RAPPORT D'ACTIVITE DE LA DPE : 1995


DIRECTIONS EXTÉRIEURES


TROIS ACTIONS SIGNIFICATIVES DE LA DIRECTION DE NAMUR-LUXEMBOURG

1. Les contrôles des exploitations agricoles ou comment les petits ruisseaux font les grandes rivières

Vu le caractère rural des deux provinces contrôlées par notre direction, les exploitations agricoles représentent une partie importante des plaintes reçues.

Les installations ont été autorisées via une procédure particulière en 1977, à savoir, une simple déclaration d'existence dont les communes ont pris acte. Toutes ces exploitations ayant introduit leurs demandes en même temps, aucun contrôle réel des installations n'avait été possible à l'époque. Il s'ensuit que les fermes que nous visitons actuellement reçoivent pour la plupart leur premier réel contrôle.

Les situations rencontrées sont souvent les mêmes: fumière non conforme (pas de murets et pas d'étanchéité), pas de collecte des jus (purin) et rejet immédiat soit dans la rigole de la rue, soit dans le ruisseau avoisinant, soit dans un puits perdant. Toutes ces situations sont très préjudiciables à la qualité des eaux de surface ou des eaux souterraines.

La réaction des agriculteurs est souvent bonne et leur volonté de collaborer et de mettre leurs installations en règle est réelle.

Pour peu qu'on leur laisse un délai raisonnable, ils réalisent les travaux demandés. De très nombreux cas, même s'ils nécessitent des investissements non négligeables (300.000 à 500.000 francs), se résolvent en moins d'un an et ne nécessitent aucune mesure coercitive.

Il en est malheureusement parfois autrement; le cas qui suit est exemplatif de ce qui attend les quelques irréductibles.

En avril 1994, une administration communale nous fait part de la liste des agriculteurs qui posent régulièrement problèmes en ce qui concerne l'environnement. Toutes ces fermes sont contrôlées. En août 1994, il est constaté qu'une de celles-ci n'est pas autorisée, qu'elle rejette directement du purin dans les égouts publics, que la fumière est non conforme et que toute l'exploitation est dans un désordre inimaginable. Le cheptel est composé de plus de 96 têtes.

Malgré d'autres visites effectuées en septembre et en novembre 1994, ainsi que plusieurs courriers émanant tant de la commune que de notre service et expliquant à l'exploitant les impositions légales, la situation n'évolue pratiquement pas. La mauvaise volonté est de plus en plus manifeste.

Après un dernier rappel, il est décidé de transmettre le dossier au Procureur du Roi en espérant que, comme c'est souvent le cas, ceci provoquera un changement d'attitude de l'exploitant. Rien n'y fait.

Un dernier délai est signifié par la commune, faute de quoi les scellés seront placés sur l'exploitation. En juillet 1995, les scellés sont donc placés sur le dépôt de fumier et sur l'étable, ceci en parfaite collaboration avec la commune.

L'exploitant a, par la suite, demandé une levée provisoire des scellés pour évacuer une partie du fumier et l'épandre sur ses champs, il s'est engagé à respecter un délai d'une semaine. Force a été de constater qu'à la fin du délai, le tas de fumier n'avait pas diminué, au contraire. Les scellés ont donc été replacés.

Par une action en référé, introduite auprès du tribunal d'Arlon, l'exploitant a sollicité la levée des scellés pour raison économique. Le tribunal a déclaré la demande recevable, mais non fondée. Les scellés sont donc toujours en place. Dans ses attendus, le tribunal a souligné la procédure progressive appliquée à la fois par la commune et par la Région wallonne et les délais donnés à l'exploitant pour régulariser sa situation.

Heureusement, comme souligné au début, la plupart des agriculteurs ont une autre attitude. Cependant maintenant, toute la région sait que la D.P.E. va, si nécessaire, jusqu'au bout de ses actions.

2. Un transfert illégal de déchets en provenance d'Allemagne

Le 22 décembre 1994, sur une demande d'avis d'une association de transporteurs, la Direction de Namur de la D.P.E. ouvre une enquête concernant une importation de déchets venant d'Allemagne. Immédiatement, un dépôt de déchets de divers types est identifié (poudre de caoutchouc, feuilles de caoutchouc non vulcanisé, vieux pneus et joints d'étanchéité, mais aussi déchets en poudre de meulage de disque de freins, noir de carbone usagé,...). Le dépôt est situé dans un site industriel désaffecté, en voie de reconversion.

Des analyses réalisées, il ressort que certains déchets sont à tout le moins dangereux, au vu de certains critères: présence de métaux lourds, de cyanures, état dispersible et pulvérulent,...

L'exploitant ne dispose d'aucune autorisation: ni pour un dépôt de déchets banals ou dangereux, ni pour une installation de traitement, ni pour aucun transfert transfrontalier de déchets.

Le 20 janvier 1995, les scellés sont apposés sur le hangar de stockage afin de faire cesser le trafic illégal. Commence alors une longue enquête, menée.en collaboration avec la brigade de Gendarmerie de Namur. Après avoir identifié les différentes firmes allemandes impliquées dans le trafic, la D.P.E. prend contact avec les autorités compétentes allemandes (lander par lander) pour suite d'enquête sur place.

Dans la majorité des cas, des réponses satisfaisantes, même si elles étaient tardives, ont été recues et divers cas d'infraction aux dispositions du Règlement CEE 259/93 du 1er février 1993 ont été reconnus par les autorités d'exportation.

De son côté, la Brigade de Gendarmerie de Namur prend contact, via Interpol, avec les services de police allemands.

En mai 1995, le Parquet de Namur met le dossier à l'instruction et diverses perquisitions sont effectuées chez l'exploitant et chez d'autres personnes liées à ce trafic.

En août 1995, la Direction de Namur de la D.P.E. clôture le dossier et le transmet à la cellule de Politique générale de la D.G.R.N.E. afin que celle-ci organise le retour des déchets vers leur pays d'origine, conformément à l'article 26,2° du Règlement CEE 259/93. Depuis lors, la situation n'a pas évolué: les déchets se trouvent toujours dans le hangar, sous scellés...

L'organisation du retour des déchets ne sera pas chose aisée: il faudra rendre à César, ce qui appartient à César... et dans le capharnaüm qui règne dans le hangar, un chat n'y retrouvait pas ses jeunes... alors, chaque société y retrouvera-t-elle ses propres déchets ?

Ce dossier est exemplatif à divers titres:

Le trafic illégal a cessé..., mais ne s'agit-il pas là de la partie visible d'un iceberg ?... Il y a deux jours que la gendarmerie de Namur a été interpellée pour enquête concernant un autre trafic de déchets contenant des PCB et orchestré par le même exploitant !

3. Contrôle des imprimeries des provinces de Namur et de Luxembourg

Suite à diverses plaintes parvenues en 1993 et 1994 au sein de notre service et concernant particulièrement des imprimeries (déversement d'eaux usées, bruit et odeurs, incinération de déchets,...), la direction de la D.P.E. de Namur a décidé d'étendre le contrôle de ces quelques entreprises en cause, à tout le secteur des imprimeries des provinces de Namur et de Luxembourg et de réaliser par conséquent, un contrôle systématique sectoriel.

152 imprimeries ont de ce fait été contrôlées, tant au niveau de l'autorisation d'exploiter et des conditions y imposées, que du point de vue de la gestion des déchets et des eaux usées.

La principale infraction relevée lors de notre contrôle est l'absence d'autorisation d'exploiter: sur les 152 imprimeries répertoriées, seulement 42 possédaient un permis d'exploiter en ordre.

Ce pourcentage élevé d'absences d'autorisation d'exploiter (soit 72 %) s'explique principalement par un manque d'information vis-à-vis de la législation d'une manière générale, et du R.G.P.T., en particulier. Il faut préciser que la majorité des imprimeries contrôlées sont des entreprises familiales remises de père en fils et exploitées parfois depuis des décennies.

L'évacuation des déchets dangereux non conforme à la législation en vigueur constitue la deuxième infraction importante soulevée lors de notre contrôle sectoriel. Quelques infractions pour absence d'autorisation de déversement d'eaux usées ont également été relevées.

Au terme de ce contrôle d'un secteur principalement caractérisé par des petites unités de type artisanal, des ateliers familiaux et quelques entreprises de plus grande production, nous pouvons conclure à une méconnaissance générale de la législation environnementale de la part de la profession. Ceci explique le nombre élevé d'infractions (principalement vis-à-vis du R.G.P.T. et de l'évacuation des déchets).

Néanmoins, la bonne volonté manifestée par les exploitants a permis une régularisation significative vis-à-vis de cette même législation, la plupart des entreprises ont introduit leur demande de permis d'exploiter et ont décidé de recourir à des collecteurs et/ou éliminateurs agréés pour leurs déchets. Seuls deux irréductibles n'ont pas encore obtempéré à nos mises en demeures, leurs dossiers ont été transmis au Procureur du Roi.