité est élevée. Les accroissements annuels sont estimés à 2.700.000 m3 en résineux et 1.400.000 m3 en feuillus. Les prélèvements annuels sont estimés à 3.200.000 m3 dont 2.400.000 m3 (75 %) de résineux, 430.000 m3 (13 %) de grumes feuillues et 370.000 m3 (12 %) de petits bois et houppiers de feuillus. Les prélèvements étant inférieurs à l’accroissement, il y a capitalisation du matériel ligneux (Figure 25).

Figure 25 Evolution du volume de bois sur pied entre 1984 et 1999.
Source - Inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie, 1999.

La répartition des produits par catégorie d’utilisation est relativement favorable et les essences sont en voie de diversification progressive.

Des mesures sont prises pour accroître l’intérêt économique de la forêt tout en favorisant les aspects écologiques. Ces mesures visent à compenser la faible rentabilité des espèces (subvention à la régénération), à utiliser des plants de bonne qualité génétique (Comptoir forestier), à favoriser la stabilité des peuplements (subvention à l’éclaircie), à produire du bois de haute qualité (subvention à l’élagage à grande hauteur) (Tableau 2 et Figure 26). Les mesures visant à contrer le morcellement (groupements forestiers) ont également un effet favorable sur la rentabilité.

Figure 26 – Répartition par essence des surfaces subsidiées pour la régénération,
l’élagage à grande hauteur et l’éclaircie précoce.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE, DNF.

La fonction cynégétique

Autre source de revenus pour la forêt : la chasse. La fonction cynégétique est envisagée dans cette perspective mais aussi, plus récemment, avec le souci de restaurer un équilibre forêt-gibier mis à mal par les élevages, les territoires clôturés, les nourrissages intensifs et des pratiques de chasse visant à préserver les femelles. Il en est résulté une augmentation des populations de grands ongulés, qui, malgré diverses mesures (plans de tir, interdiction des élevages, …), restent à un niveau élevé (Figures 27 à 29).

Figure 27 Evolution des effectifs estimés de l’espèce cerf.
Source - Ministère de la Région wallonne, DGRNE, DNF.

Figure 28Evolution des effectifs estimés de chevreuil.
Source - Ministère de la Région wallonne, DGRNE, DNF.

Figure 29Evolution des effectifs estimés de sanglier.
Source - Ministère de la Région wallonne, DGRNE, DNF.

Dans les territoires où il y a un déséquilibre entre la densité en ongulés et la capacité d’accueil du milieu, des dégâts parfois importants sont enregistrés : dégradation des arbres, entrave à la régénération de la forêt, diminution de la biodiversité, dégâts aux cultures.

En forêt, ce sont les résineux et les hêtres qui subissent les plus gros dommages (Figure 30).

Figure 30 Estimation des dégâts aux arbres dus aux ongulés sauvages en Région wallonne.
Source - Inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie, 1999.

Les récentes révisions de la loi sur la chasse visent à supprimer les élevages, à rétablir la libre circulation du gibier, à réduire le nourrissage, à augmenter la capacité d’accueil du milieu et à instaurer des plans de tir. Ces réformes étant assez récentes, leurs effets ne pourront être évalués que dans les prochaines années.

Les fonctions sociale, récréative et éducative

En ce qui concerne les fonctions sociale, récréative et éducative de la forêt, l’option a été clairement prise au travers du décret relatif à la circulation en forêt (1995) de préserver la quiétude en forêt. Les engins motorisés sont interdits sauf dérogation tandis que la circulation des piétons, chevaux et vélos est encouragée dans un cadre compatible avec la préservation de la forêt. Le grand nombre de demandes de dérogations et d’autorisations témoigne d’une forte demande du public pour les activités récréatives en forêt (Figure 31).

Figure 31 – Demandes d’itinéraires temporaires, de balisage et d’accès à la forêt
pour des activités organisées en 1999.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE, DNF.

Le nombre d’activités de sensibilisation subsidiées ne cesse également d’augmenter (Figure 32).

Figure 32 Activités de sensibilisation subsidiées.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE, DNF.

Le Comptoir forestier qui, outre la production de graines de qualité, a une mission de vulgarisation dans le domaine forestier et dans le domaine de l’utilisation du bois dans la construction, est également bien fréquenté (3.768 visiteurs de 1996 à 1999 – Figure 33).

Figure 33 – Nombre de visiteurs au Comptoir forestier de Marche-en-Famenne de 1996 à 1999.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE, DNF.

La fonction écologique

L’intérêt pour la fonction écologique de la forêt est assez récent et a entraîné une série de réglementations et de recommandations sylvicoles, notamment : l’interdiction de planter des résineux à moins de 6 m des rives des cours d’eau (1967, 1979), l’amélioration de la connaissance des essences (publication du fichier écologique des essences, 1991), l’octroi de subventions conditionné par le respect de règles écologiques (p. ex. plantation avec des essences adaptées aux stations, application du guide du boisement paru en 1994, plantation d’au moins 10 % de feuillus lors de plantation de résineux, plantation à large écartement, mesures pour protéger les sols et les eaux). Le Comptoir forestier de Marche-en-Famenne a été créé pour assurer un approvisionnement de graines de souches locales de bonne qualité et de provenance diversifiée pour les essences de production mais aussi pour des essences d’accompagnement à intérêt plus écologique qu’économique.

Les données récentes de l’inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie indiquent une évolution dont les éléments suivants peuvent être qualifiés de positifs en termes de qualité biologique des forêts :

    — une légère extension des superficies dites « non-productives » où, par définition, aucune sylviculture n’est pratiquée et où la nature s’exprime : la proportion de zones non-productives est actuellement estimée à 12 %. Comparativement à la situation décrite en 1984, cela correspond à une augmentation de 53 % ;

    — une progression des peuplements en mélange et donc corrélativement, l’initiation d’un processus de recul des monocultures ;

    — un accroissement des peuplements de feuillus (+ 23.000 ha en 15 ans) (Figure 34).

Figure 34 – Evolution des surfaces occupées par les peuplements (futaies et taillis sous-futaies).
Source - Inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie, 1999.

Cette évolution a sans doute deux explications qu’il est difficile de départager : la réorientation de la politique forestière mais aussi les vastes étendues de chablis résultant des tempêtes de 1990 (19.700 ha).

L’amélioration de la qualité écologique de la forêt wallonne devrait se marquer à une grande échelle dans les prochaines années si la révision générale des aménagements forestiers selon la circulaire no 2619, les diverses réglementations et la politique de subventions, ont bien, dans la pratique, les effets escomptés.

Etat de santé des forêts

Un point reste préoccupant, c’est l’état de santé des forêts. La forêt subit les pressions des activités humaines, notamment, les retombées atmosphériques. Le phénomène n’est pas particulier à la forêt mais la pression et le rythme d’exploitation y étant moindre, l’observation des perturbations y est plus facile. Si la catastrophe « pluies acides » annoncée dans les années 80 n’a heureusement pas eu lieu, l’état de santé des forêts est néanmoins inquiétant.

Les observations réalisées depuis 1989 apparaissent assez hétérogènes : l’intensité des symptômes et les essences concernées sont assez variables d’une année à l’autre ainsi que les causes explicatives visibles. Au départ, les résineux étaient plus atteints que les feuillus mais la tendance évolutive est à une stabilisation ou une diminution des symptômes chez les résineux et à une lente régression de l’état sanitaire des feuillus (Figures 35 et 36).

Figure 35 Pourcentage des arbres décolorés à plus de 25 %.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE, DNF.

Figure 36Défoliation moyenne des essences.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE, DNF.

Les retombées atmosphériques observées sont manifestement susceptibles de déséquilibrer les écosystèmes les plus pauvres : les charges acides critiques sont dépassées en de nombreux endroits (Carte 2). Le recul manque cependant pour tirer des conclusions et identifier de manière fiable les relations de causes à effets. Des placettes de surveillance intensive ont été installées pour tenter de mieux comprendre la situation.

Carte 2 Dépassement du seuil critique de charge acide pour les écosystèmes forestiers en Région wallonne.
Source – CELINE et ISSeP (1996).