La cynégétique à Nazinga


  1. Problématique
  2. Mise en œuvre du protocole
  3. Le buffle
  4. Le waterbuck

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1. Problématique

Au ranch de gibier de Nazinga, la recherche scientifique devrait faciliter la réalisation de l’objectif d’autonomie financière du ranch tel qu’il a été clairement défini par les responsables du ranch et les autorités compétentes. Les sources essentielles de revenu du ranch demeurent : (i) la capture d’animaux vivants (très marginale), (ii) la pêche, (iii) le tourisme de vision et (iv) le tourisme cynégétique ou chasse sportive. Ce dernier poste de recettes financières constitue, au stade actuel de l’expérience acquise par le ranch, la source de revenus essentielle. A titre d’exemple, la contribution de la chasse sportive aux recettes du ranch pour la campagne 99-2000 s’élevait à plus de 67 % (rapport RGN, 99-2000). Par ces revenus financiers directs et importants que ce secteur apporte, son développement dans les zones villageoises suivi d’une redistribution en direction des villageois, est, par ailleurs, un atout irremplaçable à l’intégration des populations riveraines.

Deux programmes de recherche qui seront successivement abordés ont été développés et mis en œuvre par le projet pour éclairer la problématique cynégétique du ranch. Il s’agit : de l’analyse des monitorings cynégétique et écologique d’une part, et de l’étude spécifique du buffle et du waterbuck d’autre part.

Les monitorings cynégétique et écologique

Ce programme, développé essentiellement de 1999 à 2000, s’articule autour des objectifs suivants :

  • réaliser un diagnostic approfondi de la chasse sportive et du cropping depuis 1985 ;
  • faire une analyse comparée des données de tir depuis 1988 et les rapprocher aux quotas définis et les effectifs d’inventaire ;
  • identifier les espèces en expansion et ceux vulnérables, en matière de chasse ;
  • réaliser une analyse comparée des méthodes d’inventaires pratiquées à Nazinga ;
  • concevoir des outils et des méthodes de suivi écologique, et former des agents pour les mensurations des trophées ainsi que les récoltes de données de terrain ;
  • dégager des recommandations pour une gestion cynégétique efficace et durable des populations d’ongulés pour le ranch de gibier de Nazinga.

Il a donné lieu à la rédaction et la défense d'un mémoire de DEA.

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2. Mise en œuvre du protocole

La mise en œuvre a consisté en l’analyse des données quantitatives d’inventaires pédestres dans le but de dégager des tendances évolutives à partir des archives disponibles ; et en l’analyse spatiale des données permettant d’obtenir la distribution des populations, celle des tirs ainsi que celle des indices de braconnage. Ces importants travaux ont été complétés par des opérations d’inventaire. il s’agit :

  • d’un inventaire aérien réalisé en mars 2000 visant à acquérir des informations sur les populations animales chassables en prenant en compte la périphérie extérieure du ranch de manière à évaluer le développement éventuel de la chasse sportive dans les zones de chasse villageoises et de mesurer les opportunités de cette méthode pour le ranch de Nazinga ;

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Exemple de plan de vol (11 Ko)

  • d’un inventaire automobile effectué en février 2000, dans le but de tester l’avantage de cette méthode et son applicabilité à Nazinga ;
  • d’un inventaire pédestre réalisé en avril 2000, selon le protocole mis en oeuvre annuellement au RGN depuis 1984.

naz_inventaire.jpg (160068 octets)

Cartographie des transects permanents d'inventaire pédestre de la grande faune (156 Ko)

Résultats obtenus

L’analyse des monitorings écologique et cynégétique a permis d’éclairer l’historique du ranch concernant les statistiques de tir, l’évolution des effectifs des principaux ongulés, les opportunités sur les différentes méthodes de recensement, les espèces en expansion et celles qui sont peu résistantes à des prélèvements importants, l’évolution du braconnage, la re-définition des quotas, etc. De manière très concrète, les résultats ont été mis à la dispositions des autorités, gestionnaires et chercheurs. Citons quelques résultats et recommandations :

  • de 1982 à 1988, les mesures de conservation suite à une large sensibilisation développée par le projet ont conduit à une augmentation des principaux ongulés ; le pic le plus important est atteint en 1986 avec 13.500 têtes (toutes espèces confondues) ;
  • une diminution du cheptel a été observée de 1986 à 1988 ;
  • la période 94-2000 s’est caractérisée par une chute marquée des effectifs. Le minima est obtenu en 1996 avec 4500 têtes pour les mêmes ongulés ;
  • la reprise des activités du ranch grâce au projet PNUD (GEF-Nazinga) indique une remontée des effectifs de 1997 à 1999. Cependant, pour certaines espèces, la chute d'effectifs semble se poursuivre. C’est le cas du guib harnaché, de l’ourébi, du céphalophe de Grimm et du cob de Buffon. Le braconnage semble être une des raisons du recul de ces espèces. En effet, l’autopsie des animaux abattus a révélé qu’une forte proportion d'entre-eux (>8%) présentaient des séquelles de braconnage.

Il en découle les recommandations et mesures d’urgence suivantes :

  • au regard des faibles densités observées lors de l’inventaire aérien, le développement d’activités de grande chasse (buffle, hippotrague, bubale) ne semble pas envisageable dans les zones villageoises de chasse ;
  • il est souhaitable que des investigations plus poussées soient menées pour mieux connaître les densités réelles des espèces de taille moyenne dans les zones villageoises de chasse ;
  • en considérant le manque à gagner lié aux prélèvements " hors quotas " à des fins de distribution ou de vente de viande, une solution alternative consisterait à consentir un investissement dans la rénovation des installations électriques, l’achat et l’installation de matériel frigorifique efficace afin de mieux rentabiliser la venaison produite par les activités de chasse sportive ;
  • pour la plupart des espèces, les taux de réalisation des quotas sont en diminution inquiétante à l’exception de l’hippotrague. Les taux de prélèvement devraient faire l’objet d’une réduction bien que des analyses plus approfondies soient nécessaires ;
  • une étude de rentabilité économique de la structure de Nazinga devrait permettre de dégager les voies et moyens nécessaires pour une meilleure application de ces différentes recommandations ;
  • au niveau des méthodes d’inventaire, la voie pédestre semble la plus satisfaisante en terme de précision. De part son caractère systématique, elle permet une appréciation de la distribution des populations animales, et donc la mise en œuvre de plan de gestion plus rigoureux. En fonction des objectifs recherchés, les méthode aériennes et automobiles restent des approches fiables.

 

Etudes spécifiques

A Nazinga les espèces d’ongulés chassables sont les suivantes : le phacochère (Phacochoerus aethiopicus), l’ourébi (Ourebia ourebi), le guib harnaché (Tragelaphus scriptus), le bubale (Alcelaphus buselaphus), l’hippotrague (Hippotragus equinus), le céphalophe de Grimm (Sylvicapra grimmia), le waterbuck (Kobus ellipsyprimnus defassa) et le buffle (Syncerus caffer brachyceros). Le cob de Buffon (Kobus kob), réintroduit, le cob redunca (Redunca redunca) et le céphalophe à flancs roux (Cephalophus rufilatus) rares, sont interdits de tir. Il sera abordé deux espèces qui symbolisent l’assiette des espèces chassables à Nazinga. Il s’agit du buffle et du waterbuck. Le premier semble souffrir d’une surexploitation par le passé ; le second, en croissance selon les dernières estimations, reste sur le plan cynégétique, encore pas assez valorisé.

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3. Le buffle

A Nazinga, le buffle demeure l’animal le plus prisé par les chasseurs. Il joue un rôle économique et financier de premier plan pour le ranch. Très peu d’études, malgré ce rôle financier hautement stratégique qu’il joue, lui ont été consacrées. Or, si l’on veut améliorer les recettes à Nazinga et favoriser par ce fait l’émergence d’une gestion durable, objectif tant répété et encore attendu, il faut parvenir à conquérir et à maintenir une bonne clientèle de chasseurs, par une offre régulière en safaris buffle. Par ailleurs, il faut veiller, en ce qui concerne les quotas définis, à réaliser des taux de couverture satisfaisants avec de beaux trophées.

Pour atteindre de tels objectifs, la maîtrise des effectifs, de la dynamique des populations de buffles, des migrations saisonnières s’avèrent indispensables. Ces connaissances permettront de fixer des quotas écologiquement soutenables, d’améliorer les prestations de chasse afin de satisfaire une clientèle de plus en plus exigeante, tout en assurant une meilleure reproduction de l’espèce. A ce défi à relever, s'ajoute l’impérieuse et épineuse question relative au braconnage du buffle en vue de mieux évaluer l’impact socio-économique du braconnage.

Les objectifs de recherche

Les objectifs poursuivis sont les suivants :

  • analyser les résultats d’inventaire obtenus depuis les premiers inventaires et identifier les contraintes de méthodes liées à l’estimation des effectifs de buffle ;
  • développer une méthode d’inventaire adaptée au buffle pour mieux approcher les effectifs des populations existantes dans l’espace ranch de Nazinga-Sissili Safari (RGN-SS);
  • identifier la structure de la population de buffle ;
  • évaluer l’importance du braconnage du buffle ainsi que les motivations des braconniers ;
  • mettre à la disposition des gestionnaires des outils de gestion fiables en fonction du potentiel existant.

Pour atteindre ces objectifs, il a été réalisé dans un premier temps une analyse des données d’inventaire et de tirs disponibles depuis les années 80. A partir d’août 2000, une nouvelle approche d’inventaire pédestre a été mise en œuvre dans l’espace RGN-SS. Ainsi, 4 inventaires totaux et spécifiques 'buffle' ont été réalisés. Cette méthode expérimentale a également été appliquée à l’éléphant (effectifs et structure du troupeau) et au waterbuck (structure du troupeau).

Les effectifs de buffles observés

Le dernier inventaire réalisé en mars 2002 fait état de 305 buffles recensés à Nazinga et à la Sissili Safari. Le troupeau moyen (août, 2001), pour l’ensemble des deux zones présente un effectif de 12,47 têtes. Le troupeau le plus important recensé est de 55 têtes.

Au niveau de la structure, les femelles adultes restent la catégorie la mieux représentée. Le sexe – ration (males adultes : femelles adultes) est d’environ 1 mâle pour 2 femelles. C’est un indice favorable à la reproduction de l’espèce. Si les vêlages sont beaucoup plus remarqués en saison des pluies, les jeunes restent observables dans les troupeaux toute l’année. Un pic de naissance n’apparaît pas très nettement.

Le braconnage du buffle

A Nazinga et à la Sissili Safari, le buffle semble souffrir, comme dans la plupart des aires protégées, d’un braconnage à la fois intérieur et transfrontalier. La section de lutte anti-braconnage récemment équipée en moyens de communication efficaces produit des résultats appréciables. Des efforts restent cependant à faire. A cette démarche répressive, il convient de renforcer la stratégie en étalant la surveillance sur toute l’année, de motiver davantage les éléments chargés de ce travail par des revenus à la hauteur des efforts fournis sur le terrain ainsi qu’en privilégiant la sensibilisation dans les villages.

Le braconnage n’est pas seulement un moyen d’existence socio-économique, c’est aussi un fait culturel donnant droit à un statut social encore recherché par les jeunes. L’abattage du buffle reste la porte par laquelle le jeune gourounsi s’affirme en tant que chasseur. La relance de la collaboration avec les populations riveraines récemment entamée par les responsables du ranch devrait permettre de réduire le braconnage du buffle.

Conclusions et recommandations sur le buffle

Au stade actuel de l’étude sur le buffle à Nazinga, on peut retenir les conclusions partielles suivantes : un important potentiel biologique existe à Nazinga. Le faible effectif constaté lors des inventaires semble être le résultat de quotas excessifs pratiqués dans le passé. Cette pratique est accompagnée d’un braconnage actif, notamment transfrontalier qui s’est développé et qui reste difficile à contrôler, malgré les patrouilles régulières organisées par la section de lutte anti-braconnage. Suite à ce constat, pour atteindre un niveau de quotas de buffles compétitif, il faudrait appliquer une gestion de redressement des populations. Cette politique semble être déjà acceptée par les responsables actuels du ranch, puisque les quotas pour la campagne 2001-2002 ont été réduits, à la suite de nos premières recommandations à 2 têtes. Les recommandations supplémentaires doivent cependant être faites :

  • une application rigoureuse des quotas de tir écologiquement soutenables, suivie d’une réduction du braconnage permettra d’obtenir des effectifs plus importants ;
  • une réorganisation de la lutte anti-braconnage en vue d’obtenir des résultats plus efficaces. Il s’agira : (i) de mener une réflexion conjointe et approfondie sur la lutte anti-braconnage à Nazinga et à la Sissili Safari, réflexion devant rassembler toute la mémoire du ranch en terme de rapports et d’hommes ressources ; (ii) encourager les pisteurs affectés à la lutte anti-braconnage de manière à leur redonner un statut socio-économique envié et respectable dans leur village ;
  • repenser l’occupation géographique des activités de chasse et de tourisme de manière à mieux étendre la zone de sécurité des animaux, et par le fait même, réduire le champ d’influence des braconniers ; nous pensons à la création d’une zone touristique délocalisée à l’entrée du ranch ;
  • une implication du guide de chasse dans la stratégie de lutte anti-braconnage ;
  • la mise en place d’un réseau d’information sur le braconnage du buffle et celui de l’éléphant dans les villages riverains.

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4. Le waterbuck

Comme il a été souligné, contrairement aux populations de buffles où une politique de redressement des populations devrait être impérativement appliquée, les populations de waterbuck semblent être en croissance. Cornelis (2000) rapporte des effectifs de plus de 1772 têtes. Diverses raisons nous amènent à approfondire et à confirmer ces résultats avant toute proposition de gestion cynégétique plus affirmée du waterbuck :

  • les données d’inventaire sur le waterbuck ont été jusqu’en 1999, insuffisantes en termes de nombre de contacts réalisés. La concentration des populations sur deux faciès du ranch semble être un des facteurs explicatifs. Il faut donc adapter les méthodes utilisées ;
  • l’importance des migrations des troupeaux entre le ranch et les terroirs villageois qui bordent la base du ranch n’est pas assez connue ;
  • le potentiel faunique des zones villageoises et particulièrement le waterbuck, animal le plus inféodé aux milieux cultivés reste à approfondir ; la maîtrise des effectifs et des espèces inféodées à ces milieux permettront d’envisager une exploitation plus rationnelle des zones villageoises de chasse dans le cadre de l’intégration des populations riveraines à la gestion du ranch.

 

Mise en œuvre du protocole de recherche

Ce protocole aborde deux volets :

  • mieux approcher les effectifs de waterbuck : en février et mars 2002, deux inventaires pédestres ont été réalisés. La zone inventoriée s’étend du sud de la Sissili et couvre les zones villageoises de chasse de Sia et de Natiédougou, deux villages situés au nord de la base du ranch. Elle couvre une superficie de 23.450 ha environ dont 5480 en terroir villageois.
  • une étude sur la végétation des jachères est entamée depuis 2000. L’objectif est de quantifier la production des jachères et identifier les espèces recherchées par les waterbucks dans les champs et jachères. Cette étude qui se poursuit dans les champs et jachères devrait aussi permettre d’évaluer l’intensité de fréquentation des milieux cultivés et de dégager la complémentarité en terme de disponibilité alimentaire entre le ranch et le milieu cultivé.

Les observations réalisées en terroirs villageois

Sur 5480 ha parcourus selon la méthode des transects à largeur variable, en terroirs villageois de Sia et de Natiédougou, 199 têtes, toutes espèces confondues ont été observées. Trente et un (31) contacts avec le waterbuck dont 24 au niveau du ranch et 7 en zones villageoises pour un effectif total de 178 têtes. Le ratio mâles/femelles, à partir d’un effectif de 104 têtes est de 1 mâle pour deux femelles. 67 têtes ont été observées en zones villageoises soit 44 % des observations. Les autres espèces observées sont : bubale, guib harnaché, phacochère, ourébi, céphalophe de Grimm, hippotrague et buffle. Les grandes antilopes et les buffles ont été observés au voisinage de la Sissili safari. Dans les ZVC proprement dites, qui sont des espaces de réserve villageoise, les observations ont été peu nombreuses. Cette faible abondance serait due au manque d’eau à l’intérieur des zones villageoises de chasse. En effet, c’est à partir des rives de la Sissili Safari d’une part, et d’autre part, le barrage Akwazena que les populations de waterbucks migrent en zone villageoise. Ce mouvement balancier est influencé par la présence des cultures et de jachères où poussent des espèces fourragères recherchées par les animaux. Pour en savoir plus sur les résultats d’inventaire, consulter " Analyse préliminaire des résultats d’inventaire sur le waterbuck ".

Approche des migrations saisonnières

Les disponibilités alimentaires saisonnières semblent influencer fortement la migration les populations animales entre le ranch et les milieux cultivés qui ont du reste été peu étudiés.

Dans un premier temps, les milieux cultivés ont été caractérisés par des relevés de végétation dans les types de pâturage existant. Il s’agit des parcelles cultivées, et des jachères de différents âges. Cette caractérisation a consisté à identifier les peuplements herbacées, à étudier les productions primaires et les principales espèces consommées selon leur stade de développement.

Cette approche va se poursuivre avec une évaluation des fréquentations des champs par des waterbucks suivi d’une étude d’impact des brouts sur la production agricole.

Conclusion sur le waterbuck

Les études sur le waterbuck sont en cours. Les premiers résultats indiquent l’existence d’un matériel biologique important dont une partie effectue un mouvement migratoire entre le ranch et les terroirs villageois. Ces allers–retours sont influencés par la disponibilité du pâturage, mais aussi le braconnage qui sévit dans ces milieux. La présence temporaire de la faune dans ces milieux suite à l’absence de point d’eau et à l’existence d’un braconnage occasionnel réduisent les chances d’ériger ces milieux comme des unités cynégétiques à part entière. Pour l’instant, il paraît raisonnable de gérer ces espaces comme des flux temporaires dont le ranch constitue la base, en attendant d’approfondir le statut de ces milieux compte tenu de l’expérience paysanne. La sensibilisation sur le braconnage et la surveillance dans les zones villageoises devraient être poursuivies. Au stade actuel, les quotas peuvent se faire à partir des dernières estimations disponibles. Les mâles adultes resteront les trophées ciblés.

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