Vu les articles 1, 34, 127 à 130, 134 et 167 à 169 du 17 février 1994 de la Constitution coordonnée;
Vu les articles 81, § 7, alinéa 4, et 92bis, § 4ter, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tels que modifiés par la loi spéciale du 5 mai 1993 sur les relations internationales des Communautés et des Régions;
Vu l'article 42 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises;
Vu l'article 55bis de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, tel que remplacé par l'article 2, § 1er, de la loi du 5 mai 1993 sur les relations internationales des Communautés et des Régions;
Vu l'article 31bis, alinéa 2, de la loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'inséré par l'article 1er de la loi du 5 mai 1993 sur les relations internationales des Communautés et des Régions;
Considérant la nécessité de déterminer les modalités suivant lesquelles des actions sont intentées devant des juridictions supranationales ou internationales dans le cadre d'un différend tel que visé à l'article 81, § 7, alinéa 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles;
l'Etat fédéral, représenté par M. J.-L. Dehaene, Premier Ministre, M. W. Claes, Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères et M. M. Wathelet, Vice-Premier Ministre et Ministre de la Justice et des Affaires économiques;
la Communauté française, représentée par Mme L. Onkelinx, Ministre-Présidente et M. Lebrun, Ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des Relations internationales;
la Communauté flamande, représentée par M. L. Van den Brande, Ministre-Président et Ministre flamand de l'Economie, des PME, de la Politique scientifique, de l'Energie et des Relations extérieures;
la Région wallonne, représentée par M. R. Collignon, Ministre-Président, chargé de l'Economie, des PME, des Relations extérieures et du Tourisme;
la Région de Bruxelles-Capitale, représentée par M. J. Chabert, Ministre des Finances, du Budget, de la Fonction publique et des Relations extérieures;
la Communauté germanophone, représentée par M. J. Maraite, Ministre-Président, Ministre des Finances, de la Santé publique, de la Famille et des Personnes âgées, du Sport, du Tourisme, des Relations extérieures et des Monuments et Sites,
ont convenu ce qui suit :
Article 1er. Pour l'application du présent accord de coopération, il convient d'entendre par :
1° Conférence interministérielle : la Conférence interministérielle de la politique étrangère, telle que visée à l'article 31bis, alinéa 2, de la loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles;
2° citation : la citation devant une juridiction internationale ou supranationale d'une personne juridique de droit international public;
3° différend mixte : un différend avec une personne juridique de droit international public concernant des matières ne relevant pas exclusivement des compétences fédérales, communautaires ou régionales;
4° autorité concernée : une partie à cet accord de coopération qui, par ou en vertu de la Constitution, est compétente pour une matière à laquelle se rapporte le différend mixte.
Art. 2. Le présent accord de coopération est d'application lorsqu'une autorité concernée souhaite que, dans un différend mixte, la Belgique cite une personne juridique de droit international public devant une juridiction internationale ou supranationale, notamment la Cour de Justice des Communautés européennes à Luxembourg.
Art. 3. Lorsqu'une autorité concernée souhaite que la Belgique introduise une action pour un différend qu'elle estime être de nature mixte, elle saisit la Conférence interministérielle en transmettant un avant-projet de citation au Président de celle-ci.
Le Président de la Conférence interministérielle veille à ce que le respect de la procédure visée aux articles 4 à 7 n'ait pas pour conséquence que l'action ne puisse être introduite dans les délais fixés.
Art. 4. Un groupe de travail " citation " est institué dans le cadre de la Conférence interministérielle.
Ce groupe de travail, qui est présidé par un représentant du Président de la Conférence interministérielle, est composé de représentants des autorités fédérales, communautaires et régionales.
Art. 5. § 1. Dans les quinze jours suivant la saisine de la Conférence interministérielle conformément à l'article 3, le groupe de travail " citation " vérifie si le différend revêt un caractère mixte. Il statue suivant la procédure du consensus. Faute de consensus, la Conférence interministérielle sera convoquée sans délai.
§ 2. S'il y a consensus sur le caractère mixte du différend, le groupe de travail examine la nécessité de procéder à une citation ainsi que l'avant-projet de citation. Cette décision doit faire l'objet d'un consensus entre les représentants des autorités concernées.
§ 3. Le consensus qui s'est dégagé au sein du groupe de travail est notifié immédiatement à tous les membres de la Conférence interministérielle. Sauf opposition dans les 48 heures suivant la notification, les membres de la Conférence interministérielle sont censés avoir approuvé le consensus qui s'est dégagé au sein du groupe de travail.
§ 4. A défaut d'accord au sein du groupe de travail, ou en cas d'opposition d'un ou de plusieurs membres de la Conférence interministérielle, cette dernière est saisie sans délai.
Art. 6. Lorsque la Conférence interministérielle est saisie conformément à l'article 5, elle statue suivant la procédure du consensus sur le caractère mixte du différend et suivant la procédure du consensus entre les autorités concernées sur la nécessité d'intenter une action ainsi que sur le projet de citation.
Si elle arrive à la conclusion que le différend ou un des éléments de celui-ci porte exclusivement sur des matières communautaires ou régionales, la réunion de la Conférence interministérielle tient lieu, le cas échéant, de celle prévue à l'article 81, § 7, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
Art. 7. Lorsque, conformément aux articles 5 et 6, il a été décidé de procéder à une citation, un seul fonctionnaire fédéral mandaté sera désigné, conformément à la réglementation.
Le Ministère dont relève ce fonctionnaire est chargé de la saisine de la juridiction internationale ou supranationale ainsi que des formalités y afférentes.
Art. 8. Chaque autorité concernée peut désigner un ou plusieurs représentants, ayant ou non la qualité d'avocat, pour assister le fonctionnaire mandaté. Les membres de la Conférence interministérielle sont avisés de cette désignation.
Art. 9. Le fonctionnaire mandaté assure la coordination de la procédure de citation devant la juridiction.
Le groupe de travail " citation " est informé de toute nouvelle phase dans la procédure introduite par la Belgique.
Art. 10. L'abandon de l'action ne peut être décidé que moyennant l'accord de toutes les autorités concernées. A cette fin, la procédure visée aux articles 5 et 6 sera respectée.
Art. 11. Les dispositions du présent accord de coopération peuvent être révisées à la demande de chacune des parties. Toute demande de révision sera examinée dans les trois mois au sein de la Conférence interministérielle.
Fait à Bruxelles, le 11 juillet 1994, en un original, en langues française, néerlandaise et allemande.
Pour le Gouvernement fédéral :
Le Premier Ministre,
J.-L. DEHAENE
Le Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères,
W. CLAES
Le Vice-Premier Ministre et Ministre de la Justice et des Affaires économiques,
M. WATHELET
Pour le Gouvernement wallon :
Le Ministre-Président du Gouvernement wallon, chargé de l'Economie, des PME, des
Relations extérieures et du Tourisme,
R. COLLIGNON
Pour le Gouvernement flamand :
Le Ministre-président et Ministre flamand de l'Economie des PME, de la
Politique scientifique, de l'Energie et des Relations extérieures
L. VAN DEN BRANDE
Pour le Gouvernement de la Communauté germanophone :
Le Ministre-Président, Ministre des Finances, de la Santé publique, de la
Famille et des Personnes âgées, du Sport, du Tourisme, des Relations extérieures
et des Monuments et Sites,
J. MARAITE
Pour le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale :
Le Ministre des Finances, du Budget, de la Fonction publique et des Relations
extérieures,
J. CHABERT
Pour le Gouvernement de la Communauté française :
La Ministre-Présidente du Gouvernement de la Communauté française,
Mme L. ONKELINX
Le Ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des Relations internationales,
M. LEBRUN
_____________
Développements relatifs à l'accord de coopération conclu entre l'Etat fédéral, les Communautés et les Régions concernant les modalités suivant lesquelles des actions sont intentées devant une juridiction internationale ou supranationale suite à un différend mixte.
Développements.
Suite à la révision de la Constitution du 5 mai 1993 et aux lois spéciale et ordinaire du 5 mai 1993 sur les relations internationales des Communautés et des Régions, le domaine des relations extérieures a subi de profondes modifications.
La loi spéciale du 5 mai 1993 fait à plusieurs reprises appel à une technique dite de " fédéralisme coopératif " : l'accord de coopération obligatoire.
Le présent accord est un accord de coopération relatif aux modalités suivant lesquelles doivent être intentées des actions devant une juridiction internationale ou supranationale, la conclusion d'un tel accord ayant été rendu obligatoire par l'article 92bis, § 4ter, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel que modifié par la loi spéciale du 5 mai 1993.
Le présent accord de coopération forme un tout avec les autres accords de coopération en matière de relations internationales dont la conclusion avait été prévue par la loi spéciale du 5 mai 1993.
L'Etat fédéral, les Communautés et les Régions sont parties au présent accord de coopération. Seules ces autorités peuvent prendre l'initiative de citer en justice une personne juridique de droit international public. L'article 81, § 7, concerné de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel que modifié par la loi spéciale du 5 mai 1993 ne s'applique pas à la Commission communautaire commune.
Le texte du présent accord de coopération a été préparé au sein d'un groupe de travail ad hoc, composé de représentants de l'Etat fédéral (Affaires étrangères et Justice), des Communautés et des Régions. Ledit groupe de travail fut présidé par le cabinet du Premier Ministre.
Commentaire des articles
Article 1er.
Cet article définit un certain nombre de notions qui figurent dans l'accord de coopération, ainsi que dans l'exposé des motifs.
Article 2.
Cet article délimite le champ d'application de l'accord de coopération.
Outre la Cour de Justice des Communautés européennes qui est explicitement mentionnée, l'accord de coopération couvre notamment la Cour européenne des Droits de l'Homme à Strasbourg, la Cour internationale de Justice à La Haye ou le panel dans le cadre du GATT.
Les règles prévues à l'accord de coopération sont d'application quelle que soit l'autorité qui prend l'initiative l'Etat fédéral ou les Communautés ou Régions.
Il y a lieu de souligner que l'accord de coopération ne porte que sur l'action et non pas sur la défense dans le cas où un Etat étranger ou une institution internationale ou supranationale introduit une action à l'encontre de la Belgique. L'article 16, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 peut s'appliquer à ces derniers cas.
Article 3.
La Conférence interministérielle de la politique étrangère, qui est l'organe de concertation de la politique étrangère de la Belgique fédérale, est l'instance la plus indiquée pour coordonner la procédure de citation.
La citation devant des juridictions internationales ou supranationales est souvent soumise à des délais stricts. Les règles de procédure contenues dans le présent accord de coopération ne peuvent nullement donner lieu à un dépassement des délais de citation. En vertu de l'alinéa 2 de cet article, le Président de la Conférence interministérielle est tenu de veiller à ce que les délais soient respectés. Dans cette optique, il est essentiel que le groupe de travail visé à l'article 4 et la Conférence interministérielle proprement dite se réunissent en temps utile.
L'avant-projet de citation doit être le plus exhaustif possible, étant donné que la demande ne peut être élargie en cours d'instance.
Article 4.
Cette disposition s'inspire de l'article 3 de l'accord de coopération intervenu entre l'Etat fédéral, les Communautés et les Régions relatif à la conclusion de traités mixtes.
Il convient de toute manière que l'Etat fédéral, les Communautés et les Régions délèguent, outre les représentants des membres permanents de la Conférence interministérielle, des représentants des départements compétents d'un point de vue technique. En ce qui concerne l'Etat fédéral, un représentant du Ministre de la Justice sera invité, outre le représentant du Ministère fédéral des Affaires étrangères, aux réunions de ce groupe de travail lorsqu'une autorité souhaite intenter une action devant la Cour des Droits de l'Homme à Strasbourg.
Article 5.
Le groupe de travail " citation " statue par la procédure du consensus entre tous les membres sur le caractère mixte du différend (§ 1). Seuls les représentants des autorités concernées doivent se prononcer sur l'opportunité de procéder à une citation ainsi que sur l'approbation ou l'adaptation éventuelle du texte de la citation (§ 2). Pour les raisons invoquées ci-dessus, il convient d'être le plus exhaustif possible lors de la rédaction du projet de citation.
Afin d'éviter une procédure trop longue (voir article 3, alinéa 2), l'article 5, § 3, permet un règlement rapide en cas de consensus.
Article 6.
Lorsque une citation devant la Cour des Droits de l'Homme à Strasbourg est examinée, le Ministre de la Justice sera invité à la réunion de la Conférence interministérielle (voir développements relatifs à l'article 7).
La Conférence interministérielle statue par la procédure du consensus entre tous les membres sur le caractère mixte du différend. Seuls les représentants des autorités concernées doivent se prononcer sur l'opportunité de procéder à une citation ainsi que sur l'approbation ou l'adaptation éventuelle du texte de la citation. Pour la raison invoquée ci-dessus, il convient d'être le plus exhaustif possible lors de la rédaction du projet de citation.
L'article 6, dernier alinéa, permet d'éviter que la procédure ne soit trop longue lorsqu'un différend dont on a estimé qu'il revêtait un caractère mixte, s'avère ultérieurement présenter un caractère exclusif.
Article 7.
En vertu de l'article 6, alinéa 2, de l'arrêté royal du 14 janvier 1954 portant le règlement organique du Ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, les Jurisconsultes de ce département sont compétents pour les questions relatives à la défense des intérêts de l'Etat devant les juridictions internationales.
Les frais liés à la citation, parmi lesquels l'envoi de lettres et les frais de déplacement éventuels du fonctionnaire mandaté, viennent à charge du Ministère dont il relève.
Article 8.
Il est évident que les honoraires d'un avocat viennent à charge de l'autorité (ou plus spécifiquement : du Ministère) qui a désigné l'intéressé.
Article 9.
Il convient de coordonner l'action du fonctionnaire mandaté et des représentants, ayant ou non la qualité d'avocat, d'autant plus que la possibilité de plaider devant la juridiction est souvent réservée à une seule personne.
Le groupe de travail " citation " de la Conférence interministérielle peut établir les directives du fonctionnaire mandaté.
Article 10.
A l'instar de la citation, l'abandon de l'action doit faire l'objet d'un consensus entre les autorités concernées.
Article 11.
Cet article s'inspire du dernier article des autres accords de coopération relatifs aux relations internationales.