Septante pour cent du droit de l'environnement applicable en
Région wallonne prend sa source dans le droit de l'Union
européenne, comme nous l'a mis en évidence le Professeur Mary
SANCY. Par règlements et directives, l'Union impose aux Etats et
Régions une mise en oeuvre correcte et conforme des dispositions
environnementales qu'elle édicte.
Si la transposition des règles communautaires en droit
régional est la première obligation qui incombe aux Etats
membres, l'application effective de celles-ci s'avère être le
seul critère déterminant pour constater le respect de leurs
obligations et pour assurer une protection effective de
l'environnement.
Parallèlement, au niveau international, l'idée du respect du
droit de l'environnement par le droit pénal s'affirme.
En Belgique, la réforme institutionnelle de 1980 a investi
les Régions de la compétence environnementale. En 1988, alors
que cette compétence était accentuée, les Régions pouvaient,
selon le prescrit de l'article 11 de la loi spéciale du 8 août
1980, ériger en infraction, dans le respect du titre Ier du code
pénal, les manquements aux dispositions qu'elles édictaient. Le
professeur François TULKENS a montré que l'interprétation
stricte que la Cour d'Arbitrage et la Cour de cassation ont
réservé à cette disposition avait abouti, de facto, à ne
reconnaître aux Régions qu'une compétence pénale extrêmement
limitée.
La loi de réforme institutionnelle du 16 juillet 1993 a
veillé à rétablir une réelle compétence régionale en la
matière. La Région wallonne en a fait usage dans le décret du
27 juillet 1996 relatif aux déchets. Se pose alors la question
de savoir comment cette compétence peut s'exprimer dans les
faits.
Monsieur l'Inspecteur Général, Serge GODFROID, a mis en
évidence le nombre important d'acteurs différents appelés à
intervenir dans le respect et le contrôle de l'environnement. Il
a habilement souligné les raisons et la manière de collaborer
pour atteindre, par le concours de chaque corps déterminé, une
action effective. Il a enfin souligné la nécessité d'oeuvrer
à l'aboutissement d'accord entre les administrations pour
qu'elles puissent établir des relations durables entre elles.
Madame l'Avocat Général, Marianne LEJEUNE, a su parfaitement
montrer comment exercer les nouvelles attributions reconnues aux
agents de la DGRNE chargés de la surveillance et du contrôle du
droit de l'environnement. Ainsi a-t-elle fort à propos rappelé
la méthode à laquelle le verbalisant doit se prêter. Qui est
l'auteur (est-il mineur, dément?), l'infraction est-elle
réglementaire ou suppose-t-elle un élément intentionnel,
est-elle instantanée, continue, successive... ? Y a-t-il
des causes de justification? Dans quel délai le PV doit-il être
notifié au prévenu? Comment s'effectuent les perquisitions?
Quels sont les actes interruptifs et suspensifs de la
prescription?... Cet exposé a mis en évidence la nécessité
pour les agents de se familiariser au droit pénal.
Monsieur David PAULET, attaché au Cabinet du Ministre LUTGEN,
a brossé les traits marquants du récent décret relatif aux
déchets. Ce texte est législativement
" historique " en ce qu'il est le fruit d'une
réflexion parlementaire profonde menée par la Commission
d'enquête qui avait été mise en place après l'affaire
Mellery, en ce qu'il a fait siennes les nouvelles compétences
pénales régionales et en ce qu'il a inauguré les nouvelles
voies de collaboration institutionnelles.
Les discussions qui ont suivi ont été soutenues et ont
parfaitement mis le doigt sur les difficultés à venir.
Principalement, l'autonomie certaine dont les fonctionnaires et
agents jouissent pour mener à bien leur mission énerverait-elle
l'obligation qui leur est faite de dénoncer sans délai les
infractions aux Procureurs du Roi? De cette contradiction
apparente se sont développées des hypothèses et la recherche
de solutions pour lesquelles la Gendarmerie et la Police
judiciaire ont apportés leur compétence éclairée.
Le vendredi fut, à l'instar de la veille, une journée riche
en enseignement et en réflexion. Nous avons parcouru le droit de
l'environnement dans son contexte technique, constatant à cette
occasion son champ d'application peu homogène.
Monsieur Pierre SAIGOT nous a invité à rôder autour des
établissements classés. Il a souligné le caractère peu
unifié des dispositions qui les concernent tout en mettant en
évidence que, déjà en 1888, le législateur avait conféré
aux agents chargés du contrôle des prérogatives importantes
telles que la rédaction des PV faisant foi jusqu'à preuve du
contraire, pénétrer sans mandat dans les établissements. Il
nous a permis de constater que les agents chargés du contrôle
avaient, à certains égards, des prérogatives plus importantes
que celles reconnues aux O.P.J., alors qu'ils ne sont pas
revêtus de la qualité d'O.P.J. .
Monsieur Arthur DEGEE a alors fait le point sur l'évolution
législative en la matière répondant par la même occasion aux
observations formulées à propos du RGPT. Le RGPE
(l'avant-projet de décret relatif aux établissements classés
pour la protection de l'environnement) est sur la table de
travail. Il simplifie les procédures, tente d'atteindre un
contrôle intégré de la pollution et harmonise les différentes
règles de contrôle, de mesure, de constatation des infractions.
Monsieur OPDECAMP nous a apporté une véritable méthode pour
appréhender deux domaines dont la complexité est légendaire:
l'eau et le sol. Il n'a pas manqué de mettre en lumière les
interactions entre ces deux éléments et les relations intimes
qui les lient avec la législation en matière de déchets. Nul
doute que son intervention constituera un outil didactique de
premier ordre pour assurer la surveillance, le contrôle de
l'environnement et prescrire les mesures nécessaires pour sa
sauvegarde.
Un brin de poésie nous a été conté par Monsieur NOE
lorsqu'il nous a parlé du décret sur la circulation en forêt.
Et pourtant, c'est de manière claire et rigoureuse qu'il a
passé en revue cette nouvelle réglementation dont on croit
" qu'elle a fermé les forêts " alors
" qu'elle l'a rendue plus accessible à tous dans le
respect du droit de chacun d'en jouir ". Convaincant
par cette alchimie du verbe, il nous a convaincu.
Monsieur le Substitut du Procureur du Roi de Dinant, Eric
STAUDT, a procédé à l'analyse, preuve à l'appui, de la loi du
12 janvier 1993 laquelle a introduit dans notre droit positif un
nouveau moyen d'action pour prendre les mesures adéquates afin
de conjurer les violations manifestes ou menaces graves de
violation d'une disposition environnementale. N'a-t-il pas
constaté que dans cette hypothèse " le civil tient le
criminel en état " et que, finalement, n'était-ce pas
là la constatation qu'une action pénale est souvent synonyme
d'un constat d'échec où les chances de remettre l'environnement
en sont pristin état sont aléatoires?
Et Monsieur l'avocat Général GHILAIN de répondre par un
réquisitoire magistral, enseignant par la même occasion à tous
ceux qui se trouvent de l'autre côté, en aval de l'instruction
pénale, la réalité des choses. De cette intervention, n'a-t-il
pas semblé que le Parquet avait en matière environnementale,
davantage de raisons d'intervenir au moment de la recherche des
infractions, dans l'observation du respect des mesures
préventives qu'au moment d'une condamnation et d'une exécution
de peine?
Pour conclure ces deux journées riches en enseignement, en
discussions constructives, animées et conviviales plusieurs
évidences s'imposent:
La surveillance, le contrôle et la recherche des infractions
ne peuvent se concevoir que si les agents régionaux investis de
cette mission, la police judiciaire, la gendarmerie, et la police
communale se coordonnent dans un esprit de collaboration. Un
protocole d'accord sera conclu dans ce cadre.
Plus tôt les prescriptions de mesures de réparation sont
envisagées, plus les chances de réparation des atteintes à
l'environnement en ce compris les personnes sont grandes.
Dans cette perspective, la pénalisation des actes réprimés
devient alors un moyen de pression pour contraindre le
contrevenant à s'amender le plus rapidement possible afin
d'éviter que la sanction pénale elle-même sorte ses effets.
Corrélativement, le contrôle du respect des procédures en
ce compris du droit de la défense est plus ténu.
Pour éviter cet effet pervers, le Parquet devrait être
informé de la matérialité des faits et des mesures
préconisées. Il devrait être davantage amené à conseiller
les intervenants et aurait une connaissance périodique sur
l'évolution de la situation. En fonction de cette évolution, le
Parquet serait en mesure d'évaluer l'opportunité des
poursuites.
Cette nouvelle approche préconisée suppose que se développe
un échange de connaissances techniques et juridiques concernant
l'environnement. Ici aussi, dresser les termes d'une
collaboration s'avère nécessaire.
Enfin et surtout s'est confirmée l'évidence que l'ensemble
des acteurs partagent le même souci du bien commun, de
l'efficacité de l'action publique et de la nécessité de faire
encore mieux.