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L’eau a longtemps été considérée comme une ressource inépuisable et les cours d’eau comme des exutoires faciles pour évacuer les eaux usées vers la mer. A cette vision égoïste et irresponsable des choses, s’est récemment imposée la notion de développement durable.

Une gestion durable de l’eau implique que les prélèvements ne compromettent pas la disponibilité et que la qualité permette l’approvisionnement en eau potable et le développement d’écosystèmes riches et équilibrés.

A une période de gaspillage et de pollution doit donc succéder une période de restauration et de préservation. Où en est-on ?

Aspects quantitatifs

En Région wallonne, les prélèvements d’eau sont estimés à 40 % de la ressource disponible. Cette utilisation intense s’explique par la densité de la population, l’activité industrielle, l’exportation d’eau vers les régions voisines (Bruxelles-Capitale et la Flandre) mais surtout par la présence de centrales électriques qui utilisent de grandes quantités d’eau pour le refroidissement. En fait 2/3 de l’eau prélevée sont utilisés par les centrales électriques et cette eau est, en majeure partie, directement rejetée dans le cours d’eau d’où elle provient (Figure 9).

Figure 9 Prélèvements d’eau par source et par secteur en Région wallonne.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE.

La consommation d’eau de distribution est estimée à 131 l/habitant/jour, ce qui, comparé aux autres pays européens, est une valeur intermédiaire.

L’irrigation, problématique dans de nombreuses régions, est très peu pratiquée en Région wallonne : 5.513 ha de terres irrigables en 1997 soit 0,7 % de la surface agricole utile.

Si la consommation d’eau en Région wallonne apparaît importante, elle ne compromet toutefois pas globalement la ressource. Des problèmes se posent cependant localement : la surexploitation de la nappe des calcaires du Tournaisis est notamment reconnue. Les phénomènes d’assèchement de zones humides ou de diminution inquiétante du débit de certains petits cours d’eau, souvent signalés par les naturalistes, ne peuvent être étayés faute de données.

Aspects qualitatifs

Eaux souterraines

La qualité des eaux souterraines n’est pas encore suivie de manière systématique. Les données disponibles proviennent essentiellement des analyses réalisées par les Sociétés de production et de distribution des eaux et ne concernent donc que les nappes encore exploitées. Bien que la grande majorité de celles-ci conserve une qualité compatible avec les normes relatives aux eaux potables, les analyses indiquent une pollution localement élevée notamment par les nitrates et les pesticides (Figures 10 et 11).

Figure 10 Concentration en nitrates dans les analyses d’eaux souterraines effectuées
en Région wallonne par les producteurs d’eau.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE et Sociétés de production et distribution d’eau.

Figure 11 Concentration de pesticides dans les analyses d’eaux souterraines en Région wallonne :
teneur maximale observée par captage pour l’atrazine dans la période 1993-1998.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE et Sociétés de production et distribution d’eau.

Cette situation a conduit à la fermeture de quelques captages et au recours au mélange ou au traitement des eaux (Figures 12 et 13). De telles mesures risquent d’être plus fréquemment appliquées si les sources de pollutions ne sont pas rapidement maîtrisées.

Figure 12 – Incidence des pesticides sur la production d’eau potable à partir d’eaux
souterraines, 1993-2002 : interruption ou traitement des prélèvements.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE et Sociétés de production et distribution d’eau.

Figure 13 Incidence des pesticides sur la production d’eau potable à partir d’eaux souterraines :
volumes concernés par le traitement des eaux brutes ou l’abandon des captages (m3) (1970-1999).
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE et Sociétés de production et distribution d’eau.

Eaux de distribution

Hormis quelques problèmes locaux, la qualité des eaux de distribution respecte les normes de potabilité.

La qualité bactériologique est généralement bonne. En 1998, 93 % de la population recevaient une eau pour laquelle plus de 95 % des analyses étaient conformes aux critères microbiologiques (Figure 14).

Figure 14 Evolution de l’indice de qualité microbiologique de l’eau distribuée
en Région wallonne (1993-1998).
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE et Sociétés de production et distribution d’eau.

La concentration maximale admissible de nitrates dans l’eau est de 50 mg/l. Deux tiers des abonnés reçoivent une eau dont la teneur en nitrates est inférieure à 25 mg/l. La concentration est comprise entre 40 et 50 mg/l chez 3,6 % des abonnés (Figure 15).

Figure 15 Répartition des abonnés wallons selon la teneur moyenne en nitrates
de l’eau consommée, 1995 - 1996 (concentration maximale admissible : 50 mg/l).
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE et Sociétés de production et distribution d’eau.

Depuis le décret du 30 avril 1990 sur la protection et l’exploitation des eaux souterraines et des eaux potabilisables, la protection des eaux souterraines repose essentiellement sur la prévention par la mise en place de zones de protection autour des captages.

Les études pour délimiter les périmètres à protéger sont en cours et des procédures d’approbation de zones de prévention ont démarré (Tableau 1). Il s’agit de démarches qui prennent du temps.

Tableau 1Etat d’avancement des projets de zones de prévention en Région wallonne, situation au 01/01/2000.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE.

Une redevance de 3 BEF par m3 d’eau prélevée pour être distribuée comme eau potable ou une contribution de 1 à 3 BEF par m3 d’eau prélevée à d’autres fins, sont perçues pour alimenter un fonds pour la protection des eaux (Figure 16).

Figure 16 Redevance et contribution de prélèvement : montant des recettes annuelles (million de BEF), 1995-1998.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE.

Les moyens ainsi dégagés sont de l’ordre de 1,2 à 1,7 milliards par an.

Eaux de surface

La qualité des eaux de surface est très logiquement le reflet de l’intensité des activités humaines. Les rivières de bonne qualité sont les rivières du sud du Sillon Sambre-et-Meuse dont le bassin versant est majoritairement boisé. Plus les cours d’eau traversent des contrées habitées, industrialisées et d’agriculture intensive, plus la qualité se dégrade. Les cours d’eau les plus dégradés sont situés au nord du Sillon Sambre-et-Meuse (la Senne, la Sambre, la Haine, l’Espierre et l’Escaut) (Carte 1).

Carte 1 Qualité biologique des cours d’eau en Région wallonne.
(Analyse basée sur le groupe indicateur).
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE – CRNFB.

Les causes les plus fréquentes de non-conformité aux normes de qualité de base sont les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les pesticides organochlorés (lindane), la DBO5, l’azote ammoniacal. Le non-respect des normes piscicoles est le plus souvent lié à la DBO5, au phosphore total, à l’azote ammoniacal et aux nitrites.

La pollution organique apparaît forte à très forte dans 13 des 38 stations représentatives du réseau hydrographique. Ailleurs, elle est modérée (7 stations), faible (15 stations), ou très faible (3 stations).

Figure 17 Répartition des indices de pollution organique (IPO) moyens annuels
des cours d’eau en Région wallonne (1996-1997).
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE.

Des épisodes de toxicité sont relevés sur 11 stations, principalement dans le bassin de l’Escaut (7).

Enfin la qualité des eaux de baignade est conforme dans les 11 zones officiellement reconnues par la Région wallonne mais les rivières touristiques de moyenne importance (secteurs aval de la Semois, de la Lesse et de l’Ourthe) ne présentent pas une qualité conforme à la pratique de la baignade au sens de la Directive européenne c’est-à-dire qu’il y a plus de deux analyses par an qui dépassent les normes impératives.

Prévention, rejets et épuration

L’amélioration de la qualité des eaux passe nécessairement par la diminution des rejets.

La prévention, bien que mise en avant dans les principes, est, pour l’instant, essentiellement encouragée par des campagnes de sensibilisation à l’éco-consommation et au développement des technologies propres ainsi que par l’effet incitatif de la taxe sur les rejets industriels d’eaux usées.

Les rejets industriels ont diminué, d’une part, par la fermeture de nombreuses usines polluantes, d’autre part, plus récemment, par les efforts d’épuration consentis par les industriels. Ces efforts se reflètent dans la perception de la taxe sur les eaux usées industrielles (diminution de la charge polluante taxée) (Figure 18) et dans les montants investis par les industries pour la prévention ou le traitement des rejets polluants (Figures 63 et 64).

Figure 18 Rejets d’eaux usées industrielles en Région wallonne : évolution de la moyenne des charges polluantes
rejetées par les industries (formules complètes), 1994-1997. (UCP = Unité de Charge Polluante).
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE.

 

La pollution agricole est plus difficile à cerner du fait de son caractère diffus et du rôle déterminant des pratiques : une même quantité de lisier ou de produits phytosanitaires peut être ou ne pas être polluante selon la manière dont elle est épandue dans l’environnement. La concentration des cheptels et l’intensification des pratiques culturales inquiètent; la sensibilisation, l’élaboration de codes de bonnes pratiques, les mesures agri-environnementales et le développement de l’agriculture biologique rassurent (voir chapitre agriculture). Quel en sera le bilan environnemental ?

La Région wallonne accuse un retard important dans l’épuration des rejets domestiques. Depuis une dizaine d’années, une politique plus vigoureuse se met en place (Figure 19) : instauration d’une taxe sur les eaux usées pour augmenter le financement de l’épuration (1990), établissement des plans communaux généraux d’égouttage (1992-2000), programme pluriannuel de réduction de la pollution des eaux de surface (1994), augmentation du financement et accélération des programmes de construction des stations d’épuration…

Figure 19 – Evolution de la charge théorique des stations d’épuration construites en Région wallonne (1970-1999).
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE.

Selon les estimations, en 1999, 54 % des rejets domestiques étaient traités soit dans une station d’épuration publique (32 %), soit par un système d’épuration non public ou autonome (22 %).

Pour atteindre les objectifs fixés par la Directive européenne 91/271/CEE, des stations d’épuration devraient être construites pour épurer 3.630.000 E.H. La figure 20 présente l’état d’avancement des investissements.

Figure 20 Répartition de la capacité des stations d’épuration réalisées, engagées et restant à
réaliser pour atteindre les objectifs de la Directive européenne 91/271/CEE
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE.

Pour financer l’épuration des eaux et en application du principe pollueur-payeur, une taxe sur les rejets d’eaux usées est perçue. La taxe initialement de 8 Frs/m3 d’eau consommée a été doublée à partir du 01/01/1996. Elle permet de dégager une recette brute d’environ 2,9 milliards de francs par an. L’évolution des recettes indique un effort d’épuration ou de réduction des volumes d’eaux usées rejetés par les industries (Figure 21).

Figure 21 Taxe sur le déversement des eaux usées industrielles et domestiques :
montants cumulés des recettes annuelles (millions de BEF), 1994-1997.
Source – Ministère de la Région wallonne, DGRNE.

Gestion globale

La manière d’envisager la problématique de l’eau a aussi évolué. Après une prise en compte des problèmes au coup par coup, est apparue la nécessité d’envisager les problèmes de manière plus globale. Le cycle de l’eau est devenu le cadre de référence. La Société Publique de Gestion de l’Eau a été créée dans cet esprit pour coordonner la gestion de l’ensemble du cycle de l’eau (production, distribution, épuration). La notion de coût-vérité de l’eau y répond également puisque outre les frais de production et de distribution, elle inclut une redevance pour la protection des captages et le principe de pollueur-payeur pour assurer l’épuration des eaux usées.

La gestion des eaux de surface et des eaux souterraines est désormais envisagée par bassin hydrographique et par nappe aquifère. Ces approches, développées aux niveaux politique et administratif, trouvent un relais associatif dans l’élaboration des contrats de rivière et de nappe.