RAPPORT D'ACTIVITE DE LA DPE : 1996


Conclusion du séminaire de formation des magistrats (21 et 22/11/1996)


Septante pour cent du droit de l'environnement applicable en Région wallonne prend sa source dans le droit de l'Union européenne, comme nous l'a mis en évidence le Professeur Mary SANCY. Par règlements et directives, l'Union impose aux Etats et Régions une mise en oeuvre correcte et conforme des dispositions environnementales qu'elle édicte.

Si la transposition des règles communautaires en droit régional est la première obligation qui incombe aux Etats membres, l'application effective de celles-ci s'avère être le seul critère déterminant pour constater le respect de leurs obligations et pour assurer une protection effective de l'environnement.

Parallèlement, au niveau international, l'idée du respect du droit de l'environnement par le droit pénal s'affirme.

En Belgique, la réforme institutionnelle de 1980 a investi les Régions de la compétence environnementale. En 1988, alors que cette compétence était accentuée, les Régions pouvaient, selon le prescrit de l'article 11 de la loi spéciale du 8 août 1980, ériger en infraction, dans le respect du titre Ier du code pénal, les manquements aux dispositions qu'elles édictaient. Le professeur François TULKENS a montré que l'interprétation stricte que la Cour d'Arbitrage et la Cour de cassation ont réservé à cette disposition avait abouti, de facto, à ne reconnaître aux Régions qu'une compétence pénale extrêmement limitée.

La loi de réforme institutionnelle du 16 juillet 1993 a veillé à rétablir une réelle compétence régionale en la matière. La Région wallonne en a fait usage dans le décret du 27 juillet 1996 relatif aux déchets. Se pose alors la question de savoir comment cette compétence peut s'exprimer dans les faits.

Monsieur l'Inspecteur Général, Serge GODFROID, a mis en évidence le nombre important d'acteurs différents appelés à intervenir dans le respect et le contrôle de l'environnement. Il a habilement souligné les raisons et la manière de collaborer pour atteindre, par le concours de chaque corps déterminé, une action effective. Il a enfin souligné la nécessité d'oeuvrer à l'aboutissement d'accord entre les administrations pour qu'elles puissent établir des relations durables entre elles.

Madame l'Avocat Général, Marianne LEJEUNE, a su parfaitement montrer comment exercer les nouvelles attributions reconnues aux agents de la DGRNE chargés de la surveillance et du contrôle du droit de l'environnement. Ainsi a-t-elle fort à propos rappelé la méthode à laquelle le verbalisant doit se prêter. Qui est l'auteur (est-il mineur, dément?), l'infraction est-elle réglementaire ou suppose-t-elle un élément intentionnel, est-elle instantanée, continue, successive... ? Y a-t-il des causes de justification? Dans quel délai le PV doit-il être notifié au prévenu? Comment s'effectuent les perquisitions? Quels sont les actes interruptifs et suspensifs de la prescription?... Cet exposé a mis en évidence la nécessité pour les agents de se familiariser au droit pénal.

Monsieur David PAULET, attaché au Cabinet du Ministre LUTGEN, a brossé les traits marquants du récent décret relatif aux déchets. Ce texte est législativement " historique " en ce qu'il est le fruit d'une réflexion parlementaire profonde menée par la Commission d'enquête qui avait été mise en place après l'affaire Mellery, en ce qu'il a fait siennes les nouvelles compétences pénales régionales et en ce qu'il a inauguré les nouvelles voies de collaboration institutionnelles.

Les discussions qui ont suivi ont été soutenues et ont parfaitement mis le doigt sur les difficultés à venir. Principalement, l'autonomie certaine dont les fonctionnaires et agents jouissent pour mener à bien leur mission énerverait-elle l'obligation qui leur est faite de dénoncer sans délai les infractions aux Procureurs du Roi? De cette contradiction apparente se sont développées des hypothèses et la recherche de solutions pour lesquelles la Gendarmerie et la Police judiciaire ont apportés leur compétence éclairée.

Le vendredi fut, à l'instar de la veille, une journée riche en enseignement et en réflexion. Nous avons parcouru le droit de l'environnement dans son contexte technique, constatant à cette occasion son champ d'application peu homogène.

Monsieur Pierre SAIGOT nous a invité à rôder autour des établissements classés. Il a souligné le caractère peu unifié des dispositions qui les concernent tout en mettant en évidence que, déjà en 1888, le législateur avait conféré aux agents chargés du contrôle des prérogatives importantes telles que la rédaction des PV faisant foi jusqu'à preuve du contraire, pénétrer sans mandat dans les établissements. Il nous a permis de constater que les agents chargés du contrôle avaient, à certains égards, des prérogatives plus importantes que celles reconnues aux O.P.J., alors qu'ils ne sont pas revêtus de la qualité d'O.P.J. .

Monsieur Arthur DEGEE a alors fait le point sur l'évolution législative en la matière répondant par la même occasion aux observations formulées à propos du RGPT. Le RGPE (l'avant-projet de décret relatif aux établissements classés pour la protection de l'environnement) est sur la table de travail. Il simplifie les procédures, tente d'atteindre un contrôle intégré de la pollution et harmonise les différentes règles de contrôle, de mesure, de constatation des infractions.

Monsieur OPDECAMP nous a apporté une véritable méthode pour appréhender deux domaines dont la complexité est légendaire: l'eau et le sol. Il n'a pas manqué de mettre en lumière les interactions entre ces deux éléments et les relations intimes qui les lient avec la législation en matière de déchets. Nul doute que son intervention constituera un outil didactique de premier ordre pour assurer la surveillance, le contrôle de l'environnement et prescrire les mesures nécessaires pour sa sauvegarde.

Un brin de poésie nous a été conté par Monsieur NOE lorsqu'il nous a parlé du décret sur la circulation en forêt. Et pourtant, c'est de manière claire et rigoureuse qu'il a passé en revue cette nouvelle réglementation dont on croit " qu'elle a fermé les forêts " alors " qu'elle l'a rendue plus accessible à tous dans le respect du droit de chacun d'en jouir ". Convaincant par cette alchimie du verbe, il nous a convaincu.

Monsieur le Substitut du Procureur du Roi de Dinant, Eric STAUDT, a procédé à l'analyse, preuve à l'appui, de la loi du 12 janvier 1993 laquelle a introduit dans notre droit positif un nouveau moyen d'action pour prendre les mesures adéquates afin de conjurer les violations manifestes ou menaces graves de violation d'une disposition environnementale. N'a-t-il pas constaté que dans cette hypothèse " le civil tient le criminel en état " et que, finalement, n'était-ce pas là la constatation qu'une action pénale est souvent synonyme d'un constat d'échec où les chances de remettre l'environnement en sont pristin état sont aléatoires?

Et Monsieur l'avocat Général GHILAIN de répondre par un réquisitoire magistral, enseignant par la même occasion à tous ceux qui se trouvent de l'autre côté, en aval de l'instruction pénale, la réalité des choses. De cette intervention, n'a-t-il pas semblé que le Parquet avait en matière environnementale, davantage de raisons d'intervenir au moment de la recherche des infractions, dans l'observation du respect des mesures préventives qu'au moment d'une condamnation et d'une exécution de peine?

Pour conclure ces deux journées riches en enseignement, en discussions constructives, animées et conviviales plusieurs évidences s'imposent:

La surveillance, le contrôle et la recherche des infractions ne peuvent se concevoir que si les agents régionaux investis de cette mission, la police judiciaire, la gendarmerie, et la police communale se coordonnent dans un esprit de collaboration. Un protocole d'accord sera conclu dans ce cadre.

Plus tôt les prescriptions de mesures de réparation sont envisagées, plus les chances de réparation des atteintes à l'environnement en ce compris les personnes sont grandes.

Dans cette perspective, la pénalisation des actes réprimés devient alors un moyen de pression pour contraindre le contrevenant à s'amender le plus rapidement possible afin d'éviter que la sanction pénale elle-même sorte ses effets.

Corrélativement, le contrôle du respect des procédures en ce compris du droit de la défense est plus ténu.

Pour éviter cet effet pervers, le Parquet devrait être informé de la matérialité des faits et des mesures préconisées. Il devrait être davantage amené à conseiller les intervenants et aurait une connaissance périodique sur l'évolution de la situation. En fonction de cette évolution, le Parquet serait en mesure d'évaluer l'opportunité des poursuites.

Cette nouvelle approche préconisée suppose que se développe un échange de connaissances techniques et juridiques concernant l'environnement. Ici aussi, dresser les termes d'une collaboration s'avère nécessaire.

Enfin et surtout s'est confirmée l'évidence que l'ensemble des acteurs partagent le même souci du bien commun, de l'efficacité de l'action publique et de la nécessité de faire encore mieux.

(Synthèse rédigée par M. Stéphane NICOLAS,
Conseiller au Cabinet du Ministre LUTGEN)
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