1. Objet de la circulaire
La présente circulaire a pour objet de fournir aux agents du Département de la Nature et des Forêts (DNF), ainsi qu'à ceux de l'Unité anti-braconnage (UAB) du Département de la Police et des Contrôles (DPC), un commentaire explicatif et des directives concernant l'interdiction légale de la chasse du grand gibier dans les territoires clôturés.
Les dispositions de la législation sur la chasse qui organisent cette interdiction ont fait au fil du temps l'objet d'interprétations en sens divers et, pendant très longtemps, d'un certain attentisme au niveau de leur application sur le terrain. Cette situation est notamment due aux recours introduits au Conseil d'Etat en 1999 par certains propriétaires privés et des associations défendant leurs intérêts [1] et à l'adoption en octobre 2000 d'une circulaire ministérielle [2] controversée quant à l'interprétation donnée par celle-ci à la définition du territoire clôturé.
Il importe aujourd'hui que l'ensemble des agents chargés de la police de la chasse aient la même compréhension de ces dispositions légales et adoptent vis-à-vis de celles-ci la même attitude concernant leur application sur le terrain. Cela n'enlève évidemment rien au fait que l'interprétation de ces dispositions revient en définitive aux parquets et tribunaux.
2. Références légales et jurisprudentielles
2.1. Références légales
- loi du 28 février 1882 sur la chasse :
* article 1er, § 1er, 10°, inséré par l'article 1er du décret du 14 juillet 1994 (Moniteur belge du 28 septembre 1994);
* article 2ter, inséré par l'article 10 du décret précité;
- arrêté du Gouvernement wallon du 3 juin 1999 déterminant la hauteur des clôtures visées à l'article 2ter, alinéa 2, de la loi du 28 février 1882 sur la chasse (Moniteur belge du 10 juillet 1999).
2.2. Références jurisprudentielles
- jugement du 18 octobre 2006 du tribunal de première instance de Verviers, 10e chambre correctionnelle :
- arrêt n° 198.192 du 24 novembre 2009 du Conseil d'Etat;
- arrêt du 4 octobre 2011 de la cour d'appel de Liège, 4e chambre correctionnelle;
- arrêt du 22 février 2012 de la Cour de Cassation.
3. Rappel du contexte
Comme tous les êtres vivants, les grands gibiers doivent disposer de nourriture pour s'alimenter, de couvert pour s'abriter et de partenaires en nombre suffisant pour assurer leur descendance.
L'espace nécessaire à un individu pour satisfaire l'ensemble de ses besoins constitue ce que l'on appelle son domaine vital. Suivant les espèces, l'individu le partagera en totalité, pas du tout, ou en partie avec des représentants de sa propre espèce. Ce partage peut être permanent ou saisonnier, exclusif d'un sexe ou d'une classe d'âge ou non.
Chez l'espèce chevreuil, le domaine vital d'un individu est de quelques dizaines d'hectares au plus. Chez l'espèce cerf, ce domaine vital est de 700 à 1 500 ha pour une biche et de 1 500 à 5 000 ha, voire davantage, pour un cerf. Chez l'espèce sanglier, le domaine vital est de 500 à 5 000 ha pour les femelles et de 1 500 à 10 000 ha pour les mâles. Il s'agit là d'ordres de grandeur donnés à titre purement indicatif, la taille des domaines vitaux pouvant s'écarter de ces chiffres en fonction notamment de la richesse du milieu ou de la quiétude.
Le développement inévitable de l'urbanisation et des voies de communication a exercé au fil du temps une pression sur le domaine vital des animaux grands gibiers. Ceux-ci ne peuvent parfois plus satisfaire leurs besoins alimentaires qu'en surexploitant les ressources disponibles à l'intérieur de la forêt, laquelle constitue aujourd'hui la majeure partie de leurs domaines vitaux.
Le phénomène s'est accentué ces dernières décennies avec l'accroissement considérable des populations de grand gibier et la pénétration du public en forêt qui a mis à mal la quiétude des animaux.
Constatant que cette situation est encore accentuée localement par la présence en forêt de multiples clôtures entravant le déplacement des grands gibiers entre territoires de chasse [3], le législateur wallon a souhaité agir à ce niveau à l'occasion de l'adoption du décret du 14 juillet 1994 modifiant la loi sur la chasse du 28 février 1882.
4. Commentaires des dispositions légales
4.1. Article 1er, § 1er, 10°, et article 2ter, alinéa 1er, de la loi sur la chasse
Afin d'encourager le démantèlement des clôtures dans les territoires de chasse, le législateur wallon a donc décidé d'interdire la chasse au grand gibier dans les territoires clôturés [4] (cf. article 2ter de la loi sur la chasse, alinéa 1er) et il a défini le territoire clôturé comme suit : "tout territoire ou partie de territoire délimité de manière permanente ou temporaire par un ou plusieurs obstacles empêchant le libre parcours de toute espèce de grand gibier" (cf. article 1er, § 1er, 10°, de la loi sur la chasse).
Commentaire :
Il importe de rappeler que ce qui est sanctionné c'est le fait de chasser le grand gibier à l'intérieur d'un territoire clôturé et donc de poser un acte de chasse.
La définition de l'acte de chasse est large et est reprise dans l'article 1er, § 1er, de la loi sur la chasse du 28 février 1882 "L'action consistant à capturer ou tuer un gibier, de même que celle consistant à le rechercher ou le poursuivre à ces fins".
Les règles de la complicité et de la corréité (co-auteur) sont applicables : peuvent donc être sanctionnés non seulement le chasseur sensu stricto, mais également tous ceux qui collaborent à l'acte de chasse (traqueurs, organisateurs de la battue, qui ont parfaitement connaissance du fait qu'ils pratiquent la chasse sur un territoire clôturé).
Celui qui a édifié la clôture n'est pas nécessairement coupable de l'infraction; il ne peut être déclaré tel, que s'il est établi qu'il a sciemment édifié cette clôture pour faciliter la chasse et retenir le gibier dans le territoire visé.
Quant à la définition du territoire clôturé énoncée à l'article 1er, § 1er, 10°, de la loi sur la chasse, elle appelle les commentaires suivants :
a) la notion de "libre parcours" implique que le grand gibier doit pouvoir se déplacer en tout temps et sans contrainte inutile pour pouvoir rejoindre directement les endroits où il pourrait s'alimenter, s'abriter et se reproduire.
En effet, suivant la définition du territoire clôturé, des obstacles même temporaires entrent en ligne de compte pour déterminer le caractère "clôturé" d'un territoire [5]. Par ailleurs, nul besoin que le territoire soit entièrement clos pour être considéré comme clôturé, puisque la définition fait référence au cas d'un territoire en partie délimité par un ou plusieurs obstacles. Du reste, l'existence possible, suivant la définition, de plusieurs obstacles implique aussi une éventuelle interruption entre ceux-ci [6].
Cela étant, un obstacle de quelques mètres voire de quelques dizaines de mètres ne gêne guère le déplacement des grands gibiers. Inversément, une ouverture de quelques mètres dans une clôture de plusieurs centaines de mètres n'enlève pas grand chose au fait que cette clôture gêne incontestablement le grand gibier au niveau de ses déplacements.
L'obstacle doit donc être significatif, en sorte qu'il paraît cohérent de ne pas prendre a priori en considération l'existence d'une clôture d'une longueur inférieure à 300 mètres et distante, de tout autre tronçon de clôture, d'une longueur minimale de 100 mètres.
Une clôture d'une longueur inférieure à 300 mètres peut toutefois être considérée comme un obstacle au libre parcours du grand gibier :
- si elle n'existait pas à la date de la signature de la présente circulaire, ou si elle a été (ré)allongée (ou remontée à plus d' 1,20 m) après cette date;
- si elle fait l'objet d'une plainte du titulaire du droit de chasse voisin qui estime que telle qu'elle est installée et en raison de la configuration des lieux, cette clôture n'a d'autre but que d'empêcher les animaux de pénétrer sur sa chasse;
b) il suffit que le libre parcours d'une seule espèce de grand gibier [7] soit entravé d'une manière ou d'une autre pour que le territoire soit considéré comme clôturé et, partant, que la chasse de tous les grands gibiers y soit interdite;
c) la définition du territoire clôturé ne précise pas la nature des obstacles empêchant le libre parcours du grand gibier. C'est donc une question de fait, à apprécier sur le terrain au cas par cas [8].
Mais ce n'est aussi qu'une question de fait. En effet, l'intention importe peu : l'objectif poursuivi par l'existence de la clôture ne doit donc pas nécessairement être celui d'entraver la libre circulation du gibier. Ainsi, la clôture ne doit pas nécessairement être dressée par le chasseur ou à la demande du chasseur : elle peut être le fait de tiers en concertation ou non avec le chasseur. Par conséquent, s'il y a dans les faits entrave à la libre circulation du grand gibier, le territoire est clôturé au sens de la loi sur la chasse.
4.2. Article 2ter, alinéa 2, de la loi sur la chasse et arrêté du Gouvernement wallon du 3 juin 1999 déterminant la hauteur des clôtures visée par l'article 2ter, alinéa 2, de la loi sur la chasse.
L'article 2ter, alinéa 1er, de la loi énonce une règle générale (l'interdiction de la chasse au grand gibier dans les territoires clôturés).
Le législateur wallon a toutefois prévu une dérogation à cette règle générale en précisant que les territoires ou parties de territoire délimités uniquement par des clôtures installées pour la sécurité des personnes ou pour la protection des cultures et le maintien du bétail, n'étaient pas concernés par cette interdiction de la chasse au grand gibier (cf. article 2ter de la loi sur la chasse, alinéa 2). En d'autres termes, le législateur wallon a reconnu que le maintien (ou l'installation) de ces clôtures pouvait être indispensable dans certaines circonstances et prenait alors le pas sur la nécessité d'assurer le libre parcours du grand gibier.
Dans ce cadre, il a habilité le Gouvernement à fixer la hauteur des clôtures concernées, compte tenu des objectifs - sécurité, protection des cultures ou maintien du bétail - que leur maintien (ou leur installation) entendait poursuivre.
Cette hauteur a été fixée par le Gouvernement à 1,20 m maximum pour la protection des cultures et le maintien du bétail et à 5 m maximum pour la sécurité des personnes (cf. arrêté du Gouvernement wallon du 3 juin 1999, article 1er).
Commentaire :
En fixant une hauteur maximale de 1,20 m pour les clôtures de protection des cultures, le Gouvernement de l'époque a clairement indiqué que le maintien ou l'installation de ces clôtures ne se justifiait véritablement que pour éviter les seuls dégâts de sangliers.
Pour ce qui concerne les clôtures assurant la sécurité des personnes, diverses situations peuvent être prises en considération : clôtures entourant des installations militaires, clôtures entourant des carrières, clôtures situées le long d'autoroutes,... Le Gouvernement n'avait au départ pas jugé utile de fixer formellement une hauteur maximale pour ce type de clôture. C'est pour répondre à une objection du Conseil d'Etat qu'il l'a finalement fixée arbitrairement à 5 m.
Pour bénéficier de la non-application de l'interdiction de chasser le grand gibier prévue par l'alinéa 2 de l'article 2ter de la loi sur la chasse, il faut que l'installation de la clôture se justifie par une raison objective - la protection des cultures par exemple - la hauteur seule n'étant pas suffisante en soi. Le simple fait pour une clôture délimitant un territoire - ou une partie de territoire - de ne pas avoir une hauteur de plus de 1,2 m ne signifie donc pas pour autant qu'elle ne pose aucun problème. Cela reviendrait à admettre qu'elle est censée jouer d'office un rôle de protection des cultures ou de maintien du bétail. Or si une clôture de 1,2 m de haut [9], placée le long d'une plaine, est effectivement à considérer comme une clôture de protection, la même clôture installée au sein d'un massif boisé, où elle ne sert qu'à délimiter le territoire de chasse en tentant d'y maintenir les sangliers, ne l'est assurément plus.
4.3. Article 8 de la loi sur la chasse
L'article 8 prohibe notamment l'utilisation d'engins propres à faciliter la prise ou la destruction du gibier. Cette disposition est pratiquement aussi ancienne que la loi sur la chasse. Dans certaines circonstances particulières, une clôture peut éventuellement être qualifiée d'engin prohibé par l'article 8.
Commentaire :
Les clôtures peuvent être qualifiées d'engins au sens de l'article 8 de la loi uniquement lorsqu'elles servent véritablement et intentionnellement à "guider" le gibier traqué vers un passage obligé où il sera aisé de le tirer (principe de "l'entonnoir"). De telles clôtures sont généralement installées à dessein par le titulaire de droit de chasse lui-même.
Par contre, une simple clôture délimitant un territoire de chasse (ou une partie de territoire de chasse) ne constitue pas en soi un engin au sens de l'article 8 de la loi sur la chasse, au motif que cette clôture jouerait un rôle en vue de retenir le gibier sur le territoire de chasse. La présence d'une clôture à proximité de certains postes de tir ne pose pas non plus de problème vis-à-vis de cet article 8.
Par ailleurs, dans la mesure où le service exige lui-même l'enlèvement de tronçons de clôtures non justifiés par la protection des plaines, le maintien du bétail ou la sécurité des personnes, il ne saurait être question pour lui d'exiger aussi l'interdiction de postage à proximité des ouvertures créées.
Comme le précise l'arrêt du 4 octobre 2011 de la 4e chambre correctionnelle de la cour d'appel de Liège, si la volonté du législateur avait été de considérer d'office les clôtures comme engins au sens de l'article 8, le législateur n'aurait pas manqué de compléter en conséquence la loi sur la chasse en y mentionnant expressément les clôtures, au même titre que les filets, lacets, pièges à mâchoires, bricoles et appâts empoisonnés ou non.
Afin que l'ensemble des agents chargés de la police de la chasse adoptent une attitude commune vis-à-vis de l'application des dispositions légales commentées sous le point 4, les directives suivantes sont adoptées.
5. Directives
5.1. Quant à la méthode
Afin de déterminer si un territoire donné est visé par l'interdiction de la chasse au grand gibier prévue par l'article 2ter de la loi sur la chasse, on adoptera la grille d'analyse suivante, sans inverser l'ordre des questions qu'il y a lieu de se poser :
Première question :
Le territoire de chasse est-il clôturé au sens de la loi sur la chasse ? Autrement dit, y-a-t-il une entrave à la libre circulation d'un grand gibier ou de plusieurs grands gibiers comme indiqué plus haut (point 4.2.1.) ? Comme indiqué également plus haut, cette entrave doit être significative par rapport au territoire concerné.
Deuxième question :
S'il y a effectivement entrave à la libre circulation, l'obstacle ou les obstacles peuvent-ils s'expliquer par :
- soit la sécurité des personnes ?
- soit la protection des cultures ?
- soit le maintien du bétail ?
Troisième question :
Si la réponse à la deuxième question est positive, la hauteur maximale fixée par le Gouvernement, à savoir 1,20 m pour la protection des cultures et le maintien du bétail et 5 m pour la sécurité des personnes est-elle respectée ?
Si les réponses aux 2e et 3e questions sont positives, les conditions nécessaires au constat de l'infraction ne sont pas réunies.
Par contre, ces conditions sont réunies si la réponse à l'une des deux dernières questions est négative.
La règle générale étant la sanction de l'entrave, en cas de doute quant à une réponse positive à la deuxième question, logiquement, c'est l'interdiction qui prime.
Afin de lever au maximum le doute, les précisions suivantes sont apportées :
Sécurité publique :
Les clôtures qui sont installées le long des routes à l'initiative ou avec l'accord du gestionnaire de la voirie en vue d'assurer la sécurité publique constituent un obstacle au libre parcours du grand gibier, mais ne doivent pas entrer en ligne de compte pour déterminer si on se trouve en présence d'un territoire clôturé dans lequel la chasse au grand gibier doit être interdite [10]. Il en est généralement de même pour les clôtures installées autour de certains domaines par leurs gestionnaires en vue d'empêcher l'accès des personnes pour des raisons de sécurité (on songe ici en particulier aux domaines de la Défense nationale et aux zones de carrières...).
Protection des cultures :
Les clôtures de protection des cultures doivent être installées en lisière des massifs forestiers ou à proximité de la lisière.
On doit cependant raisonnablement admettre qu'un chasseur installe une clôture de protection des plaines, qui ne suivrait pas exactement le contour de la lisière mais couperait parfois au court à travers certaines excroissances boisées s'avançant en plaine, et ce pour des raisons d'économie évidentes.
Par ailleurs, on doit également raisonnablement admettre qu'un chasseur, dont le territoire de chasse ne se trouve pas immédiatement en contact avec la plaine, mais qui a déjà été appelé dans le passé à devoir indemniser des dégâts importants de grand gibier à la plaine toute proche (et les a effectivement indemnisés), puisse installer une clôture de protection de la plaine sur son territoire si son voisin, dont le territoire est en contact direct avec la plaine, persiste à ne pas prendre des mesures de préventions efficaces contre ces dégâts, telle l'installation d'une clôture de protection efficace et réglementaire entre le bois et la plaine. Ceci ne porte pas préjudice au droit de ce voisin de contester le bien-fondé du défaut de prévoyance qui lui serait ainsi reproché et d'exiger par conséquent l'enlèvement de la clôture qui n'a pas sa raison d'être à ses yeux.
Dans le cas particulier d'un territoire de chasse qui comporte en son sein (et donc pas en périphérie) un enclos, qui peut être justifié ou non par la nécessité de mettre des plants ou des arbres à l'abri de la dent du gibier, la chasse au grand gibier reste autorisée sur le territoire en dehors de cet enclos dans lequel elle est interdite. Evidemment, il doit être constaté qu'il y a nécessité de protéger une véritable plantation et écarter tout subterfuge consistant à intégrer cet enclos dans un dispositif destiné manifestement à clôturer le territoire.
5.2. Quant aux conséquences de l'illégalité constatée
Première période : priorité à la prévention et donc à l'avertissement
Certains titulaires du droit de chasse ont pu estimer à tort que leur territoire n'était pas considéré comme clôturé.
En effet, pendant plusieurs années, les agents chargés de la police de la chasse ne sont pas ou sont peu intervenus en vue de faire respecter l'interdiction de la chasse au grand gibier dans les territoires clôturés depuis son entrée en vigueur le 1er juillet 2000, notamment pour les raisons invoquées au point 1 (circulaire interprétative contestée et recours introduits au niveau du Conseil d'Etat).
Compte tenu de cette situation, la plupart des titulaires du droit de chasse dont les territoires sont à considérer comme clôturés en ont été informés par le DNF lors des deux dernières saisons de chasse et il leur a été demandé d'enlever ou de rabaisser leurs clôtures, de manière à au moins ne plus se trouver à terme dans une situation infractionnelle comparable à celle qui a donné lieu au Jugement de la cour d'appel de Liège du 4 octobre 2011, confirmé par l'arrêt de la Cour de Cassation du 22 février 2012. Moyennant accord de leur part sur un programme de démantèlement des clôtures, procès-verbal n'a pas été dressé.
Cette démarche d'avertissement sera encore poursuivie cette année vis-à-vis des titulaires de droit de chasse concernés qui n'auraient pas encore été identifiés ou qui se trouveraient dans une situation non conforme aux directives contenues dans la présente circulaire, malgré une première adaptation de leurs clôtures pour éviter de se trouver dans une situation infractionnelle comparable à celle qui fait l'objet de la jurisprudence précitée.
Pour le 1er mai 2014 au plus tard, il leur sera demandé d'enlever ou d'abaisser toute clôture constituant un obstacle significatif au libre parcours du grand gibier, obstacle pour lequel le bénéfice de l'application de la dérogation prévue par l'article 2ter, alinéa 2, de la loi sur la chasse ne peut être invoqué. En cas de divergences de vue entre le titulaire de droit de chasse et le directeur des services extérieurs quant à l'obligation de démonter ou d'enlever une clôture le litige est porté à la connaissance de l'inspecteur général du DNF qui prendra la décision.
Il sera signalé à ces titulaires de droit de chasse qu'à défaut de pouvoir s'exécuter, les propriétaires pouvant en effet toujours s'opposer à l'enlèvement ou au rabaissement des clôtures, ils n'auront d'autre choix, pour réguler le grand gibier, que de solliciter des autorisations de destruction en application des articles 28 à 31 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 octobre 2002 permettant la destruction de certaines espèces gibiers.
Il sera rappelé à ce propos que des autorisations en application des articles 28 à 31 ne peuvent être accordées, entre autres conditions, que si des dégâts importants sont observés ou sont à craindre (preuve à apporter par le demandeur) et à la condition que le grand gibier n'ait pas été nourri en période de chasse [11] (cf. art. 2 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 octobre 2002).
Par ailleurs, sous peine de couvrir une chasse déguisée, de telles autorisations de destruction ne seront jamais accordées de façon récurrente, chaque année. Les bénéficiaires de ces autorisations de destruction seront dès lors explicitement encouragés à prélever les plus d'animaux possible pour être à l'abri un certain temps au moins de problèmes importants de dégâts.
Deuxième période : répression systématique
A partir du 1er mai 2014, il y aura verbalisation systématique avec transmission au Parquet.
Le verbalisant aura le double souci :
- de bien décrire la situation de fait, en suivant la grille d'analyse proposée au point 5.1. De rares titulaires de droit de chasse se sont parfois retranchés derrière des justifications assez grossières [12] pour contester l'existence de l'infraction. Quel que soit le subterfuge qui serait le cas échéant invoqué, le procès-verbal devra bien faire ressortir la volonté de détourner l'esprit de la législation;
- d'identifier les personnes coupables du délit, étant principalement l'organisateur de la chasse, ainsi que le chasseur en situation de chasse ayant parfaitement conscience de chasser le grand gibier dans un territoire clôturé. En effet, toute infraction requiert non seulement un élément matériel, mais aussi un élément moral. Le relevé des postes de battues par rapport aux clôtures ou le plan des battues indiquant l'emplacement des clôtures peuvent être d'une grande utilité pour démontrer que le chasseur avait parfaitement conscience de chasser dans un territoire clôturé.
6. Disposition finale
La circulaire ministérielle n° 2.650 du 12 octobre 2000 relative à la définition du "territoire clôturé" visée à l'article 1er, § 1er, 10°, de la loi du 28 février 1882 sur la chasse, à l'arrêté du Gouvernement wallon du 3 juin 1999 déterminant la hauteur des clôtures visées à l'article 2ter, alinéa 2, de la loi du 28 février 1882 sur la chasse et à l'arrêté du Gouvernement wallon du 3 juin 1999 modifiant l'arrêté du Gouvernement wallon du 13 juillet 1995 permettant la destruction de certaines espèces gibier et fixant les conditions de destruction de grand gibier dans les territoires clôturés visés à l'article 2ter, alinéa 1er, de la loi du 28 février 1882 sur la chasse, est formellement abrogée.
_______
Notes
[1] Le Conseil d'Etat a statué sur ces recours après plus de dix ans de procédure (cf. arrêt n° 198.192 du 24 novembre 2009).
[2] Circulaire du 12 octobre 2000 du Ministre J. Happart (Moniteur belge du 7 novembre 2000), laquelle avait été soumise au Gouvernement wallon qui avait marqué son accord sur celle-ci uniquement pour une période temporaire (jusqu'au 30 juin 2001), comme l'indique la décision du Gouvernement de l'époque.
[3] Territoires de chasse dont les étendues sont généralement bien inférieures à celles des domaines vitaux d'un cerf ou d'un sanglier.
[4] Cette interdiction qui ne concerne bien que le grand gibier est entrée en vigueur le 1er juillet 2000. La chasse du petit gibier, du gibier d'eau et de l'autre gibier reste donc bien autorisée.
[5] Par exemple, le fait, lors des jours de chasse, d'ouvrir les barrières au niveau des points d'entrée dans un territoire de chasse ceinturé par une clôture ne supprime en rien le caractère clôturé de ce territoire; il en est de même si une portion de clôture est enlevée ou si une clôture électrique est mise hors tension au moment de la chasse.
[6] L'arrêt du 4 octobre 2011 de la 4e chambre correctionnelle de la cour d'appel de Liège confirme sans équivoque cette interprétation, précisant en outre que la circulaire ministérielle du 12 octobre 2000 était contraire à la loi.
[7] "empêchant le libre parcours de toute espèce de grand gibier" signifie "empêchant le libre parcours de n'importe quelle espèce de grand gibier".
[8] Par exemple, une clôture de 1,3 m de type agricole, composée habituellement de 3 à 5 fils superposés, et visant à délimiter une propriété privée, notamment pour dissuader les promeneurs d'y pénétrer, n'empêche pas le passage d'un animal grand gibier, quelle que soit l'espèce. Elle ne constitue dès lors pas un obstacle au sens de la définition de l'article 1er, § 1er, 10° de la loi sur la chasse. Par contre, un passage canadien correspond bien à cette notion d'obstacle empêchant le libre parcours du grand gibier.
[9] Voire nettement moins : 2 fils électriques, le premier à 20 cm du sol et le second à 50 cm du sol suffisent déjà à entraver le libre parcours du sanglier.
[10] Il est effectivement important que ce soit à l'initiative de ce gestionnaire car comme l'indique le jugement précité du 4 octobre 2011, la protection des personnes ne justifie pas l'installation d'une clôture le long de n'importe quelle route, à défaut de quoi il n'existerait finalement plus nulle part la possibilité d'assurer un certain libre parcours du grand gibier.
[11] C'est-à-dire une absence totale de nourrissage si du sanglier est présent, puisque la chasse au sanglier est ouverte toute l'année.
[12] Exemples :
* le titulaire de droit de chasse parvient à démontrer que la clôture litigieuse est en réalité installée sur une longue bande de terrain où il n'aurait pas le droit de chasse (mais qu'il chassait évidemment avant son interpellation...). A cet égard, on relèvera que dans le jugement précité du 4 octobre 2011, le juge a estimé que "la pose d'une clôture par un voisin ne peut causer dommage à autrui qui pourrait exiger l'enlèvement, voire réclamer des dommages et intérêts"...
* le titulaire de droit de chasse complète la clôture litigieuse pour délimiter une étroite parcelle dans laquelle il prétend tout à coup protéger la régénération forestière.