Dès le
XVIIe siècle, le problème de la surexploitation de la
forêt liée aux droits dusage et aux coupes de bois
pour lindustrie a inquiété. En 1617, lordonnance
forestière des archiducs Albert et Isabelle est publiée.
Lobjectif de cette ordonnance qui compte 125 articles
et qui concerne les bois de Luxembourg et de Chiny est de faire
en sorte que lexploitation de la forêt tienne compte de
sa reconstitution. Etant donné le temps de croissance des arbres,
les forestiers ont donc dû, bien avant la plupart des autres
professions, développer une vision à long terme.
Cependant, jusquà
récemment, la préoccupation majeure a été
la production de bois. Cest ainsi que les grands reboisements
du xxe siècle (+ 100.000 ha) et les replantations forestières
se sont traduits par un enrésinement massif (228.000 ha).
Les principes
de gestion durable qui découlent des conventions sur la
biodiversité et sur les changements climatiques, signées
en suivi de la Conférence de Rio (1992), ont été
précisés lors de la Conférence dHelsinki
(1993) : «Gestion et utilisation des forêts dune
manière et à une intensité telle quelles
maintiennent leur diversité biologique, leur productivité,
leur capacité de régénération, leur vitalité
et leur capacité à satisfaire, actuellement et pour
le futur, les fonctions écologiques, économiques et
sociales pertinentes, aux niveaux local, national et mondial, et quelles
ne causent pas de préjudices à dautres écosystèmes
».
Cette évolution
des concepts a influencé la politique forestière wallonne.
La circulaire no 2619 relative aux aménagements dans les bois
soumis au régime forestier (1997) consacre les principes de
la Conférence dHelsinki et reconnaît expressément
la multifonctionnalité de la forêt : les différentes
fonctions doivent co-exister et les aménagements forestiers
(plans de gestion des forêts soumises) doivent être revus
dans cette perspective.
Pour plusieurs
raisons, la fonction économique de la forêt wallonne
reste néanmoins une priorité. Dans le contexte actuel,
il est généralement admis que lavenir de la forêt
est dautant plus assuré quelle est source de revenus
pour ses propriétaires. Dautre part, la Belgique présente
un déficit en bois par rapport à sa consommation intérieure.
Lemploi dans la filière bois en Région wallonne
est estimé à 16.300 unités et ce chiffre pourrait
augmenter si le secteur de la seconde transformation était
développé. Enfin, les formations destinées aux
forestiers ont longtemps mis laccent sur la production de bois.
La forêt
wallonne possède quelques atouts économiques : sa productivité
est élevée, la répartition des produits par catégorie
dutilisation est relativement favorable et les essences sont
en voie de diversification progressive. Actuellement, les prélèvements
sont inférieurs à laccroissement; il y a donc
capitalisation du matériel ligneux.
Des mesures
sont prises pour accroître lintérêt économique
de la forêt tout en favorisant les aspects écologiques.
Ces mesures
visent à compenser la faible rentabilité des espèces
(subvention à la régénération), à
utiliser des plants de bonne qualité génétique
(Comptoir forestier), à favoriser la stabilité des peuplements
(subvention à léclaircie), à produire du
bois de haute qualité (subvention à lélagage
à grande hauteur). Les mesures visant à contrer le morcellement
(groupements forestiers) ont également un effet favorable sur
la rentabilité.
Autre source
de revenus pour la forêt : la chasse. La fonction cynégétique
est envisagée dans cette perspective mais aussi, plus récemment,
avec le souci de restaurer un équilibre forêt-gibier
mis à mal par les élevages, les territoires clôturés,
les nourrissages intensifs et des pratiques de chasse visant à
préserver les femelles. Il en résulte une augmentation
des populations de grands ongulés et une surdensité
par rapport à la capacité daccueil du milieu qui,
elle, a eu tendance à se réduire. Cette situation se
traduit par des dégâts : dégradation des arbres,
entrave à la régénération de la forêt
et diminution de la biodiversité. Les récentes révisions
de la loi sur la chasse visent à supprimer les élevages,
à rétablir la libre circulation du gibier, à
réduire le nourrissage, à augmenter la capacité
daccueil du milieu et à instaurer des plans de tir. Ces
réformes étant assez récentes, leurs effets ne
pourront être évalués que dans les prochaines
années.
En ce qui concerne
la fonction sociale, récréative et éducative
de la forêt, loption a été clairement prise
au travers du décret relatif à la circulation en forêt
(1995) de préserver la quiétude en forêt. Les
engins motorisés sont interdits sauf dérogation tandis
que la circulation des piétons, chevaux et vélos est
encouragée dans un cadre compatible avec la préservation
de la forêt. Le grand nombre de demandes de dérogations
et dautorisations témoigne dune forte demande du
public pour les activités récréatives en forêt.
Il en est de même pour les activités éducatives.
Lintérêt
pour la fonction écologique de la forêt est assez
récent et a entraîné une série de réglementations
et de recommandations sylvicoles, notamment : linterdiction
de planter des résineux à moins de 6 m des rives des
cours deau (1967, 1979), lamélioration de la connaissance
des essences (publication du fichier écologique des essences,
1991), loctroi de subventions conditionné par le respect
de règles écologiques (p. ex. plantation avec des essences
adaptées aux stations, application du guide du boisement paru
en 1994, plantation dau moins 10 % de feuillus lors de plantations
de résineux, plantation à large écartement, mesures
pour protéger les sols et les eaux). Le Comptoir forestier
de Marche-en-Famenne a été créé pour assurer
un approvisionnement de graines de souches locales de bonne qualité
et de provenance diversifiée pour les essences de production
mais aussi pour des essences daccompagnement à intérêt
plus écologique quéconomique.
Les données
récentes de linventaire permanent des ressources forestières
de Wallonie indiquent une évolution dont les éléments
suivants peuvent être qualifiés de positifs en termes
de qualité biologique des forêts :
Cette évolution
a sans doute deux explications quil est difficile de départager
: la réorientation de la politique forestière mais aussi
les vastes étendues de chablis résultant des tempêtes
de 1990 (19.700 ha).
Lamélioration
de la qualité écologique de la forêt wallonne
devrait se marquer à une grande échelle dans les prochaines
années si la révision générale des aménagements
forestiers selon la circulaire no 2619, les diverses réglementations
et la politique de subventions, ont bien, dans la pratique, les effets
escomptés.
Un point reste
préoccupant, cest létat de santé
des forêts. La forêt subit les pressions des activités
humaines, notamment, les retombées atmosphériques. Le
phénomène nest pas particulier à la forêt
mais la pression et le rythme dexploitation y étant moindre,
lobservation des perturbations y est plus facile. Si la catastrophe
«pluies acides» annoncée dans les années
80 na pas eu lieu, létat de santé des forêts
est néanmoins inquiétant.
Les observations
réalisées depuis 1989 apparaissent assez hétérogènes
: lintensité des symptômes et les essences concernées
sont assez variables dune année à lautre
ainsi que les causes explicatives visibles. La tendance générale
est cependant à une stabilisation des symptômes en résineux
et à une lente régression de létat sanitaire
des feuillus. Les retombées atmosphériques observées
sont manifestement susceptibles de déséquilibrer les
écosystèmes les plus pauvres : les charges critiques
sont dépassées en de nombreux endroits. Le recul manque
cependant pour tirer des conclusions et identifier de manière
fiable les relations de causes à effets. Des placettes de surveillance
intensive ont été installées pour tenter de mieux
comprendre la situation.
LA NATURE
Le constat en
matière de biodiversité est à la fois négatif
et positif.
Négatif
et alarmant car malgré une prise de conscience qui date
de plusieurs dizaines dannées et une législation
sur la conservation de la nature qui aura 30 ans en 2003, la régression
des espèces continue et de nombreux milieux intéressants
pour la flore et la faune sauvage disparaissent encore. Les activités
qui ont des incidences négatives sur la biodiversité
sont multiples et sopèrent à grande échelle,
ce qui rend difficile la résolution des problèmes.
Positif car
lexpérience montre que lorsque les causes de déclin
dune espèce sont correctement identifiées et que
les mesures adéquates sont prises pour supprimer ces causes,
lespèce peut assez rapidement récupérer
pour autant cependant quelle nait pas atteint un seuil
critique.
La politique
de préservation et de restauration de la biodiversité
est actuellement fondée sur le concept du réseau écologique.
Il sagit dune part, dassurer la protection des «
zones centrales» sites qui ont une grande valeur
écologique parce quils abritent de nombreuses espèces
ou des espèces rares et quils constituent de ce fait
les «réservoirs» de la biodiversité
et dautre part, daugmenter le potentiel daccueil
de la vie sauvage sur lensemble du territoire. Cela implique
de conserver un maximum de milieux propices et de développer
des pratiques agricoles, sylvicoles, horticoles qui soient plus favorables
à la vie sauvage.
De nombreuses
actions ont été menées selon cette approche mais
pour sauver de manière significative la richesse du patrimoine
naturel wallon, il est impératif daccélérer
le rythme de création des réserves naturelles et de
généraliser lapplication des pratiques favorables
à la vie sauvage. La mise en uvre du réseau «
Natura 2000» en est loccasion.
Rédacteur :
HALLET Catherine.