Topographie de surface et de subsurface des zones tourbeuses
des réserves naturelles domaniales des Hautes-Fagnes

Cette recherche a été menée par l'Université de Liège, Service de Phytosociologie, flore et végétation des Hautes-Fagnes, avec la collaboration de G-TEC S.A. (Spa) et de la D.P.A. Elle a été effectuée pour le compte du Ministère de la Région wallonne (D.G.R.N.E.) et a été financée par elle. Les données et résultats obtenus dans ce cadre sont et restent propriété de la Région.

Pour en savoir plus : DPA.DGRNE@mrw.wallonie.be

Résumé

Les tourbières hautes à sphaignes des Hautes-Fagnes sont en voie de dégradation, en conséquence, notamment, des perturbations hydrologiques engendrées par le drainage intensif commencé il y a un siècle. Dans le but d'orienter au mieux la gestion de ces écosystèmes exceptionnels, placés aujourd'hui sous statut de réserves naturelles domaniales, il était nécessaire d'acquérir une meilleure connaissance des phénomènes profonds susceptibles d'influencer ou d'avoir influencé la naissance et le développement des dépôts tourbeux et l'occurrence de végétations particulières.

Une étude détaillée a été entreprise dans la fagne des Deux-Séries, avec pour objectifs:

- la topographie de la surface des zones tourbeuses;
- la cartographie du contact tourbe/limon argileux;
- la datation du démarrage des dépôts tourbeux;
- l'interprétation cartographique, géomorphologique, paléoécologique et hydrologique des résultats.

La méthodologie consiste en la réalisation de profils à l'aide du radar de subsurface (ground penetrating radar, GPR), associé au positionnement par GPS (global positioning system). Au total, 125 km de tels profils ont permis de couvrir les quelque 800 ha de la fagne des Deux-Séries. En fonction des images obtenues, des moyens plus conventionnels sont mis en oeuvre pour aider l'interprétation des résultats: sondages et datations palynologiques, prélèvements et analyses d'eau.

Le GPR donne une image continue de l'interface entre la tourbe et le limon argileux sous-jacent; il permet aussi de détecter des réflecteurs particuliers au sein de la tourbe.

Les données du GPR ont permis de cartographier en détail les épaisseurs de tourbe, donc de délimiter les principaux massifs tourbeux; les données du GPS ont permis, en outre, d'en caractériser la morphologie (tourbières de pente bombées).

La morphologie du substratum a été profondément affectée par des processus périglaciaires après l'acmé de la dernière glaciation; entre autres, de nombreuses traces de lithalses ont été repérées, parfois enfouies sous plusieurs mètres de tourbe. Leur répartition n'est pas homogène, ce qui pourrait s'expliquer par des différences lithologiques du sous-sol. En outre, des traces de lithalses sont présentes sous certaines zones très particulières, comportant une végétation mésotrophe en surface, suggérant une influence de processus hydrogéologiques. Des analyses d'eau et de tritium ont été entamées pour tenter de mieux cerner ce problème.

Dans tous les cas étudiés, l'accumulation de tourbe débute au Préboréal dans les dépressions de lithalses; ailleurs, elle ne démarre pas avant l'Atlantique.

Le GPR a aussi permis de détecter des structures locales particulières.

Des dépôts de limon apparaissent très nettement: ce sont soit des coulées de solifluxion dans le fond des lithalses ou à l'extérieur de ceux-ci, soit des dépôts alluviaux (en bordure de la Helle).

Des niveaux de cendres se marquent également.

Des niveaux dans les remplissages de lithalses soulignent probablement différentes phases dans l'accumulation de ce dépôt.

Des atténuations importantes du réflecteur de base traduisent une minéralisation plus importante de la tourbe.

En conclusion, cette étude a permis de recueillir une grande quantité de données sur la morphologie des tourbières et de leur substratum. Les images radar ont également mis en évidence nombre de structures particulières. Ces résultats seront un outil précieux pour l'orientation des recherches futures.

 

Surface and subsurface topography of the peatlands of the Hautes-Fagnes state nature reserve

Summary

A GPR/GPS survey of a 800 ha raised bog area in the Hautes-Fagnes (Belgium) has been carried out by the University of Liège (Service of Phytosociology, flora and vegetation of the Hautes-Fagnes), with the collaboration of G-TEC S.A. (Spa). This study was asked and supported financially by the Walloon Region Ministry, D.G.R.N.E. Dept.

The aims of the study were:

- topographic survey;
- mapping of the interface between peat and the underlying clayey silt;
- dating of the starting of the peat accumulation;
- geomorphological, paleoecological and hydrological interpretation of the results of these data.

The survey consisted in 125 km of profiles made by ground-penetrating radar (GPR) associated with a global positioning system (GPS). The GPR gives information about the peat thickness and particular features within the peat. Additional borings, palynological datings and water samplings were performed to help interpretation.

The peat thickness has been mapped with far more detail than ever before, so that the peat massifs are now accurately delimited and their morphology characterized.

The mineral substratum under the peat was deeply affected by periglacial processes from the last Dryas. Numerous lithals remnants have been found, where peat began to accumulate during the Preboreal, whereas outside these depressions the peat accumulation started during the Atlantic or later. In particular, lithals depressions have been found under very peculiar mounds of peat covered with mesotrophic vegetation, suggesting an influence of different hydrogeological processes. The distribution of the lithalses is not homogeneous, what might be correlated with lithological and/or hydrological differences.

Local reflectors within the peat may be correlated with particular features.The GPR detected e.g. solifluction materials under the peat, silt-enriched levels, ash levels, abrupt changes in the humification degree and ancient alluvial deposits.