L'utilité et la protection légale des batraciens
Quatorze espèces de batraciens (aussi appelés amphibiens) vivent en Wallonie. Vous connaissez sans doute les plus courantes d'entre elles: crapaud commun, grenouille rousse, tritons alpestres, ponctués et palmés; peut être avez-vous aussi entendu le chant de la grenouille verte ou avez-vous rencontré la salamandre, déjà plus rare. Tous sont des animaux assez discrets à tel point que l'on ignore souvent leur présence. Pourtant, ils jouent un rôle non négligeable dans l'équilibre écologique de notre environnement, puisqu'ils sont un maillon important de la chaîne alimentaire. Les batraciens adultes sont des prédateurs inconditionnels de tous les petits invertébrés: limaces, vers, cloportes, fourmis et autres insectes sont leurs mets quotidiens, au grand bénéfice de nos cultures. Les batraciens sont eux-mêmes la proie de quelques oiseaux et mammifères (héron, corneille, chouette, putois...), tandis que leurs larves et têtards sont une nourriture de choix pour les poissons et pour bien d'autres animaux aquatiques (notamment les larves de libellules... libellules qui, à leur tour, dévoreront quantité d'insectes volants, moustiques par exemple). Si les amphibiens venaient à disparaître, ce fragile équilibre entre proies et prédateurs serait assurément perturbé.
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Or les effectifs de la plupart des espèces sont en baisse et certaines espèces ont même récemment disparu de nos régions. Pourquoi ? La cause principale est la destruction des milieux qu'ils habitent: remblai de points d'eau ou de zones humides, curage mécanique des fossés, aménagement des berges des étangs, pollution des eaux... Viennent s'y ajouter d'autres facteurs, notamment la mortalité sur les routes.
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Pour tenter de protéger nos amphibiens, diverses dispositions légales ont été prises dans les trois régions du pays. Voyons celles qui sont applicables en Région Wallonne. |
Une première série d'arrêtés vise la protection de nos espèces indigènes. Elle interdit de « chasser, tuer , capturer, détenir en captivité ou perturber intentionnellement » les batraciens et reptiles à tous les stades de leur développement. En outre, il est interdit de les «transporter, céder à titre gratuit ou onéreux » et « d'endommager ou détruire intentionnellement leurs oeufs, habitats ou refuges ». De plus, « naturaliser, collectionner ou vendre des exemplaires trouvés blessés, malades ou morts » est interdit. |
Point n'est besoin d'expliquer longuement les raisons de ces interdictions: sont interdits tous les actes qui pourraient porter atteinte à nos populations de batraciens. Signalons toutefois que cet arrêté implique l'interdiction de déplacer les animaux d'un lieu à l'autre, même naturel! Voilà qui pourrait surprendre, puisque tant de personnes n'hésitent pas à introduire dans leur jardin grenouilles, tritons ou têtards... Elles sont dans l'illégalité!
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Il faut savoir que chaque animal a des exigences écologiques propres qu'il ne retrouvera peut être pas dans le site neuf où vous l'avez déplacé. Il n'y survivra peut-être pas. De plus, la plupart des batraciens adultes sont fidèles à leur lieu de reproduction. Il n'est. donc pas sûr du tout que les animaux que vous avez prélevés resteront là où vous les placez... Non seulement vous avez appauvri la population dans laquelle le prélèvement a été fait, mais de plus, ce prélèvement sera fait en pure perte! Enfin, pour des raisons scientifiques, il n'est pas souhaitable de contribuer au mélange génétique de populations géographiquement séparées. |
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Des dérogations sont prévues à ces dispositions. Ce sont :
* « la capture et le déplacement à brève distance d'animaux menacés d'un danger vital immédiat résultant d'une activité humaine, à condition que l'animal soit déposé immédiatement dans un milieu similaire naturel proche de celui où il a été trouvé ».
* l'autorisation de capturer et tuer des «grenouilles rousses ou vertes adultes » par les personnes disposant d'un permis de capture; ceci en respectant des conditions assez strictes (uniquement sur certains étangs privés, en dehors de la période du 15 février au 15 juillet et entre le lever et le coucher du soleil). Cette autorisation s'accompagne de possibilités de commercialisation.
* l'autorisation de capturer et de transporter les «têtards de grenouilles rousses et vertes, à des fins pédagogiques dans l' enseignement » .
* De plus, des dérogations temporaires peuvent être décidées par le Ministre de la Conservation de la Nature, uniquement pour des « motifs scientifiques ou pour la sauvegarde de l'intérêt général ou local ».
Il importe que l'usage des dérogations soit strictement contrôlé sous peine qu'elles n'ouvrent la porte à tous les abus. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne la capture des grenouilles vertes et rousses. Par ailleurs, la dérogation pour la capture et le transport (pas l' élevage !) de têtards de grenouilles rousses et vertes est bien difficile à contrôler! Qui distinguera ces têtards-là des autres ? Mieux vaudrait d'ailleurs réserver cette dérogation aux têtards du crapaud commun, bien moins menacé que la grenouille verte.
Nous conseillons donc aux enseignants de ne pas abuser de cette possibilité qui leur est offerte et de toujours relâcher les animaux sur leur lieu de capture, après observation.
Signalons que les opérations de sauvetage de batraciens le long des routes, lors des migrations, ne nécessitent pas de demande d'autorisation puisque l'une des dérogations vise les animaux menacés par les activités humaines.
Une autre mesure de protection consiste en l'interdiction d'introduire des espèces non indigènes. L'arrêté de l'Exécutif Régional Wallon du 29 novembre 1990 (Moniteur belge du 26 avril 1991) interdit «la mise en liberté dans la nature des espèces animales non indigènes et leur introduction dans les parcs à gibier ». Une liste des amphibiens indigènes a été arrêtée par le Conseil Supérieur Wallon pour la Conservation de la Nature. La voici : |
Amphibiens indigènes :
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Salamandre terrestre |
Salamandra salamandra |
Triton alpestre |
Triturus alpestris |
Triton crête |
Triturus cristatus |
Triton palmé |
Triturus helveticus |
Triton vulgaire |
Triturus vulgaris |
Crapaud accoucheur |
Alytes obstetricans |
Sonneur à pieds épais |
Bombinavariega'ta |
Pélodyte ponctué |
Pelodytes punctatus |
Pélobate brun |
Pelobates fuscus |
Rainette arboricole |
Hyla arborea |
Crapaud commun |
Bufo bufo |
Crapaud des joncs |
Bufo calamita |
Grenouille rousse |
Rana temporaria |
Grenouille verte |
Rana esculenta |
Petite Grenouille verte |
Rana lessonae |
Grenouille agile |
Rana dalmatina |
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Pourquoi interdire les introductions ? Il faut savoir que certaines espèces non indigènes peuvent s'acclimater dans nos régions et concurrencer dangereusement les espèces de chez nous. Tel est le cas des grenouilles rieuses et de Perez, souvent distribuées par des marchands de plantes aquatiques pour être placées (illégalement) dans les mares de jardin. Ces deux grenouilles vertes (Ranaridibunda et Rana Perezi), très semblables aux nôtres, sont originaires du sud ou du centre de l'Europe. Les distinguer de nos grenouilles vertes (Ranaesculenta et Rana lessonae) n'est pas simple pour un public non averti. Pourquoi donc interdire leur mise en liberté dans la nature, et en particulier dans nos jardins (jardins dont elles peuvent s'échapper) ?
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Un premier motif est d'ordre scientifique. Les grenouilles rieuses et de Perez s'hybrident avec nos populations indigènes, entraînant une pollution génétique de celles-ci. Il semble même que, là où elle s'installe, la grenouille rieuse supplante les espèces wallonnes. C'est d'autant plus regrettable que la phylogénie des diverses espèces de grenouilles vertes est complexe et n'est sans doute pas totalement élucidée. Une autre raison est plus pragmatique. Ces animaux introduits ont été prélevés à l'étranger, ce qui peut constituer une menace pour les populations de là-bas; ces prélèvements sont d'autant moins admissibles que leur but est de satisfaire un engouement passager du public, sans aucune préoccupation de protection de la nature. |
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Voici quelques photos de batraciens. Quatre espéces en voie de disparition font partie d'un programme de réintroduction aux Marais d'Hurtebise. Des biotopes spécifiques y seront aménagés en vue de leur adaptation en leur milieu. Une autorisation est cependant nécessaire auprés du Ministére de l'agriculture, tous les batraciens étant protégés.
Cliquez sur les photos pour les agrandir!
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