Description du phénomène

Les milieux aquatiques constituent l’habitat naturel de nombreuses communautés animales et végétales. Parmi celles-ci, les communautés de macroinvertébrés, composées d’organismes très divers (insectes, crustacés, mollusques, vers,...), comptent des milliers d’espèces.

La plupart de ces espèces sont spécialisées pour un type bien défini de micro-habitat. Par exemple, certains invertébrés vivent sur les pierres, d’autres dans le gravier, sur les végétaux, … En conséquence, la diversité de la communauté reflète la diversité des substrats.

Les macroinvertébrés occupent pratiquement tous les étages de la pyramide trophique (détritivores, herbivores, carnivores, ...).

Les communautés d’invertébrés sont également très sensibles à la pollution. Ainsi, une rivière non polluée offre une grande diversité faunistique qui se caractérise par la présence d’espèces très sensibles à la pollution organique et très exigeantes en oxygène, tandis que dans une rivière polluée ne subsistent que les espèces les plus résistantes.

Ainsi, la biodiversité des macroinvertébrés dépend directement de la qualité de l’eau (en termes de pollution) et de la diversité et de la qualité des substrats, donc, généralement, de l’état plus ou moins naturel de l’écosystème. Une dégradation (ou une restauration) de la qualité biologique des cours d’eau se répercute ainsi rapidement sur la diversité des macroinvertébrés.

Ces caractéristiques sont exploitées dans des systèmes de cotation de la qualité des cours d’eau appelés «indices biotiques».

La qualité biologique de 200 cours d’eau en Région wallonne, évaluée par les indices biotiques au Centre de Recherche de la Nature, des Forêts et du Bois à Gembloux, est suivie sur 600 stations de prélèvement. Parmi celles-ci, 390 stations ont été sélectionnées pour former un réseau de surveillance permanent. Ce réseau est échantillonné selon un cycle triennal.

Signification

Les indices biotiques permettent d’attribuer une cote de qualité aux communautés de macroinvertébrés ainsi qu’une représentation de la qualité globale du cours d’eau.

Situation en Région wallonne 20

La qualité biologique globale des cours d’eau est en étroite relation d’une part avec la typologie naturelle des bassins versants (morphologie, pédologie,...) et d’autre part avec les impacts anthropiques : artificialisation, pollution organique issue de l’activité agricole, pollution domestique des agglomérations, pollution chimique d’origines agricole et industrielle. Pour les cours d’eau navigables, la navigation est en elle-même un élément perturbateur dont l’impact marque les indices biotiques indépendamment de la qualité de l’eau. En intégrant toutes ces données, les indices biotiques basés sur les macroinvertébrés reflètent donc objectivement l’état écologique des cours d’eau.

Qualité biologique des cours d’eau de Région wallonne

Les résultats de 1994 à 1999, concernant 390 stations de prélèvements, sont illustrés par deux cartes complémentaires, celle reprenant l’indice de qualité biologique global (Carte 2-8) et celle reprenant le groupe indicateur (Carte 2-9).

Carte 2-8

Carte 2-9

L’examen global des cartes révèle immédiatement la mauvaise qualité générale au nord du sillon Sambre et Meuse, tandis que vers le sud, la qualité est plutôt moyenne à bonne dans le Condroz, bonne en Famenne et en Ardenne et à nouveau moyenne à bonne en Lorraine. On remarquera que ce diagnostic global est en étroite relation avec les régions géographiques.

Plus précisément, superposés à une carte pédologique et à une carte d’occupation du sol, les mauvais résultats au nord du sillon Sambre et Meuse correspondent aux sols limoneux à faible relief. Favorisé par la nature et la configuration du terrain, le développement de l’activité humaine y cumule les sources de pollutions anthropogènes : une pollution principalement organique issue d’une intense activité agricole (engrais, bétail), de l’habitat rural plus dense et des grosses agglomérations et une pollution chimique d’origines agricole (pesticides) et industrielle.

De meilleurs résultats sont enregistrés en Condroz là où le terrain calcaire sur des sols plus caillouteux, moins propices à la culture intensive, favorisent une activité agricole mixte (cultures et pâturages).

En Famenne et en Ardenne, les bons résultats s’expliquent par les terrains schisteux, le relief, l’activité agricole principalement limitée aux pâturages, la faible densité démographique et industrielle ainsi que par les vastes zones boisées.

L’activité agricole et le développement de l’habitat sont à nouveau favorisés sur les sols calcaires, argilo-limoneux de la Lorraine belge, où on assiste à une baisse de la qualité globale des eaux de surface.

Qualité biologique de la Meuse wallonne en 1998.

Quinze stations ont été échantillonnées sur la Meuse en 1998 dont 5 selon le protocole IBGA dans le cadre de la Commission Internationale pour la Protection de la Meuse (CIPM). L’évolution d’amont en aval de la qualité biologique de la Meuse wallonne peut se résumer comme suit.

  • Une bonne qualité biologique globale s’observe de la frontière française à Lustin (indices jusqu’à 13/20) où elle culmine (grande diversité faunistique). On peut notamment relever la présence de la Mulette épaisse Unio crassus (nanus) en Haute-Meuse.
  • La qualité biologique globale diminue sensiblement à partir de Namur jusqu’à la frontière hollandaise, les indices IBGN – IBGA se maintenant dans une fourchette de 5 à 8/20.
  • La persistance de quelques taxons sensibles à Namèche implique que la qualité de l’eau, moins bonne qu’en amont, reste cependant acceptable. La qualité biologique globale continue cependant à se dégrader vers l’aval et elle devient mauvaise dans la traversée de Liège.
  • Une bonne qualité biologique globale se retrouve localement en aval de Liège dans la frayère de Lanaye (Vieille Meuse), alimentée par les eaux du fleuve, démontrant ainsi le potentiel d’auto-épuration élevé du fleuve et de restauration rapide de sa qualité biologique.
  • Les plus grands écarts enregistrés entre les cotes IBGA et IBGN correspondent à des stations de prélèvement (Heer, Namèche) dont les berges sont fortement perturbées par les remous dus à la navigation. Les mauvais résultats enregistrés à ces stations sont, dans ce cas, l’expression de perturbations physiques.

Suivi de la biodiversité

Toutes les données récoltées dans le cadre de l’évaluation de la qualité biologique par indice biotique (listes taxonomiques et données environnementales et physico-chimiques) permettent aussi d’étudier la biodiversité des cours d’eau en fonction de nombreux paramètres.

De nouvelles espèces invasives ont ainsi été découvertes dans la Meuse. A présent, c’est la Palourde d’eau douce Corbicula fluminea, originaire d’Asie, qui vient d’entreprendre l’invasion des fleuves et rivières européennes. Elle a été observée pour la première fois en Meuse wallonne en 1995 dans les prélèvements du réseau biologique (à Petit-Lanaye). On peut s’attendre à une extension rapide de cette espèce en Meuse.

Conclusion

L’examen global des données révèle immédiatement la mauvaise qualité biologique générale des cours d’eau au nord du sillon Sambre et Meuse, tandis que vers le sud, la qualité est plutôt moyenne à bonne dans le Condroz, bonne en Famenne et en Ardenne et à nouveau moyenne à bonne en Lorraine.

 

Lien direct avec d’autres indicateurs

EauP3 : Rejets industriels d’eaux usées
EauR5 : Contrats de rivière
EauR6 : Collecte et épuration des eaux
NatForE5 : Etat de la flore et de la faune en Région wallonne

Caractérisation des données

L’Indice biologique global normalisé IBGN (AFNOR, 1992 21) offre une grande sensibilité et est appliquée en routine en Région wallonne.

Sur un tableau à double entrée, les indices biotiques prennent en compte : en ordonnée, le taxon (unité systématique) le plus sensible de l’échantillon (classé dans un groupe indicateur, de 1=groupe le plus résistant à 9=groupe le plus sensible) qui reflète la pollution du milieu, et en abscisse, la diversité des taxons présents, qui reflète la diversité des substrats, donc l’intégrité de l’écosystème.

La qualité biologique globale du cours d’eau se détermine grâce à ce tableau. Exprimée par une cote sur 20 points, elle intègre la qualité taxonomique (groupe indicateur) et la diversité taxonomique. De ce fait, elle constitue un paramètre indicateur de choix pour l’expression de la qualité écologique des cours d’eau.

Cinq classes de qualité sont définies de 1 à 20/20 (+ éventuellement une sixième classe : absence de taxons) et sont représentées par des codes de couleurs :

  • pour la qualité biologique globale (cote sur 20) :

  • pour le groupe indicateur (groupe du taxon le plus sensible) :

En général, les classes de qualité du groupe indicateur et de la cote globale sont semblables ou proches. Cependant, la cote seule ne permettant pas de se situer dans le tableau, il faut toujours associer le groupe indicateur à la cote/20 pour interpréter le résultat. Exemple : cote identique de 10/20, soit une «qualité biologique moyenne», pour une rivière naturellement pauvre et non polluée (en Hautes-Fagnes p.ex., groupe indicateur 9) et pour une rivière victime d’une pollution organique (dans le bassin de l’Escaut p.ex., groupe indicateur 2).

Il faut d’autre part remarquer que l’interprétation proposée pour l’IBGN est basée sur une moyenne des situations rencontrées sur des cours d’eau dont les typologies naturelles varient fortement des plaines de l’Escaut aux Hautes-Fagnes. Elle est destinée à aider à la compréhension des résultats et reste très générale. Il appartient aux hydrobiologistes de la nuancer et de la compléter par une analyse plus fine des résultats, en tenant également compte d’autres composantes de l’écosystème.

Aspects réglementaires

Directive 76/464/CEE sur le rejet de substances dangereuses dans les milieux aquatiques (voir EauE7)

Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages

Convention sur la Diversité Biologique (Rio, 1992) ratifiée par la Belgique, notamment l’article 4

Traités internationaux relatifs à la protection de la Meuse et de l’Escaut gérés par la Commission internationale pour la protection de la Meuse CIPM et par la Commission internationale pour la protection de l’Escaut CIPE

Relation avec le PEDD

Action 20 : Développer une approche globale des cours d’eau en ce compris le problème de la qualité des eaux de surface
Action 49 : Renforcer la protection de l’écosystème «rivière»

Gestionnaire(s) des données

VANDEN BOSSCHE Jean-Pierre

Rédacteur(s)

d’après VANDEN BOSSCHE Jean-Pierre