Description du phénomène

Les pesticides (ou produits phytosanitaires) regroupent des substances synthétiques ou naturelles que l’on peut classer selon leur emploi : insecticides, fongicides, herbicides, ... . Ils sont principalement utilisés en agriculture mais aussi par les communes, les administrations (SNCB, ...), et les particuliers (jardinage). Leur transfert vers les eaux dépend des saisons et des modalités d’utilisation, de leur solubilité dans l’eau, de leur dégradabilité, des conditions climatiques et des caractéristiques des sols.

L’usage des pesticides en Belgique figure parmi les plus intensifs de l’OCDE : la consommation atteint 6,4 kg d’ingrédients actifs par hectare alors qu’elle est de 5,4 kg/ha en Hollande, 2,8 kg/ha en France et 2,0 kg en Allemagne (OCDE, 1998) (voir aussi fiche AgrP1). Contrairement à la tendance enregistrée dans d’autres pays, leur usage n’a pas diminué, bien qu’un système d’écotaxes sur les récipients ayant contenu des pesticides et sur certaines substances actives (dont l’atrazine) ait été mis en place. Un nombre croissant de puits contiennent néanmoins des pesticides, ce qui incite les compagnies des eaux à mélanger les eaux provenant de différentes sources afin de respecter les normes de qualité. Certaines stations de potabilisation sont équipées spécialement pour débarrasser leurs eaux brutes des pesticides. D’après l’OCDE, la situation ne pourra probablement aller qu’en s’aggravant, si l’usage intensif des pesticides continue.

Parmi les herbicides, l’atrazine 8 (ainsi que son produit de dégradation, la déséthylatrazine) est la seule substance qui contamine les nappes de manière générale et non ponctuelle en Région wallonne : au moins 60 % des contaminations, tous pesticides confondus, sont dues à l’atrazine. Le diuron et l’isoproturon sont aussi régulièrement mis en évidence dans les eaux souterraines.

Signification

La contamination des eaux souterraines par les pesticides est estimée en utilisant les teneurs maximales rencontrées dans les captages regroupés en 10 nappes et pour 3 contaminants fréquents (atrazine, isoproturon, diuron). Il faut noter que la concentration des pesticides peut varier fortement au cours du temps. Le dépassement de la CMA pour un captage montre alors qu’il y a eu une contamination ponctuelle importante au cours de la période considérée (voir aussi remarque sur la qualité des données).

Les résultats des analyses sont exprimés en µg/l. On détermine 3 classes de captages :

classe 1 : captage dont le résultat maximum observé dans la période considérée est inférieur à la 1/2 de la concentration maximale admissible (CMA/2) pour le pesticide considéré,
classe 2 : captage dont le résultat se situe entre la CMA/2 et la CMA,
classe 3 : captage dont le résultat est supérieur à la CMA.

Mesures et objectifs

Situation en Région wallonne

La Carte 2-2 (voir page suivante) montre les teneurs maximales observées en atrazine pour les principales nappes aquifères et localise les captages où la concentration en atrazine a dépassé au moins une fois la concentration maximale admissible (0,1 µg/l).

Globalement et dans les limites de l’indicateur (voir «Caractérisation des données »), on constate que le nombre de sites touchés (le nombre de sites où la concentration maximale de 0,1 µg/l est dépassée au moins une fois sur la période) est de 18 %.

Carte 2-2

Les nappes les plus touchées sont :

  • les sables bruxelliens (19 sites sur 55 se retrouvent en classe 1, soit 34 %), qui étaient déjà les plus touchés par la pollution nitrate (voir fiche EauE1),
  • les calcaires du bassin de Dinant et de la Vesdre (18 sites sur 55 se retrouvent en classe 1, soit 33 %),
  • les nappes alluviales (Meuse) (7 sites sur 32 en classe 1, soit 22 %).

Par contre le Calcaire du Bassin de Namur (la partie Nord, Escaut-Dendre) est relativement bien protégé, ainsi que l’Ardenne et la Gaume (formations aquifères schisto-gréseuses et jurassiques), qui sont sans doute exposées à moins de pression phyto-sanitaire.

Dans l’ensemble, les nappes sont moins exposées à l’isoproturon (voir Figure 2-17) et au diuron (voir Figure 2-18) puisque respectivement 2,3 et 2,0 % des analyses montrent une concentration supérieure à la concentration maximale admissible. On peut aussi remarquer que le calcaire du bord Nord du Bassin de Namur est moins protégé que dans le cas de l’atrazine et que les sables Bruxelliens montrent une grande sensibilité au diuron.

Figure 2-16 : Concentration de pesticides dans les eaux souterraines en Région wallonne : teneur maximale observée par captage pour l’atrazine dans la période 1993-1998
Source : Ministère de la Région wallonne, DGRNE et sociétés de production et distribution d’eau

Figure 2-17 : Concentration de pesticides dans les eaux souterraines en Région wallonne, teneur maximale observée par captage pour l’isoproturon dans la période 1993-1998
Source : Ministère de la Région wallonne, DGRNE et sociétés de production et distribution d’eau

Figure 2-18 : Concentration de pesticides dans les eaux souterraines en Région wallonne, teneur maximale observée par captage pour le diuron dans la période 1993-1998
Source : Ministère de la Région wallonne, DGRNE et sociétés de production et distribution d’eau

Situation wallonne dans le contexte européen

En Europe comme en Région wallonne, l’atrazine fait partie des pesticides les plus couramment trouvés dans les eaux souterraines. Les données sur les niveaux de contamination des captages sont fort variables : l’atrazine se retrouve à des concentrations supérieures à 0.1 µg/l dans plus de 25 % des échantillons analysés en Slovénie, dans 22 % des analyses en France, dans 9 % au Royaume-Uni et 4 % au Danemark.

Conclusion

En Région wallonne, la norme de 0,1 µg/l a été dépassée au moins une fois pour 23 % des analyses pratiquées entre 1993 et 1998 et communiquées à la DGRNE. Ces dépassements ont concerné 18 % des prises d’eaux potabilisables échantillonnées.

 

Lien direct avec d’autres indicateurs

EauR4 : Catégories de traitement et abandon de captages

AgrP1b,c : Utilisation d’intrants en agriculture (produits de lutte)

AgrR1 : Mesures agri-environnementales

Caractérisation des données

Les données résumées dans cette fiche ne proviennent pas d’un réseau de mesure systématique mais de résultats transmis à l’administration par les grands producteurs d’eau potabilisable. Ces données résultent d’analyses réalisées sur les captages selon des fréquences et à des dates variables.

Comme noté dans la fiche EauE1, les captages ne constituent pas nécessairement un échantillon statistiquement représentatif des nappes, mais en l’absence de données sur les nappes elles-mêmes, ces données permettent d’estimer la contamination des eaux souterraines par les pesticides en notant les teneurs maximales rencontrées à chaque endroit pour les pesticides considérés. Sur la période considérée, la DGRNE a reçu 1106 résultats d’analyses, portant sur 454 captages (soit en moyenne 2,4 analyses par captage sur les 6 ans 9).

D’autre part, rappelons que l’appartenance des captages à différentes formations géologiques peut engendrer, dans une certaine mesure, des teneurs différentes en polluants (protection des nappes captives, voir fiche EauE1).

Aspects réglementaires

Niveau européen

La concentration de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine est régulée en Europe depuis 1980 (Drinking water Directive, 80/778/CEE, remplacée par la Directive 98/83/CE). Cette directive établit une concentration maximale admissible de 0,1 µg/l (100 ng/l) par substance individualisée, avec au total maximum 0,5 µg/l (500 ng/l). La nouvelle Directive, adoptée en novembre 98 (98/83/EC) introduit des nouveaux seuils plus sévères pour certaines substances (0,03 µg/l). Elle n’est pas encore d’application en Région wallonne.

Lors de la réforme de la PAC en 1992, il a été décidé d’introduire des mesures d’accompagnement qui concernent notamment «les méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement, ainsi que l’entretien de l’espace naturel». (Règlement (CEE) n° 2078/92).

La Directive-cadre pour une politique communautaire de l’eau (2000) inclut également des références à la directive 91/414/CE concernant l’homologation des pesticides.

Niveau fédéral

Lois spéciale et ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l’Etat qui contiennent les règles de base des écotaxes,
Loi du14 juillet 1997 fixant les modalités d’application des écotaxes sur les pesticides et les récipients ayant contenu des pesticides.

Les récipients ayant contenu des pesticides et certains pesticides sont soumis à des écotaxes. Le montant minimum de cette taxe est de 25 BEF par récipient (unité d’emballage de 5 l) et le montant minimum de consigne est de 12,5 BEF par récipient.

A partir du 1er juillet 1996, l’atrazine, le diuron, l’isoproturon, le pentachlorophénol et la simazine utilisés comme substance active dans les pesticides, sont également soumis à une écotaxe de 10 BEF par gramme.

Niveau wallon

Arrêté du Gouvernement wallon relatif à l’octroi de subventions agri-environnementales (11.03.99)

Arrêtés ministériels d’autorisation des prises d’eau potabilisable

Relation avec le PEDD

Action 19c : Organiser le rassemblement des données sur la qualité des eaux potabilisables recueillies par les distributeurs d’eau dans une banque de données centralisée et compléter ces données par une surveillance et un contrôle périodiques organisés par l’Administration.

Action 85 : Renforcer les politiques mises en œuvre en matière de mesures agri-environnementales et en assurer une évaluation permanente.

Gestionnaire(s) des données

DELLOYE Francis

Rédacteur(s)

DEFRISE Dominique